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Yaoundé - 25 avril 2024 -
Energie

Pipeline Tchad-Cameroun : tensions à Cotco où N’Djamena tente d’expulser Savannah Energy de l’actionnariat

Pipeline Tchad-Cameroun : tensions à Cotco où N’Djamena tente d’expulser Savannah Energy de l’actionnariat

(Investir au Cameroun) - Savannah Energy, junior pétrolière britannique qui revendique le rachat des actifs de l’américain Exxon Mobil dans Cameroon Oil Transportation Company (Cotco), entreprise qui gère la partie camerounaise du pipeline Tchad-Cameroun, a procédé à la nomination de Nicolas de Blanpré au poste de directeur général. Le nouveau promu n’est autre que l’ancien DG de la filiale tchadienne de Savannah Energy, expulsé de Ndjamena en décembre 2022 suite au conflit entre la junior-pétrolière britannique et le gouvernement du Tchad sur la reprise des actifs d’Exxon Mobil portés par Esso Pipeline Investments Limited (EPIL) dans le gisement pétrolier de Doba au sud du pays et sur le l’oléoduc Tchad-Cameroun. 

Dans un communiqué rendu public ce 2 juin 2023, le ministère tchadien des Hydrocarbures rejette subtilement cette nomination. « En leur qualité d’actionnaires majoritaires de Cotco SA, la République du Tchad et la SHT (Société des hydrocarbures du Tchad) prennent les mesures nécessaires, en consultation avec les autorités camerounaises, afin qu’un nouveau directeur général soit nommé dans les meilleurs délais par le Conseil d’administration de Cotco SA », peut-on lire dans le communiqué.

En effet, suite à l’approbation en mai 2023 par le Conseil de la concurrence de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, RCA et Guinée équatoriale) de l’acquisition de Petronas Carigali Chad exploration & Production Inc par la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT), le Tchad (SHT et État) détient désormais 53,77% dans Cotco. Sur cette base, il revient désormais à la partie tchadienne de désigner les dirigeants de l’entreprise chargée de la gestion de la partie camerounaise du pipeline Tchad-Cameroun. À la faveur de cette prise de contrôle, révèle le communiqué cité plus haut, une Assemblée générale de Cotco s’est d’ailleurs tenue à Paris le 24 mai 2023. C’est à cette même date que Savannah a nommé le DG contesté de Cotco, au cours d’un Conseil d’administration cette fois-ci de la même entreprise.

Révocation des administrateurs

Au cours de l’Assemblée générale, qui « a pu être maintenue, malgré les manœuvres dilatoires et la tentative de Esso Pipeline Investments Limited (EPIL), prétendument détenue par Savannah Energy (…), pour la faire reporter », souligne le ministère tchadien des Hydrocarbures, plusieurs décisions ont été prises, « au regard de la gouvernance et de l’avenir de Cotco ». Il s’agit notamment de « la révocation avec effet immédiat de tous les administrateurs de EPIL (Savannah Energy, NDLR) », et du rejet de la « quasi-totalité des projets de résolutions précédemment proposées par EPIL, y compris la résolution proposant l’affectation du bénéfice et la distribution de dividendes au titre de l’année 2022 ».

« N’étant plus membre du consortium champ de Doba au Tchad, EPIL (Savannah Energy, NDLR) n’a plus le droit, selon les statuts de COTCO SA, de détenir des actions dans COTCO SA », justifie le communiqué. La réalité est cependant moins tranchée. Opposées au rachat des actifs de EPIL par Savannah Energy dans leurs pays, les autorités tchadiennes les ont nationalisés. Mais l’affaire est toujours pendante de devant la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris.

Malgré tout, « la République du Tchad a porté cette information à l’attention des banques teneuses de comptes de Cotco SA dans la zone Cemac, ainsi que la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), en leur demandant de ne pas donner suite aux instructions de mouvements de fonds, en particulier vers l’étranger, reçues de la part des dirigeants révoqués. Ces restrictions ne concernent pas le paiement des salaires des employés camerounais et tchadiens de Cotco SA, ainsi que des impôts, taxes et contributions sociales dus aux administrations du Cameroun et du Tchad », informe le communiqué du ministère tchadien des Hydrocarbures.

Mais Savannah Energy ne lâche pas du lest. Nicolas de Blanpre, le directeur général nommé par junior pétrolière britannique a rendu public, le 1er juin 2023, un communiqué dans lequel il se présente comme le DG de cette entreprise, malgré les contestations du Tchad. « (…) Monsieur Soumahoro Khalif Allah Ahmed assure actuellement l’intérim de Monsieur Nicolas de Blanpre (actuel directeur général), et ce suivant délégation de pouvoir spéciale datée du 24 mai 2023. Dans le cadre de cet intérim, Monsieur Soumahoro Khalif Allah Ahmed a tous pouvoirs pour représenter le directeur général et engager la société », informe Nicolas de Blanpre.

Climat social tendu

Cette sortie du DG contesté de Cotco est, elle-même, consécutive à la contestation de son intérimaire. En effet, dans un communiqué signé le 1er juin 2023, un collectif d’avocats remet en cause l’intérim de M. Soumahoro. « Monsieur Soumahoro Khalif Allah Ahmed Stéphane (…) n’est pas et ne peut être le directeur général, même par intérim de Cotco, parce que Monsieur Nicolas de Aubin de Blanpre a été désigné le 24 mai 2023 administrateur et directeur général de Cotco par le Conseil d’administration, sous réserve de la validation de cette promotion par l’Assemblée générale, et le ministère chargé de l’Emploi (en vertu de la règlementation sur les travailleurs étrangers, NDLR). (…) Une opposition judiciaire a été autorisée contre l’ensemble des actes et correspondances sociales de sieur Soumahoro Khalif Allah Ahmed Stéphane, dont la nullité sollicitée sera examinée à partir du 2 juin 2023 par le tribunal du siège social », écrit le collectif d’avocats.

Approché par Investir au Cameroun, Me Michel Voukeng, l’un des membres du collectif, révèle que l’audience prévue ce 2 juin 2023 a été renvoyée au 7 juin pour « production des pièces ». Ce dernier n’a cependant pas souhaité révéler l’identité des clients pour lesquels il agit. « Nous défendons des intérêts opposés à M. Soumahoro, qui sait très bien qui le poursuit », a-t-il indiqué. Mais de sources autorisées, la contestation de l’intérim de M. Soumahoro survient après le licenciement d’au moins quatre directeurs de Cotco, en l’espace d’une semaine. « Supposons même qu’il soit intérimaire. À ce titre, peut-il faire plus que gérer les affaires courantes ? Peut-il licencier des cadres nommés par le Conseil d’administration ? », interroge Me Michel Voukeng.

Au sujet du communiqué du DG contesté de Cotco, qui conforte M. Soumahoro au poste de DG par intérim, l’avocat soutient que Nicolas de Aubin de Blanpre n’a pas lui-même qualité pour agir comme DG de Cotco. D’abord, fait-il remarquer, parce que les résolutions du Conseil d’administration du 24 mai 2023 à Paris, au cours duquel il a été nommé, doivent d’abord être authentifiées par un notaire « pour prendre force légale au Cameroun ». Sans compter que cette nomination doit encore être ratifiée par l’Assemblée générale et validée par le ministre de l’Emploi, par la signature du contrat de travail de l’intéressé, conformément à la loi. « Vous ne pouvez pas céder ce que vous n’avez pas encore vous-même », indique Me Voukeng, qui fait ensuite remarquer que, de plus, M. De Blanpre a lui-même été révoqué par l’actionnaire majoritaire de Cotco, qui est la Société des hydrocarbures du Tchad.

Brice R. Mbodiam

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