(Investir au Cameroun) - Selon le dernier rapport sur « le commerce extérieur du Cameroun », publié par l’Institut national de la statistique (INS), le pays a importé une cargaison totale de 966 400 tonnes de blé en 2021. Ce qui correspond à une augmentation de 106 400 tonnes (+12,3%) par rapport aux 860 000 tonnes de cette céréale importées au cours de l’année 2020. Ces importations ont imposé au Cameroun d’expatrier une enveloppe de 182,7 milliards de FCFA, contribuant ainsi non seulement à obérer les réserves en devises du pays, mais aussi à creuser le déficit commercial du Cameroun, estimé à 1 478 milliards de FCFA en 2021 (+7,5%).

Avec 524 000 tonnes de blé expédiées vers le Cameroun au cours de la période sous revue, pour un montant de 99,2 milliards de FCFA, la Russie demeure le principal fournisseur de cette céréale, avec 54,3% de parts de marché. Viennent ensuite la France (210 400 tonnes pour 38,4 milliards de FCFA), le Canada (161 600 tonnes pour 33 milliards de FCFA), l’Ukraine (32 000 tonnes pour 5,8 milliards de FCFA), la Lithuanie (23 000 tonnes pour 3,7 milliards de FCFA) et l’Argentine (15 400 tonnes pour 2,8 milliards de FCFA).

Ces importations massives du blé, qui conditionnent la production dans le pays d’un aliment comme le pain, fait de plus en plus débat au Cameroun. Ce débat est d’ailleurs monté d’un cran au cours de l’année 2022 courante, suite au renchérissement des cours mondiaux de cette céréale, à la faveur du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Cette conjoncture a d’ailleurs poussé le gouvernement camerounais, habituellement très réfractaire aux augmentations des prix sur le marché, à autoriser aux meuniers une hausse de 5 000 FCFA sur le prix du sac de farine de blé, alors que les boulangers, eux, se sont vus concéder une augmentation de 25 FCFA sur le prix de la baguette de pain.

Faillite de la Sodébélé

Dans la foulée, des initiatives ont fleuri, tantôt pour inciter au développement de la culture du blé mise en berne depuis la faillite de la Sodeblé en 1980, tantôt pour encourager l’incorporation de farines locales dans la production du pain. Par exemple, dans une note publiée le 6 avril 2022, l’Institut de recherche agricole pour le développement (Irad) suggère aux autorités camerounaises de s’inspirer du Nigeria, qui a réussi à imposer, par une loi, l’incorporation de 10% de farine locale de manioc dans la fabrication du pain.

« Décréter une telle décision impliquerait une production de 680 200 tonnes de tubercules, 34 000 ha de champs et 6000 emplois directs et plus de 11 milliards de FCFA d’économies chaque année », explique l’Institut. À en croire cet organisme étatique, l’incorporation des farines locales dans les produits fabriqués par les meuniers permettra ainsi de réduire les importations et de pleinement investir dans la transformation structurelle de l’économie camerounaise édictée par la Stratégie nationale de développement (SND30). Sauf que les meuniers, pour l’heure, ne voient pas d’un bon œil pareille mutation, qui leur imposeraient des investissements colossaux, leurs équipements actuels étant uniquement destinés à produire de la farine de blé.

C’est dans ce contexte que le chef de l’État a prescrit la mise à la disposition de l’Irad d’un financement spécial d’un montant de 10,3 milliards de FCFA, sur une période de 5 ans, à l’effet de promouvoir la production et la transformation du blé au Cameroun. Dans cette optique, trois premiers champs semenciers, qui s’étendent sur une superficie totale d’environ 50 hectares, ont été mises en place par l’Irad dans les localités de Wakwa, Mbang-Mboum et Wassande, région de l’Adamaoua. Au cours des prochains mois, a-t-on appris au sortir d’une récente tournée de terrain du directeur général de l’Irad, les semences sorties des champs de l’Adamaoua devraient être multipliées, puis distribuées aux producteurs, afin de relancer la culture du blé dans le pays.

Brice R. Mbodiam

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