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Yaoundé - 24 avril 2024 -
Economie

Covidgate : comment des fonds destinés à la production des médicaments au Cameroun ont plutôt servi à l’importation

Covidgate : comment des fonds destinés à la production des médicaments au Cameroun ont plutôt servi à l’importation

(Investir au Cameroun) - La ministre camerounaise de la Recherche scientifique et de l’Innovation (Minresi), Madeleine Tchuinté, s’est-elle jouée de sa hiérarchie ? Selon le rapport d’étape de la Chambre des comptes de la Cour suprême sur la gestion des fonds du Covid-19 (une dotation de 180 milliards de FCFA au total pour 2020) au Cameroun, l’on est tenté de répondre à cette interrogation par l’affirmative. En effet, en ce qui concerne le volet production de la chloroquine et de l’azithromycine par l’Institut de recherches et d’études des plantes médicinales, organisme sous-tutelle du Minresi, « au 31 décembre 2020, un montant total de 657 088 524 FCFA de dépenses a été exécuté au titre de cette activité, que l’IMPM a présenté comme la fabrication au Cameroun de 5 millions de comprimés d’hydroxychloroquine et 5 millions de comprimés d’azithromycine ».

 Pourtant, précise la chambre des comptes, « en réalité, l’IMPM n’a pas lancé la fabrication locale, mais a plutôt procédé à l’acquisition en Inde, de 5 millions de comprimés d’hydroxychloroquine, 500 000 comprimés d’azithromycine et 300 kg d’intrants d’azithromycine, livrés le 29 juillet 2020 ». En clair, à en croire ce rapport d’étape, qui n’intègre cependant pas les éléments du mémoire de défense des personnalités incriminées, la ministre Madeleine Tchuinté, qui a reçu le 9 avril 2020, à sa demande, l’autorisation du chef de l’État de faire produire par l’lMPM des médicaments pour la lutte contre le Covid-19, avec en prime une dotation financière de plus de 4 milliards de FCFA, a plutôt fait recours à des importations depuis l’Inde.

 Cette version des faits de la Chambre des comptes de la Cour suprême n’est cependant pas tout à fait exacte, au regard de certains éléments du mémoire de défense de la Minresi, qui apparaîtront certainement dans le rapport final d’audit des fonds Covid-19, dont certaines sources assurent de la disponibilité d’ici un mois. En effet, dans une lettre adressée à la ministre Madeleine Tchuinté en novembre 2020, le secrétaire général de la présidence de la République (SGPR), Ferdinand Ngoh Ngoh, suivant « les très hautes directives de Monsieur le président de la République », ordonne à la Minresi de « surseoir à l’opération spéciale de fabrication par l’IMPM des comprimés d’hydroxychloroquine et d’azithromycine, pour un coût total de 4 milliards de FCFA, dans le cadre du Fonds spécial de solidarité nationale pour la lutte contre le coronavirus et ses répercussions économiques et sociales ».

Reconditionnement suspect

Par ailleurs, le SGPR ordonne à la ministre de « mettre, le plus vite possible, à la disposition du Minsanté (ministre de la Santé publique, NDLR), le stock de comprimés d’hydroxychloroquine et d’azithromycine actuellement disponible dans les locaux de l’IMPM, non sans avoir au préalable procédé à un contrôle pour en déterminer la quantité exacte ».

Au demeurant, même si le projet de production locale de ces médicaments, rentrant dans le protocole des soins du Covid-19, a été interrompu dès novembre 2020, comme le révèle la correspondance sus-mentionnée, l’on observe tout de même que la Minresi avait déjà fait importer, quatre mois plus tôt, des médicaments présentés comme ayant été produits localement. Car, souligne la Chambre des comptes de la Cour suprême, parlant de la livraison d’hydroxychloroquine et d’azithromycine reçue de l’Inde le 29 juillet 2020, ces produits ont été reconditionnés « dans des emballages achetés et imprimés “fabriqué par Zaneka, conditionné par l’IMPM”, alors même que les médicaments étaient entrés au Cameroun dans des emballages respectant les bonnes pratiques de fabrication et de conditionnement ».

 Dans le même temps, souligne la juridiction des comptes, « il convient de rappeler que cet achat de médicaments est contraire à la règlementation en vigueur, qui confie l’acquisition des médicaments à la Centrale nationale d’approvisionnement en médicaments et consommables essentiels (Cename) ». La même institution s’interroge, par ailleurs, sur le bien-fondé de l’importation de 300 kg d’intrants d’azithromycine, alors qu’« à l’évidence, l’IMPM n’était pas en mesure de produire ces médicaments localement, ce qui avait déjà été souligné par un rapport d’évaluation de la direction de la pharmacie, des médicaments et du laboratoire du ministère de la Santé publique, en date du 28 avril 2020 ».

Ces soupçons de fautes de gestion, voire de malversations, qui transparaissent dans le rapport d’étape de la Chambre des comptes de la Cour suprême sont renforcés par le fait que, découvre-t-on, « au 31 décembre 2020, aucun de ces médicaments n’avait été transféré au ministère de la Santé publique, pour être fourni aux centres de prise en charge, en dépit des instructions de la présidence de la République » datant de novembre 2020.

Brice R. Mbodiam

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