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Yaoundé - 19 avril 2024 -
Banque et Finance

Le nouveau règlement de la Cosumaf favorable aux investisseurs étrangers

(Investir au Cameroun) - Le marché financier de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale vient de doter sa commission de surveillance, la COSUMAF, d’un Règlement général. Pour analyser la portée de cette réforme, nous nous sommes adressés à Boris Mortor, avocat associé au Cabinet Eversheds.

Les Afriques : Dans quelles conditions cette nouvelle réglementation a-t-elle vu le jour ?

Boris Mortor : Le Règlement général de la COSUMAF, Commission de surveillance du marché financier, autorité de tutelle et de régulation de l’organisation régionale d’Afrique centrale, est le fruit de longues années de dialogue et de consultation entre les six Etats membres de la CEMAC. Après un premier projet présenté en 2005 au Collège de la COSUMAF, instance dirigeante de la commission de surveillance, le Règlement général a finalement été adopté par ce dernier en juillet 2008, pour entrer définitivement en vigueur cette année 2009.

 

LA : Quels sont les apports de cette nouvelle réglementation pour les acteurs et opérateurs du marché régional d’Afrique centrale ?

BM : Le Règlement général définit tout d’abord le champ et l’étendue des compétences de la COSUMAF, qui joue un rôle à la fois de surveillance et de direction du marché régional, puisque toutes opérations d’appel public à l’épargne réalisées en son sein sont soumises à son visa préalable. A cet effet, le Règlement établit de façon exhaustive les règles encadrant les opérations d’investissement et d’émission de titres, notamment les démarches préalables relatives à l’établissement et à la diffusion d’un document d’information, ainsi que les conditions d’accès au marché par admission à la cote de la bourse régionale, la BVMAC.

Enfin, tous les acteurs quotidiens du marché financier régional sont passés au peigne fin : des organismes de marché (dont fait partie la BVMAC en tant qu’entreprise gestionnaire du marché) aux intermédiaires de marché (sociétés de bourse et autres établissements de crédits), en passant par les organismes de placement collectif de valeurs mobilières (OPCVM).

Grâce à ce corpus de règles, dotées de sanctions, la COSUMAF rattrape le retard pris par rapport à ses voisins d’Afrique de l’Ouest dans l’élaboration d’un cadre réglementaire complet et efficace, gage de sécurité pour les investisseurs locaux et étrangers. Les opérateurs désirant investir en zone CEMAC, auparavant indécis face au flou, voire à l’absence de règles précises en matière d’appel public à l’épargne, sont dorénavant confortés et guidés dans leur démarche auprès des autorités locales pour toutes opérations financières sur le marché régional d’Afrique centrale.

 

LA : Quel est le traitement réservé par le Règlement général aux investisseurs étrangers ?

BM : Il faut souligner l’effort de la CEMAC à mettre en œuvre des dispositions qui restent attractives pour les entités étrangères, puisque celles-ci peuvent faire appel public à l’épargne dans un ou plusieurs pays de la zone, cela sans avoir ainsi à être cotées à la bourse régionale.

En effet, toute opération d’investissement ou d’émission de titres étrangers peut se réaliser, une fois le visa de la COSUMAF obtenu, par le biais d’une société de bourse locale agréée qui joue le rôle de correspondant ou d’intermédiaire. L’Afrique centrale compte aujourd’hui trois sociétés de bourse agréées, la SFA Gabon, la BGFIBOURSE et la EDC Investment Corporation. Les opérateurs étrangers ont donc la possibilité de faire appel public à l’épargne dans les pays de la CEMAC sans avoir à constituer une société ou succursale locale.

Mais le Règlement général va même plus loin, puisqu’il laisse la possibilité aux investisseurs étrangers désirant lever des fonds importants dans la zone CEMAC de demander leur propre admission à la cote permanente de la BVMAC. Ce qui n’est, en revanche, pas le cas du Règlement UEMOA qui interdit à toute entité non résidente d’un Etat membre de faire l’objet d’inscription à la cote d’une bourse régionale.

La structure du marché financier de la zone UEMOA, qui montre aujourd’hui davantage de signes de fermeture, ne doit pas toujours servir d’exemple. La Bourse d’Abidjan serait en effet en passe d’être ravalée au rang de bourse ivoirienne et non de bourse régionale, compte tenu de la cotation d’une grande majorité d’entreprises ivoiriennes. Ce qui explique d’ailleurs le repli du Sénégal, qui parle à l’heure actuelle de se doter de sa propre bourse locale à Dakar, qui serait autonome, car dotée de ses propres règles.

A cet égard, les Etats membres de la CEMAC doivent rester vigilants afin de conserver une certaine cohésion et coopération au sein du marché régional, compte tenu de la coexistence de deux bourses des valeurs. On a déjà pu observer les prémices d’une certaine autarcie de la part de la Douala Stock Exchange (Dsx), qui poursuit sa propre vocation nationale. Le Cameroun s’est en effet doté de spécificités législatives nationales en la matière (notamment la loi nº 99/015 du 22.12.1999 portant création et organisation d’un marché financier) qui ont vocation à s’appliquer à toutes opérations réalisées sur le marché financier de Douala.

 

LA : Dans ce contexte, quel est l’avenir du Règlement général et de la Réglementation régionale CEMAC dans leur ensemble ?

BM : La question qui se pose à l’heure actuelle est celle de l’articulation des règles nationales, notamment des règles camerounaises propres à la bourse de Douala, avec les règles régionales du Règlement CEMAC-UMAC et du Règlement général de la COSUMAF.

Consciente de ces éventuelles difficultés de chevauchements et de l’enjeu pour l’efficacité même du fonctionnement du marché régional, la COSUMAF a pris l’initiative de saisir pour avis la Cour de justice communautaire et le Secrétariat permanent de l’OHADA.

Propos recueillis par Mohamed B. Fall

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