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Yaoundé - 20 avril 2024 -
Télécom

Olivier Dicoh de Bloomfield : «le statut de société d’Etat de Camtel lui confère un confort particulier»

Olivier Dicoh de Bloomfield : «le statut de société d’Etat de Camtel lui confère un confort particulier»

(Investir au Cameroun) - Directeur de Mission chez Bloomfield Investment, il précise la pertinence de la note financière attribuée à la Cameroon Telecommunications (Camtel), ainsi que les enjeux de celle-ci.

Investir au Cameroun : Eu égard à la situation peu reluisante de sa trésorerie, de son niveau d’endettement élevé, et du marché camerounais du mobile sur lequel deux leaders (Orange et MTN) ont pris une longueur d’avance, la note BBB attribuée à Camtel par Bloomfiled est-elle de nature à rassurer les investisseurs que l’entreprise chercherait potentiellement à contacter pour exploiter sa licence de mobile?

Olivier Dicoh : Les notes attribuées à Camtel à long et court terme sont des notes d’investissement dans la catégorie de risque modéré et sont de nature à rassurer les investisseurs. La note à long terme établie les fondamentaux de Camtel et la note à court terme sa trésorerie à moins d’un an. Bien évidemment, ces notes prennent en compte la trésorerie et le niveau d’endettement.

Il faut comprendre que Camtel a pour principale mission le service universel (faciliter l’accès à tous aux technologies de l’information et de la communication) et non pour l’instant la recherche de la performance financière. Car, son activité s’inscrit dans le cadre du Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE).

Assurer le service universel nécessite la réalisation de lourds investissements (d’où un niveau d’endettement élevé) qui ne sont pas tous motivés par des objectifs de rentabilités (pose de fibre optique dans des zones non rentables pour l’instant, zones dans lesquelles les opérateurs privés n’investiraient pas) et sont imposés par l’Etat dans sa vision du développement du secteur.

La rentabilité des investissements de Camtel n’est donc pas immédiate. Camtel dispose tout de même de recettes régulières et d’une flexibilité financière qui repose sur son intérêt pour l’Etat, ce qui lui permet de disposer de trésorerie.

Concernant l’activité mobile, elle sera exploitée par Camtel Mobile Telecommunication (filiale de Camtel). Cette activité n’impactera pas significativement, du moins pour l’instant, les résultats de Camtel, si il est décidé d’effectuer une consolidation.

IC : Parmi les facteurs que vous jugez négatifs sur votre fiche de notation de Camtel, il y a cette incertitude juridique, née de ce que l'entreprise figure toujours sur la liste des entreprises à privatiser. En quoi cela est-il considéré comme un facteur négatif, dans la mesure où la privatisation peut plutôt conduire à la performance?

OD : Nous avons considéré cette information comme un facteur négatif dans la mesure où toute incertitude doit être levée sur le sort de Camtel, si la société décide de lever des fonds sur le marché financier. L’acquéreur potentiel d’obligations doit être situé sur le statut juridique de Camtel.

Il ne faut pas oublier que le statut de société d’Etat de Camtel lui donne, certes des obligations, dont celle de la mise en œuvre de la vision de l’Etat dans le secteur des télécommunications, mais elle lui confère aussi un «confort» particulier tenant au soutien de l’Etat en cas de difficultés financières.

IC : Est-ce qu'on peut s'attendre à voir Camtel effectuer une introduction en bourse (DSX notamment), en lieu et place d'une privatisation comme souhaité par certains experts?

OD : Nous pensons que la Direction générale de Camtel est la mieux placée pour répondre à cette question et dire si une discussion est en cours. Mais ceci dit, nous pensons que ce sera une bonne chose pour le développement du marché financier camerounais.

IC : De votre point de vue, si Camtel devait aller sur le marché financier comme cela semble se profiler à l'horizon, qu'est-ce qui serait plus judicieux pour cette entreprise, entre un emprunt obligataire et une offre publique de vente d'actions?

OD : D’un point de vue bilanciel, une ouverture du capital à des privés donnerait une meilleure image des états financiers, mais peut conduire Camtel à plus se concentrer sur la performance au détriment du service universel.

Avec un emprunt obligataire, l’Etat conserverait le contrôle des activités de Camtel et pourrait mieux poursuivre l’atteinte de ses objectifs.

IC : La majorité des facteurs positifs de votre notation est constitué d’éléments de contexte, de l'environnement des télécoms (potentiel du secteur, confiance de l'Etat), qui sont périphériques par rapport aux performances de Camtel en tant qu'entité (lourd endettement, trésorerie exsangue et résultat d’exploitation en chute libre). Ces éléments de l'environnement autour de Camtel peuvent-ils véritablement diluer les performances de l'entreprise elle-même?

OD : Une appréciation de la qualité de crédit de Camtel ne se base pas uniquement sur ses états financiers, mais sur son caractère stratégique pour l’Etat dans sa vision du développement du secteur. Ainsi, une société qui ne réalise pas de performances financières extraordinaires ou qui ne présente pas des «états financiers reluisants» peut bénéficier d’une bonne qualité de crédit, qui peut reposer sur sa capacité à accéder à des sources alternatives de trésorerie (flexibilité financière), l’intérêt stratégique de la société pour l’actionnaire ou même pour un pays.

De 2009 à 2013, les performances de Camtel, qui selon nous doivent être maintenues et consolidées, se sont améliorées. La «chute» du résultat d’exploitation en 2013 s’explique par l’augmentation des dotations aux amortissements au regard des lourds investissements réalisés, et d’une réévaluation d’immobilisation.

Il ne faut pas aussi perdre de vue que Camtel doit assurer une mission de service universel (favoriser l’accès des TIC à l’ensemble de la population) ; ce qui nécessite des investissements lourds non motivés par une rentabilité immédiate. L’appréciation de la performance de l’exploitation peut également se faire par l’observation de l’évolution de la valeur ajoutée et de l’Excédent brut d’exploitation (EBE) entre ces deux années.

Interview réalisée par Brice R. Mbodiam

 

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