logoIC
Yaoundé - 26 avril 2024 -
Finance

Dédouanement des téléphones : Paul Biya a-t-il sauvé 20% du chiffre d’affaires des opérateurs de téléphonie mobile ?

Dédouanement des téléphones : Paul Biya a-t-il sauvé 20% du chiffre d’affaires des opérateurs de téléphonie mobile ?

(Investir au Cameroun) - Le 19 octobre 2020, le chef de l’État camerounais, Paul Biya, a ordonné la suspension de la mise en œuvre de la réforme consistant à collecter les droits et taxes douanières sur les téléphones et tablettes, grâce au crédit de communication des abonnés des opérateurs de téléphonie mobile. De l’avis de ces opérateurs, cette décision présidentielle vient sauver une part importante de leurs chiffres d’affaires annuels, qui, selon ces derniers, auraient été érodés de 20% chaque année, en cas de mise en œuvre de la réforme sus-mentionnée.  

Cependant, aucune démarche démonstrative de ces opérateurs, ni argumentation technique pouvant résister à toute critique, ne permet d’affirmer de manière catégorique que les pertes enregistrées sur leurs chiffres d’affaires, en cas d’application de la réforme, auraient effectivement atteint la proportion de 20% excipée dans un mémorandum adressé au gouvernement par l’Association des opérateurs de téléphonie mobile du Cameroun (AOTMC).  

 « L’opérationnalisation du dispositif (devait) occasionner des pertes de revenus considérables pour nos entreprises. En effet, le prélèvement de droits et taxes de douane sur le crédit de communication obligerait les entreprises de téléphonie mobile à partager avec les douanes la part du porte-monnaie que le consommateur réserve à l’achat d’Airtime. (…) Aujourd’hui, 80% des utilisateurs de la téléphonie mobile au Cameroun dépensent moins de 1 000 FCFA par mois pour l’achat d’Airtime. Ce sont des Camerounais à faibles revenus. Ils pourront difficilement compenser le prélèvement en allant chercher de l’argent dans d’autres poches de leur porte-monnaie (loyer, transport, santé, alimentation, habillement, scolarité, etc.) pour maintenir leur temps de communication, tout en payant les droits et taxes de douane sur leur téléphone », se contentent-ils d’écrire dans ledit mémorandum.  

Cet argumentaire est d’autant plus discutable que, fait remarquer un utilisateur du mobile, les clients peu enclins à dépenser pour l’achat des crédits de communication, du fait de la faiblesse de leur pouvoir d’achat, sont également moins disposés à s’offrir un nouveau téléphone. De ce point de vue, ces Camerounais aux petites bourses ne seront pas les plus concernés par le paiement des droits de douane sur cet équipement, en cas d’application du nouveau dispositif de collecte.

Par ailleurs, poursuivent ces opérateurs, la collecte numérique des droits de douane et autres taxes sur les téléphones, via le crédit téléphonique, devait induire des investissements supplémentaires. Il s’agit, apprend-on, des dépenses liées aux migrations technologiques des systèmes d’informations et la mise à niveau des ressources humaines, notamment celles chargées de la relation clients, de la facturation, de la comptabilité et de la communication.  

Chiffre d’affaires : une perte de 96 milliards FCFA en 2018  

Fort de ces nouveaux investissements non prévus dans leurs programmes d’activités, les entreprises de téléphonie mobile exigeaient déjà au gouvernement une sorte de compensation. « L’État n’a manifestement pas envisagé de supporter ces dépenses colossales, qui ne sont pas prévues dans les plans d’investissement de nos entreprises. Il nous semble pourtant judicieux que l’État convienne avec les opérateurs des conditions dans lesquelles ils seront en mesure d’amortir ces investissements additionnels, qui ne figurent pas dans les obligations définies dans leurs cahiers de charges », souligne le mémorandum.  

Au demeurant, après l’embellie observée pendant plusieurs années, le secteur de la téléphonie mobile au Cameroun est sur le déclin depuis au moins 4 ans. Fin 2019, une source autorisée révélait qu’au cours des quatre dernières années (2016-2019), les trois opérateurs en activité dans le pays (MTN, Orange et Nexttel) ont globalement perdu 4% de leur chiffre d’affaires. La même source soutient que pour la seule année 2018, ces entreprises ont enregistré une perte de revenus estimée à 96 milliards de FCFA.  

Ces pertes exacerbées ces dernières années par la crise socio-politique dans les régions anglophones du Cameroun, en croire les opérateurs, tirent également leur source de l’augmentation des coûts de production, les pénalités infligées par l’Agence de régulation des télécommunications (ART), et une pression fiscale qualifiée d’« infernale ».  

« Globalement, notre industrie contribue à hauteur de 10% aux recettes fiscales de l’Etat au Cameroun. Mais, elle est aujourd’hui à bout d’efforts, fragilisée par l’affaiblissement du pouvoir d’achat des consommateurs et par l’impact économique et social de la crise sécuritaire que le pays traverse. Elle pourra difficilement se relever d’un choc supplémentaire que constituerait la perte considérable de revenus dans la mise en œuvre du dispositif de collecte numérique de droits et taxes de douane », anticipaient les entreprises de téléphonie mobile dans le mémorandum sus-mentionné.  

Brice R. Mbodiam

Lire aussi:

19-10-2020 - Taxes sur les téléphones : Paul Biya remet en selle les sociétés de téléphonie mobile

25-11-2019 - Sur le déclin, le secteur de la téléphonie mobile au Cameroun enregistre une perte de 96 milliards de FCFA en 2018

pauvrete-selon-l-ins-environ-10-millions-de-camerounais-vivaient-avec-moins-de-1-000-fcfa-par-jour-en-2022
Selon la 5e Enquête camerounaise auprès des ménages (ECam5), dont l’institut national de la statistique (INS) a publié les résultats le 24 avril...
internet-par-satellite-le-cameroun-interdit-l-importation-des-kits-starlink-evoquant-la-securite-nationale
Les équipements de Starlink, fournisseur d’accès à Internet par satellite de la société SpaceX du milliardaire américain Elon Munsk, trouvés dans les...
au-cameroun-les-infrastructures-de-transport-captent-plus-de-56-des-financements-de-la-bad
Selon la Banque africaine de développement (BAD), 56,5% de son portefeuille au Cameroun concerne le financement des infrastructures de transport. Parmi...
marche-des-capitaux-de-la-cemac-le-port-autonome-de-kribi-ambitionne-de-lever-jusqu-a-1312-milliards-de-fcfa
Pour financer son développement sur les dix prochaines années, le Port autonome de Kribi (PAK) estime ses besoins à 2 milliards d’euros, soit...

A la Une du magazine


Investir au Cameroun n121:Mai 2022

Les marges de progression du secteur télécom camerounais


Pourquoi les entreprises camerounaises cachent autant leurs comptes ?


Business in Cameroon n110: April 2022

Covid-19, war in Europe: Some Cameroonian firms will suffer


Albert Zeufack: “Today, the most important market is in Asia

  1. Plus lus 7 jours
  2. partagés 1 mois
  3. lus 1 mois
next
prev