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Yaoundé - 16 avril 2024 -
Economie

Rachat des actifs de Bolloré par MSC : remous autour du licenciement de 407 employés en cours au Cameroun

Rachat des actifs de Bolloré par MSC : remous autour du licenciement de 407 employés en cours au Cameroun

(Investir au Cameroun) - Ce 2 février 2023 à Douala, la capitale économique camerounaise, des huissiers de justice commis par les responsables du groupe Bolloré dans la région Golfe de Guinée, ont poursuivi la notification des lettres de licenciement à certains employés de Bolloré Transport & Logistics Cameroun (BTL) et Socopao. Le 31 janvier 2023, environ 125 employés de ces deux entreprises du groupe Bolloré s’étaient déjà vus notifier leurs départs. Leurs badges d’accès aux entreprises ont été aussitôt désactivés. Mais, les huissiers ont dû faire un break le 1er février, en raison d’un mouvement d’humeur survenu le lendemain de la notification des premières lettres de licenciement. Une manifestation annoncée depuis le 21 janvier 2023 par le Syndicat des employés du transit, des sociétés du secteur maritime et activités connexes du Cameroun (Setrasosmacc).

Au total, apprend-on officiellement, 407 employés seront notifiés de leurs départs des entreprises sus-mentionnées. Selon le groupe Bolloré, il s’agit des employés ayant eux-mêmes souhaité rompre leur contrat de travail, suite au rachat des actifs africains du groupe Bolloré dans la logistique et le transport par le groupe italo-suisse MSC. La liste de ces employés recensés par les délégués du personnel a été déposée à l’inspection du travail. Celle-ci a été transmise au groupe Bolloré le 26 janvier 2023 par l’inspecteur du travail, avec instruction « de prendre toutes les dispositions en vue du respect strict et scrupuleux des dispositions légales et réglementaires y relatives ».

En d’autres termes, l’inspecteur du travail exige le respect des dispositions de l’article 42 du Code du travail, en ses alinéas 1a et 1b, dont la teneur suit : « s’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel entrepreneur et le personnel de l’entreprise. Leur résiliation ne peut intervenir que dans les formes et aux conditions prévues par la présente section. Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas lorsqu’il y a changement de l’activité de l’entreprise, lorsque les travailleurs expriment, devant l’inspecteur du travail du ressort, leur volonté d’être licenciés avec paiement de leurs droits, avant la modification ».

La question du respect du Code du travail

En effet, c’est le respect de cette disposition réglementaire qui oppose le groupe Bolloré et les délégués du personnel, depuis l’annonce du rachat des actifs de ce groupe français par MSC. S’appuyant sur le fait que la cession des actifs de Bolloré à MSC n’induit « aucun changement juridique au Cameroun », le groupe estime que cette disposition ne peut être appliquée. Cette position de l’employeur est d’ailleurs au cœur de la correspondance valant préavis de grève, adressée à l’inspecteur du travail par le Setrasosmacc le 21 janvier 2023, et annonçant une grève illimitée des employés à partir du 1er février 2023.

Mais, au lendemain de ce préavis de grève et d’une lettre adressée au groupe Bolloré par l’inspecteur du travail, la position de l’entreprise a évolué. Dans un message envoyé aux personnels le 27 janvier 2023, Serge Agnero, directeur du groupe Bolloré pour la région Golfe de Guinée, écrit, au sujet de l’application de l’article 42 : « notre position n’ayant pas suscité l’adhésion de la délégation régionale du travail, nous avons de droit exercé un recours hiérarchique auprès du ministère du Travail, pour demander un avis technique au sujet de l’applicabilité de l’article 42 alinéa 1a et 1b du Code du travail. Toutefois, au regard d’une correspondance récente reçue de la délégation régionale du travail et de la sécurité sociale, mais également dans le souci de préserver le climat social au sein de nos entités, nous prenons acte de cette décision de l’inspection du travail qui nous demande d’appliquer de manière stricte et scrupuleuse les modalités de l’article 42 ».

 Et le directeur région du groupe Bolloré de poursuivre : « (…) En réponse donc à ces dernières recommandations, nous avons adressé une correspondance à la délégation régionale du travail et de la sécurité sociale, dans laquelle nous avons assuré mettre en œuvre toutes les diligences nécessaires, afin que les travailleurs ayant souhaité faire valoir leur droit d’option puissent être libérés de leurs relations contractuelles, conformément à l’article 42. La liste des travailleurs concernés nous a de ce fait été transmise. Toutes les dispositions seront prises afin de donner une suite à leurs demandes dans les plus brefs délais ». C’est sur ces entrefaites que le 31 janvier 2023, des lettres de licenciement ont commencé à être distribuées à certains employés figurant sur la liste transmise par l’inspecteur du travail.

La résistance des employés

« Ce n’est pas ce qui doit se faire. Jusqu’à ce que les parties signent un procès-verbal total de conciliation devant l’inspecteur du travail, l’employé qui a souhaité partir peut encore renoncer à rompre son contrat de travail. Mais, lorsqu’on vient subitement sur le lieu de travail lui notifier son licenciement avec des huissiers de justice, lorsqu’on désactive aussitôt son badge, vous imaginez ce que ça peut créer au plan psychologique ? C’est quoi le projet ? Nous ne sommes tout de même pas dans un camp de concentration », éructe Jean Marie Yossa, président du Setrasosmacc et délégué du personnel chez Bolloré Transport & Logistics Cameroun. « Je peux d’ailleurs vous confirmer que la quasi-totalité des employés concernés n’ont pas déchargé cette lettre de licenciement », ajoute-t-il.

Pour ce responsable syndical, présenté comme le principal meneur de la fronde entre l’entreprise et le personnel, l’objet principal des frictions actuelles entre l’employeur et ses employés est le fait pour les dirigeants de l’entreprise de refuser toute « négociation, en vue de la signature d’un protocole d’accord qui encadre la continuité des contrats et offre de meilleures conditions de travail », après la cession des actifs de Bolloré à MSC. « Rien ne garantit que ce que l’employeur dit sera respecté par le repreneur », confie M. Yossa, pour qui la distribution des lettres de licenciement depuis le 31 janvier 2023 constitue un « abus », une « intimidation ».

Sérénité dans trois autres filiales du groupe

Une thèse que tend à accréditer un spécialiste de la gestion des ressources humaines consulté par Investir au Cameroun. À en croire ce dernier, même en cas de volonté exprimée par l’employé de rompre son contrat, la notification de la lettre de licenciement est précédée par une négociation sur les conditions de séparation, dont les détails sont contenus dans un procès-verbal signé par les parties. « Dans le cas d’espèce, il revient à l’inspecteur du travail de faire la sensibilisation sur le processus », soutient l’expert.       

Pour rappel, au lendemain de l’annonce de l’accord relatif à la cession des actifs de Bolloré Africa Logistics à MSC (la cession est effective depuis décembre 2022, NDLR), Diego Aponté, le président du groupe italo-suisse, s’était pourtant voulu rassurant sur le sort des employés du groupe Bolloré. « Nous allons conserver les effectifs ainsi que le management tel qu’il existe aujourd’hui, ce dernier devant juste rendre compte à un nouvel actionnaire qui s’appellera dorénavant Aponte et non plus Bolloré. Une nouvelle marque va voir le jour à court terme, avec un nouveau logo qu’il est encore trop tôt pour divulguer », avait-il indiqué dans une interview accordée à Jeune Afrique et publiée le 30 mai 2022.

Pour l’heure, ces propos semblent ne pas rassurer les employés des entreprises Bolloré Transport & Logistics Cameroun et Socopao. Les employés de la Cameroon Railways (Camrail), le concessionnaire du chemin de fer dans le pays ; de Kribi Conteneurs Terminal (KCT), concessionnaire du terminal à conteneurs du port en eau profonde de Kribi ; et de la société Terminal bois du port de Douala (TBPD), qui sont également concernés par cette reprise des actifs, sont tous, pour l’instant, en dehors des revendications de leurs collègues.

Brice R. Mbodiam

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