(Investir au Cameroun) - Dans une correspondance datée du 22 avril 2022, le ministre camerounais du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana (photo), demande au gouverneur de la région de l’Est de prendre « des mesures immédiates visant à la suspension, jusqu’à nouvel avis, l’exportation » des produits tels que le ciment, les huiles raffinées, la farine de blé, le riz, les céréales produites localement… Cette mesure, précise le ministre Mbarga Atangana, fait suite au constat des « pénuries aggravées que l’on observe sur le marché national ».
Avec le concours des autorités administratives de la région de l’Est, le ministre du Commerce entend visiblement couper l’herbe sous les pieds des commerçants qui préfèrent faire des affaires avec la République centrafricaine (qui partage une frontière avec le Cameroun dans la localité de Garoua-Boulaï) au détriment du marché local, sur lequel les pénuries apparaissent déjà au fil des jours. De bonnes sources, les commerçants du Sud, région camerounaise dans laquelle s’est développée une intense activité commerciale avec la Guinée équatoriale et le Gabon, sont également ciblés par la mesure ministérielle susmentionnée.
Dans la partie septentrionale du pays, où les commerçants nigérians viennent se ravitailler en céréales et autres produits vivriers, mettant ainsi à mal l’approvisionnement du marché local, les exportations des céréales et huiles raffinées produites localement sont interdites depuis décembre 2021. La mesure, initialement prescrite au seul gouverneur de la région de l’Extrême-Nord le 3 décembre 2021 par le ministre du Commerce, a même été étendue à l’ensemble du territoire par une note du directeur général des douanes du 27 décembre 2021.
En effet, après une augmentation généralisée des prix sur le marché, à la faveur de la période post-Covid et du conflit entre la Russie et l’Ukraine, le Cameroun fait désormais face à la pénurie de certains produits de grande consommation sur le marché. C’est le cas du ciment, dont les producteurs se défendent pourtant d’approvisionner régulièrement le marché. Ces derniers viennent d’ailleurs d’être tancés par le ministre du Commerce.
Réexportations frauduleuses
À la vérité, les cimentiers sont soupçonnés de créer des tensions sur le marché pour forcer le gouvernement à homologuer de nouveaux prix du ciment revus à la hausse, de manière à pouvoir réduire les surcoûts de production estimés à plus de 1000 FCFA par sac depuis 2021. Ces surcoûts peuvent être annulés en vendant davantage la production dans des pays voisins (Gabon, Guinée équatoriale, RCA), où les prix de vente aux consommateurs sont nettement plus rémunérateurs et beaucoup moins encadrés par les autorités publiques.
Cette réalité justifie également le fait que d’importantes cargaisons de riz, pourtant importées pour la consommation locale, soit frauduleusement réexportées vers les pays voisins. Selon l’Institut national de la statistique (INS), pour la seule année 2019, pas moins de 332 300 tonnes de riz ont été réexportées vers les pays voisins par les commerçants camerounais. Ces réexportations « se chiffreraient à environ 87 milliards de FCFA », souligne l’INS.
Pour ne rien arranger à la situation que vit actuellement le marché camerounais, le producteur de sucre Sosucam, qui contrôle environ 70% du marché camerounais, vient d’annoncer la suspension des activités dans son usine de Mbandjock, dans la région du Centre, en raison de la pénurie de gasoil observée sur le territoire national. Le temps de cette suspension des activités à Mbandjock (l’usine de Nkoteng continue de tourner), la Sosucam sera privée d’une capacité de production de 300 tonnes par jour. Cette réalité devrait avoir un impact sur l’approvisionnement du marché local en sucre, en cette période de jeûne du mois du ramadan, au cours duquel la consommation de ce produit est décuplée sur le marché.
Brice R. Mbodiam
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