(Investir au Cameroun) - Les groupes Bolloré et Maersk, actionnaires de référence de Douala International Terminal (DIT), co-entreprise qui a opéré le terminal à conteneurs du port de Douala entre 2004 et 2019, ont notifié au Port autonome de Douala (PAD), le 6 juillet 2021, un paiement d’un montant de 3,9 milliards de FCFA. Selon les actionnaires de DIT, cette somme représente les premiers dommages-intérêts correspondant à 18 mois d’inactivité, dans le cadre du litige relatif au renouvellement, en 2019, du contrat de concession du terminal à conteneurs de la principale infrastructure portuaire du Cameroun.
« La décision du 10 novembre 2020 rendue par la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris avait ordonné au PAD (entreprise publique chargée de la gestion de la plateforme portuaire de la capitale économique camerounaise, NDLR) de relancer un nouvel appel d’offres. Le PAD avait également été condamné à payer à Douala International Terminal des dommages-intérêts de l’ordre de 3,9 millions d’euros annuels (plus de 2,5 milliards de FCFA), montant pouvant monter jusqu’à 58 millions d’euros (environ 38 milliards de FCFA) sur les quinze prochaines années, si le processus n’était pas repris », explique une source proche du dossier. Elle soutient que c’est au titre de l’application de cette sentence arbitrale que ce paiement est réclamé par le consortium Bolloré-Maersk.
Mais, bien que l’injonction ait été faite au PAD de payer « sous huitaine », l’entreprise publique ne s’est pas exécutée, et les demandeurs semblent n’avoir non plus engagé la moindre procédure de recouvrement forcé. « Les comptes bancaires du PAD (les conseils de Bolloré et Maersk ont d’ores et déjà écrit à certaines banques abritant les comptes du PAD, NDLR) ne peuvent pas être saisis », souffle une source autorisée au sein de cette entreprise publique, où, apprend-on, l’on prépare « une riposte » face à ce nouveau développement dans le litige autour de la concession du terminal à conteneurs du port de Douala.
En effet, au sens des Actes uniformes de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), qui sont applicables au Cameroun, les personnes morales de droit public et les entreprises publiques bénéficient de « l’immunité d’exécution ». « L’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution », stipule l’Acte uniforme Ohada du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (Aupsrve), en son article 30 alinéa 1er.
Est-ce cette disposition de l’Ohada qui refroidit les ardeurs du consortium Bolloré-Maersk, dans sa quête de réparation ? « Non », répondent des sources autorisées proches des deux groupes. Ceux-ci invoquent une jurisprudence de la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’Ohada datée du 26 novembre 2020. « La CCJA a fait sauter le verrou inséré à l’article 30 de l’Aupsrve, dont se prévalaient certaines personnes morales. (…) Reste à savoir si les juridictions nationales et le législateur Ohada, apparemment en plein chantier sur l’Aupsrve, suivront cette jurisprudence, qui a valeur de suggestion de modification législative. Ils risquent de s’attirer les foudres de la critique doctrinaire et celle du monde des affaires, s’ils ne le font pas », analyse un juriste d’affaires.
Pour rappel, le feuilleton judiciaire entre le PAD et DIT est consécutif à la fin du contrat de concession de DIT sur le terminal à conteneurs du port de Douala en fin d’année 2019, et la tentative du PAD de confier ce contrat à la société suisse Terminal Investments Limited (TIL), dans le cadre d’un appel d’offres que l’ancien concessionnaire trouve biaisé. Depuis lors, pas moins de sept décisions judiciaires et arbitrales, toutes favorables à DIT, ont été rendues dans ce litige, sans incidence notable sur le fonctionnement de cette infrastructure, désormais gérée en régie par le PAD.
Brice R. Mbodiam
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