(Investir au Cameroun) - Dans la note d’analyse des prix à la production industrielle au Cameroun en 2022, l’Institut national de la statistique (INS) révèle que les prix sortie-usine (prix départ usine payé aux producteurs, hors taxes et subventions, et hors marge de transport) dans le secteur industriel au Cameroun ont connu une progression record, atteignant 13,3% en glissement annuel. « Il faut signaler qu’il s’agit de la hausse la plus importante enregistrée par cet indicateur élaboré au Cameroun en 2017 », souligne l’organisme en charge de l’élaboration de la statistique officielle au Cameroun.
A l’origine de ce phénomène jamais observé dans le secteur industriel au Cameroun depuis 6 ans, l’INS cite plusieurs facteurs. Il s’agit principalement de « la reprise économique post-Covid, les perturbations qu’ont subi les chaînes de valeurs à l’échelle mondiale, la crise russo-ukrainienne, la dépendance de l’économie camerounaise aux matières premières importées, etc. ». En effet, la combinaison des trois premiers facteurs susmentionnés a provoqué une explosion des cours mondiaux des matières premières et des intrants agricoles rentrant dans la production industrielle, d’une part, et une hausse des prix du fret maritime, d’autre part.
La hausse des prix sortie-usine qui en a résulté a, elle-même, eu pour effet une augmentation des prix à la consommation finale des ménages. « Dans le même sillage, l’on a noté une hausse significative des prix à la consommation finale des ménages de 6,3% en 2022 (soit plus du double des 3% admis comme seuil de tolérance dans l’espace Cemac, Ndlr). Donc, les entreprises n’ont pas entièrement reporté les hausses de prix à la production à la consommation finale, mais ont amorti le choc subi, soit par les mesures prises par le gouvernement sous forme de subventions (abattement de 80% sur la valeur du fret maritime à prendre en compte dans le calcul des droits de douane, subvention des carburants, Ndlr), soit en réduisant leurs marges », souligne la note d’analyse de l’INS.
Import-substitution
Selon les données publiées par cet institut public, le principal vecteur de la hausse historique des prix sortie-usine et des prix à la consommation au Cameroun en 2022 a été le secteur extractif. En effet, dans l’industrie pétro-gazière notamment, les coûts de production ont grimpé de 29% en 2022, en comparaison avec l’année 2021, révèle l’INS sans plus de détails. Dans le même temps, la progression des coûts de production a été de seulement 8,6% dans les industries manufacturières sur la même période, avec cependant d’importantes disparités selon les branches d’activités.
Par exemple, alors que les prix sortie-usine ont progressé de seulement 5,8% dans l’industrie chimique, pharmaceutique et du plastique, cette hausse n’a été que de 1,9% dans l’industrie textile. En revanche, l’augmentation des coûts de production a atteint 10,9% dans le secteur de l’agroalimentaire, 15,9% dans l’industrie du cuir, et 16,9% dans l’industrie sidérurgie-métallurgie. En effet, souligne l’Organisation camerounaise des industries de transformation de l’acier (Ocita), depuis la décision prise par la Chine de réduire certaines de ses exportations pour garantir l’approvisionnement du marché intérieur après la pandémie du Covid-19, la filière camerounaise dépend à environ 70% des importations de billettes (déchets de fer fondu sous forme de lingots et servant à la production du fer à béton) en provenance de la Russie et de l’Ukraine, deux pays en conflit depuis plus d’un an.
Au demeurant, à en croire l’INS, la conjoncture internationale morose, qui a induit des tensions inflationnistes, aussi bien sur les coûts de production des usines que sur la consommation finale des ménages au Cameroun en 2022, constitue une aubaine pour le développement de l’économie nationale. « Ces perturbations pourraient constituer des opportunités à saisir pour substituer les matières premières importées et booster la production locale, surtout dans l’agro-industrie. L’on pense très souvent à la prise en compte des farines locales (manioc, maïs, patate, etc.) dans l’industrie alimentaire (au lieu du blé massivement importé de la Russie, Ndlr), l’exploitation des gisements de fer (Mbalam, Nkout, Kribi, Akom 2, etc., Ndlr) pour l’industrie métallurgique. En effet, la nouvelle stratégie nationale de développement adoptée par le Cameroun comprend comme principal pilier la transformation structurelle (de l’économie), qui passe par l’agriculture de seconde génération, l’industrialisation et l’import-substitution », rappelle l’organisme en charge de l’élaboration de la statistique officielle au Cameroun.
Brice R. Mbodiam
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