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Yaoundé - 19 avril 2024 -
Energie

Électricité : au Cameroun, Globeleq veut licencier plus de 60% de son effectif pour sécuriser ses gains

Électricité : au Cameroun, Globeleq veut licencier plus de 60% de son effectif pour sécuriser ses gains

(Investir au Cameroun) - Globeleq a engagé une restructuration de sa filiale au Cameroun. Le producteur indépendant d’électricité contrôlé à 70% par le fonds d’investissement britannique British International Investment (BII, ancien CDC Group) n’a pas encore communiqué sur le contenu de cette réorganisation, qui devrait être finalisée lors des conseils d’administration programmés ce mois de décembre 2022. Mais, de sources internes, il pourrait s’agir « d’un regroupement d’entités ».

À l’heure actuelle, la filiale locale du groupe britannique compte trois entreprises : Dibamba Power Development Company (DPDC), en charge de l’exploitation de la centrale thermique au fuel lourd de Dibamba, d’une capacité de production de 88 MW ; Kribi Power Development Company, en charge de l’exploitation de la centrale à gaz de Kribi, d’une capacité de production de 216 MW ; et Globeleq Cameroon Management Services (GCMS), chargée de « superviser la gestion » de KPDC et DPDC. « Ce qui est assez particulier dans le groupe Globeleq », soutient notre source.

La probabilité de cette option est également renforcée par le nombre de postes de travail que souhaite supprimer la multinationale britannique au Cameroun. Selon nos informations, la maison mère veut licencier 120 personnes et une première liste de 28 noms a déjà été publiée. À fin 2019, Globeleq Cameroun comptait 189 employés tous camerounais, selon un document de l’entreprise publié en 2020. Ce sont donc plus de 60% des emplois actuels qui devraient être supprimés.

L’État du Cameroun détient 44% du capital de DPDC et KPDC. Les conseils d’administration de ces entreprises sont en plus présidés par le ministre de l’Eau et de l’Énergie, Gaston Eloundou Essomba. De ce fait, une telle opération ne peut se concrétiser sans l’aval du gouvernement. Ce qui semble déjà acquis. En effet, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Grégoire Owona, a créé le 14 novembre 2022, un comité ad hoc chargé de « négocier les modalités de licenciement de certains travailleurs » des trois entités de la filiale locale de Globeleq. Selon le protocole d’accord signé entre les parties, il est prévu une indemnité de licenciement représentant 3,5 mois de salaire par année d’ancienneté, en plus d’autres avantages sociaux, informe un membre du comité ad hoc. Les employeurs devront également supporter les taxes sur cette indemnité.

« Risque de crise profonde »

Pour justifier ces « licenciements économiques », Globeleq dit vouloir « se prémunir d’un risque de crise profonde face aux difficultés de sa seule cliente Eneo (distributeur exclusif de l’électricité au Cameroun) ». « Eneo encaisse par mois 27 milliards de FCFA et a des engagements de 34 milliards, soit un déficit structurel pour lequel aucune visibilité n’est donnée quant à (sa) couverture », peut-on lire dans un courrier envoyé au personnel. En plus, redoute la direction, « ce déficit pourrait doubler à l’entrée en service [de la centrale hydroélectrique] de Nachtigal (partiel dès 2023), voire davantage, en tenant compte de la facturation [de la centrale hydroélectrique] de Memve’ele ».

Un argument qui n’a pas convaincu les délégués du personnel. Dans un courrier adressé le 20 novembre à Hans Simb Nag et Frédéric Mvondo, respectivement directeur général de KPDC et des deux autres entités (DPDC et GCMS), ces derniers mettent en exergue ce qui apparait comme une contradiction : alors que Globeleq prétexte des « difficultés » d’Eneo pour déclencher sa restructuration, la filiale du fonds d’investissement britannique Actis (51% de parts) a plutôt signé une nouvelle convention collective d’entreprise qui a augmenté ses charges salariales de plus de 800 millions de FCFA.

En réalité, du point vu comptable, Eneo est une entreprise rentable. Elle connait néanmoins des tensions de trésorerie du fait des difficultés de recouvrement rencontrées, notamment auprès de l’État (l’un des actionnaires avec 44% de parts) et ses démembrements. D’où le déficit mensuel de trésorerie de 7 milliards évoqué par la direction de Globeleq au Cameroun. Cette situation est un risque pour l’équilibre financier du secteur. Car, elle conduit le distributeur de l’électricité à accumuler un volume important de dette vis-à-vis de ses fournisseurs, dont les producteurs indépendants d’électricité comme KPDC et DPDC.

Stratégie de sécurisation des gains

Mais, depuis 2020, le gouvernement règle chaque année une partie de sa dette due au secteur par différents types de mécanisme (titrisation, émission de titres publics, compensation de dettes croisées…). Les dernières opérations, qui se sont dénouées en 2022, ont permis à Eneo d’apurer la dette due à KPDC et DPDC à fin juin 2021, d’un montant de 93 milliards de FCFA. Du coup, à ce jour, la filiale de Globeleq au Cameroun a une situation financière plus que confortable. À titre d’illustration, le cash-flow brut de DPDC avoisinait 17 milliards de FCFA à fin octobre et était projeté à près de 19 milliards à fin 2022. En élaborant son budget de cette année, l’entreprise n’espérait pourtant pas plus de 2,5 milliards de cash-flow en fin d’exercice. 

De ce point de vue, les « difficultés d’Eneo » évoquées paraissent davantage comme un prétexte.  D’ailleurs, de sources internes, cette réorganisation serait en réalité la matérialisation d’un plan stratégique, présenté au président-directeur général du groupe, Mike Scholey, par le directeur des opérations, Gionata Visconti, dès son arrivée à ce poste en janvier 2021. Il vise à sécuriser les gains de la multinationale au Cameroun face à la montée progressive de l’hydroélectricité dans le mix énergétique du pays.

Comme confirment des sources internes à Eneo, avec la connexion de la centrale hydroélectrique de Memvé'élé (211 MW) au réseau électrique par une ligne de transport de meilleure qualité (qui permet désormais d’évacuer la totalité d’énergie produite par cette infrastructure) et l’entrée en service de celles de Nachtigal (420 MW) et de Lom Pangar (30 MW), le thermique, polluant et plus coûteux que l’hydroélectricité, devra être de moins en moins sollicité. Selon nos informations, les contrats de 20 ans signés entre Eneo et DPDC d’une part et Eneo et KPDC d’autre part sont en cours de révision. On ignore pour l’instant s’il y a un lien avec cette nouvelle dynamique. 

Face à ces pertes de part de marché en perspective, le groupe britannique travaille à réduire ses charges au Cameroun pour conserver ses marges. Dans cette veine, Globeleq a en plus décidé de renforcer l’automatisation de ses centrales et d’externaliser les activités de maintenance. Il y a quelques mois, KPDC a confié la réalisation d’un projet de mise à niveau de l’automatisation de la centrale à gaz de Kribi à Wärtsilä. Cette société finlandaise s’est également vue confier la maintenance pendant 10 ans de cette infrastructure énergétique. Des contrats du même type seraient également en vue pour la centrale thermique au fuel lourd de Dibamba.

Aboudi Ottou

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