(Investir au Cameroun) - Le ciel est de nouveau nuageux entre le gouvernement camerounais et les producteurs locaux de ciment. Dans une correspondance adressée ce 9 décembre 2021 aux directeurs généraux de toutes les entreprises productrices de ce matériau de construction, le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana (photo), dénonce l’entente de ces opérateurs autour d’une hausse des prix du ciment. « Il m’a été donné de constater que vous avez, de façon concertée, à travers des communications écrites dont je détiens les éléments, décidé de procéder unilatéralement à une hausse de vos prix de vente, respectivement de 500 et 300 FCFA/sac, selon le type de ciment », écrit le membre du gouvernement camerounais.
Après avoir rappelé aux destinataires de sa correspondance les dispositions de la loi de 1998 relative à la concurrence, qui proscrit l’entente sur les prix, d’une part, ainsi que celles de la loi de 2015 régissant l’activité commerciale, qui encadre la procédure des prix concertés sur « certains produits et services sensibles », d’autre part, le ministre Mbarga Atangana somme les producteurs de ciment de surseoir à la hausse des prix. « Je vous invite en conséquence, au nom de la politique de la main tendue, qui a toujours guidé l’action du gouvernement, et du dialogue entre le secteur public et le secteur privé, à vous en tenir, jusqu’à nouvel ordre, aux conclusions de notre réunion de concertation du 7 décembre 2021, et donc, à revenir aux prix jusque-là en vigueur, en attendant l’aboutissement de nos discussions », écrit le ministre du Commerce.
Intransigeant sur le refus de la hausse des prix sur le marché camerounais, en dépit de la flambée généralisée des prix des matières premières et du fret à l’international, dont la conséquence est la hausse des coûts de production dans les entreprises, Luc Magloire Mbarga Atangana n’est pas à son premier coup de sang envers les producteurs locaux de ciment. L’on se souvient qu’à la suite d’une tentative d’augmentation des prix du ciment fin juin 2021, le DG Cimencam, filiale locale de LafargeHolcim Maroc Afrique (LHMA), avait provoqué l’ire de ce membre du gouvernement. Ce dernier avait d’ailleurs menacé d’apposer des scellées sur l’usine de cette entreprise à Douala, en cas d’augmentation des prix aux consommateurs.
Des concertations stériles
Mais, le 27 juillet 2021, Xavier-Saint Martin Tillet, le directeur général pour l’Afrique de l’Ouest du groupe LHMA, sera reçu en audience au ministère du Commerce. Au sortir de son entretien très médiatisé avec Luc Magloire Mbarga Atangana, Cimencam s’engagera à surseoir à son projet d’augmentation des prix, et à respecter les prix jusque-là en vigueur (4300 FCFA pour le ciment ordinaire à Douala, et 4600 FCFA à Yaoundé, contre 4900 FCFA pour le 42.5).
En échange de la non revalorisation des prix, avait annoncé le ministre du Commerce, le gouvernement a ouvert des négociations pour trouver des « mesures d’accompagnement à la filière ciment, face à la hausse mondiale des cours des matières premières » rentrant dans la production de ce matériau de construction. Cette augmentation des coûts est telle que, selon Cimencam, son sac de ciment de 50 kg (42.5) devrait normalement connaître une revalorisation de 1 200 FCFA sur le marché.
Pour ne pas arriver à la solution extrême de l’augmentation des prix, qui est âprement combattue par le gouvernement, Dangote Cement, lui, a lancé sur le marché un ciment low-cost baptisé Dangote Falcon. « L’un des moyens pour résoudre ce problème (flambée des prix) était une action d’atténuation. Ainsi, nous avons décidé d’introduire le ciment de grade 32.5, afin de réduire le volume de clinker utilisé. Cette mesure permettra de maintenir les performances en termes de volume, tout en améliorant la rentabilité », explique Emmanuel Ngando, le responsable marketing de Dangote Cement Cameroon.
Cependant, même cette stratégie de réduction des coûts ne semble pas produire les fruits escomptés, face à la conjoncture internationale autour des matières premières et du fret. D’où la décision prise par l’ensemble des producteurs de ciment de revaloriser les prix de vente de leurs produits, en l’absence de mesures gouvernementales concrètes d’atténuation de l’inflation importée qui touche les principales activités industrielles au Cameroun. Et la réaction du gouvernement, face à cette tentative de passage en force des producteurs de ciment, ne s’est pas fait attendre.
Brice R. Mbodiam
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