(Investir au Cameroun) - Pour justifier son opposition à la reprise des actifs d’ExxonMobil sur les puits pétroliers de Doba et sur le pipeline où est expédié son pétrole, le Tchad affirme que Savannah Energy est « nébuleuse ». Le pays croit savoir que derrière cette entité gravitent plusieurs personnalités camerounaises qui, dans l’ombre, tireraient les ficelles pour s’accaparer de ces actifs pétroliers. N’Djamena et Yaoundé se sont d’ailleurs brouillés à ce sujet.

En réponse, Savannah Energy parle de diffamation. Comme preuve de sa bonne fois, la société affirme notamment être cotée à la Bourse de Londres. En effet depuis 2014, l’entreprise britannique, anciennement nommée Savannah Petroleum, est listée sur le marché alternatif AIM (non réglementé, mais régulé) de cette place financière. Ce marché a été créé afin d’accueillir des PME qui peuvent y accéder soit via un placement privé, soit en faisant un appel public à l’épargne. Sa capitalisation boursière au 31 décembre 2022 était de 426 millions de dollars (254,2 milliards de FCFA). Et l’entreprise affirme avoir mobilisé sur les marchés internationaux, de 2014 à nos jours, 1,8 milliard de dollars (plus de 1000 milliards de FCFA).

Les principales activités de cette entreprise sont l’exploration, le développement et l’extraction du pétrole et du gaz. Elle a ouvert une vingtaine de filiales au Royaume-Uni, en France, aux Bahamas, États-Unis, Pays-Bas, Seychelles… Lesquelles détiennent des participations dans des projets pétroliers et gaziers au Niger et au Nigéria.

Actifs

Dans son rapport annuel 2021, Savannah Energy estime l’intégralité de ses actifs à 1,3 milliard de dollars (près de 780 milliards de FCFA) soit 11% du PIB du Tchad. Au Niger la junior pétrogazière détient 95% de parts sur un gisement couvrant 13 655 km² et environ 50% du bassin du rift d’Agadem dans le sud-est du pays. Au Nigéria, l’entreprise a repris, en 2019, les actifs pétroliers et gaziers de Seven Energy. Il s’agit des champs de Uquo d’une capacité de 79,3 millions barils équivalents pétrole et de Stubb Creek toutes implantée au sud-est du Nigéria. Par ailleurs, Savannah détient une participation majoritaire (80%) dans Accugas qui fournit actuellement du gaz à Central Horizon Gas Company (CHGC), une filiale du distributeur local de gaz Axxela Limited. Aujourd’hui, l’entreprise affirme produire du gaz générant 24% de l’électricité du Nigéria.

En fin d’année dernière, Savannah Energy a, par ailleurs, annoncé l’acquisition des actifs d’ExxonMobil au Tchad et au Cameroun pour 407 millions de dollars (plus de 240 milliards de FCFA). Une acquisition à laquelle s’opposent les autorités tchadiennes. Ces dernières, qui estiment que « Savannah n’a pas les capacités techniques et financières », ont nationalisé ceux situés dans leur pays. L’entreprise britannique a par ailleurs annoncé avoir trouvé un compromis avec la société d’État malaisienne Petronas pour le rachat de ses champs pétroliers au Sud-Soudan d’une capacité de 153 000 barils par jour pour 1,25 milliard de dollars (environ 750 milliards de FCFA). La finalisation de l’opération, annoncée pour le premier trimestre 2023, reste attendue.

Résultats financiers

Savannah Energy veut mettre le pied dans l’éolien, le solaire et l’hydroélectricité. En effet, le 20 avril 2023, l’entreprise britannique a conclu un accord avec le gouvernement camerounais en vue reprendre la construction (en arrête depuis 4 ans) et gestion de la centrale hydroélectrique de Bini à Warak (75 MW), dans le nord du pays. Elle s’est également entendue, en mai 2022, avec le gouvernement tchadien pour la construction d’une centrale solaire photovoltaïque (300 MW), d’un projet solaire (100 MW) et d’un parc éolien de 100 MW. Quelques mois auparavant Savannah se mettait d’accord avec le Niger pour déployer un parc éolien de 250 MW.

Les résultats de l'entreprise au 31 décembre 2021 montrent que ses revenus ont bondi de 7 % par rapport à 2020, pour afficher 230,5 millions de dollars (plus de 138 milliards de FCFA). Une embellie principalement portée par la hausse des ventes de gaz depuis le champ Uquo au Nigéria. En glissement annuel, la production totale de la société cotée à la bourse de Londres a grimpé de 14 % pour atteindre 22 300 barils équivalents pétrole par jour (bep). Par ailleurs, le solde de trésorerie de la société a augmenté de 46 % à 154,3 millions de dollars (plus de 92 milliards de FCFA), tandis que sa dette nette a diminué de 9 % à 370 millions de dollars (près de 222 milliards de FCFA).

Tour de table

Le communiqué du 20 avril de la présidence tchadienne laisse entendre que des personnalités camerounaises et africaines auraient des participations à Savannah Energy. Mais, officiellement, un seul Camerounais figure parmi les actionnaires de l’entreprise. Il s’agit de Joseph Pagop Noupoue qui fait partie des sept personnes physiques concentrant 4,79% du capital de cette entreprise. Cet avocat qui pilote la branche camerounaise d’Ernst & Young a rejoint l’actionnariat le 21 avril dernier avec un investissement de 1,187 milliard de FCFA, soit 0,46% des parts. Les autres personnes physiques sont : Andrew Knott, Mark Iannotti, David Clarkson, Steve Jenkins et Sir Stephen O’Brien.

Concernant les personnes morales, l’actionnariat de Savannah Energy est essentiellement constitué de fonds de pension, fonds d’investissement, gestionnaires d’actifs agrées et implantés aux États-Unis et en Angleterre. On peut citer l’américain Ingalls & Snyder LLC (10,29%), TT International Investment Management (8,88%), le fonds de pension Capital Research & Management (7,33%), Premier Miton Investors (7%), Abrdn plc (6,47%), JO Hambro Capital Management (6,14%), Cavendish Fiduciary Limited (5,26 %), Standard Life Assurance Limited (4,16%) ; Standard Life Assurance Limited (4,16%). Mais, il ne nous a pas été possible d’avoir les bénéficiaires effectifs de ces personnes morales.

Cédrick Jiongo

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