(Investir au Cameroun) - Dans le cadre d’un séminaire-atelier de renforcement des capacités dans la lutte contre la corruption organisée le 11 novembre au ministère des Travaux publics (Mintp), l’Agence de régulation des marchés publics (ARMP) a décrit les mécanismes de corruption dans les marchés publics au Cameroun.
Dans son exposé, le représentant de l’ARMP, Amos Onobiono, a évoqué la phase des études préalables et de la programmation. « Le maître d’ouvrage, qui est responsable de la réalisation des études préalables obligatoires avant le lancement de tout projet peut, soit décider de lancer un projet sans effectuer les études ou ne pas être objectif dans leur réalisation en vue de cacher la nature et l’étendue de ses besoins afin de satisfaire ses intérêts personnels », a-t-il expliqué.
Ainsi à cette phase, le maître d’ouvrage peut décider de l’orientation des critères du dossier d’appel d’offres (DAO) pour privilégier certains. L’application de ce critère vise à favoriser certains prestataires moyennant une contrepartie financière. De même, il peut communiquer par anticipation des informations dans le but de favoriser un concurrent.
À la phase de la passation, a affirmé M. Onobiono, la corruption s’observe à travers les acteurs impliqués dans le processus d’attribution à savoir les services du maître d’ouvrage, les membres des commissions, les soumissionnaires, les observateurs indépendants, les contrôleurs financiers et l’organisme chargé de la régulation.
Pour ce qui est des services du maître d’ouvrage ou du maître d’ouvrage délégué, ils peuvent procéder par : la publication des avis d’appels d’offres par des voies non conformes aux prescriptions du code des marchés ; le refus de mise en disponibilité des DAO à certains soumissionnaires pour des raisons inavouées ; le montage des offres de certains concurrents ; la réception de certaines offres après la date et l’heure limite de dépôt ; le refus de certaines offres avant la date et l’heure limite de réception ; le non-respect de la programmation (plan de passation) ; le détournement de l’objet d’un projet ; la non publication de l’avis d’appel d’offres ; la non adoption du DAO par la Commission de passation des marchés (CPM) ; la non prise des mesures nécessaires en vue de la disponibilité du site avant le début de la procédure de passation, pire encore avant la fin de la procédure de passation.
Les autres acteurs
Pour les présidents, secrétaires et membres des sous-commissions d’analyse des offres, ils peuvent procéder à la non transmission des dossiers aux membres dans les délais ; l’insertion de certains critères n’ayant pas été validés dans la grille d’évaluation ou le non-respect de la grille d’évaluation détaillée adoptée ; l’évaluation orientée des offres en sous – commissions ; la non-convocation de l’observateur indépendant pour les marchés relevant de sa compétence ; l’évaluation orientée ou biaisée des offres des soumissionnaires ; la modification de la consistance des prestations ; la non adoption de la grille d’évaluation des offres ; la diffusion des informations aux soumissionnaires avant la publication des résultats ; la non précision ou changement de lieu et date de la tenue des séances de la CPM, etc.
Les soumissionnaires, eux, peuvent faire usage de la falsification des documents ; l’introduction tardive de certains documents moyennant une contrepartie ; le faux en écritures privées et publiques ; les ententes entre les candidats pour soumissionner aux appels d’offres (ententes illicites) ; la soumission d’un même appel d’offres par une même personne sous le couvert de plusieurs entreprises aux dénominations différentes ; la communication des informations erronées ; le faux et usage de faux…
Pour l’organisme chargé de la régulation, l’on peut relever l’implication de certains agents dans les diligences ne relevant pas réglementairement de leurs compétences ; l’abstention de réguler une procédure viciée et portée à sa connaissance ; la non édition du journal des marchés ; l’instruction biaisée des recours et la manipulation des offres témoins.
Selon M. Onobiono, « il a été démontré que le secteur des marchés publics partout dans le monde et au Cameroun en particulier est un domaine très exposé à la corruption. Cette activité faisant courir beaucoup de personnes qui à tort ou à raison pensent venir y faire fortune et c’est ainsi qu’on y retrouve beaucoup d’aventuriers n’ayant aucune expérience en la matière entrainant par ce fait la mauvaise exécution ayant pour conséquence les chantiers abandonnés ».
À en croire cet expert, la corruption dans les marchés publics est entre autres la conséquence la plus désastreuse de la mal gouvernance. Elle freine le développement et la croissance économique ainsi que le développement humain. Elle complique l’accès aux services sociaux de base et fait obstacle au bon fonctionnement et à la légitimité de l’État.
Sylvain Andzongo