(Investir au Cameroun) - Dans le cadre d’un audit diligenté depuis plusieurs mois par la présidence de la République, au sujet de la gestion des lignes de souveraineté 65 et 94 du budget de l’État, gérées respectivement par le ministère des Finances et celui de l’Économie, 1 790 agents du ministère des Finances sont invités à justifier des frais de mission perçus au cours de la période de 12 ans allant de 2010 à 2021. Il s’agit notamment de frais engagés sur la ligne 65, intitulée « Dépenses communes de fonctionnement ». L’information est révélée par une correspondance du ministre des Finances, Louis Paul Motazé, signée le 30 septembre 2022.
De sources proches de l’équipe d’auditeurs du ministère délégué à la présidence chargé du Contrôle supérieur de l’État (Consupe), les premières investigations sur les frais de mission engagés sur cette ligne de souveraineté révèlent quelques entorses aux prescriptions réglementaires. Par exemple, apprend-on, alors que la pratique en vigueur à la Fonction publique camerounaise stipule que le nombre de jours de mission à effectuer par un agent de l’État n’excède pas 100 au cours du même exercice budgétaire, les auditeurs du Consupe ont découvert des cas où des fonctionnaires cumulent jusqu’à 600 jours de mission par an, soit six fois la norme.
Dans le même temps, apprend-on des mêmes sources, de nombreux agents de l’État ont régulièrement perçu la totalité de leurs frais de mission engagés sur la ligne 65, avant même d’effectuer ladite mission ou pas. Alors que la réglementation en vigueur prescrit que seulement 60% des frais soient perçus avant le départ en mission. Le reste des 40% devant être versé à l’agent public à son retour, après avoir dûment déposé son rapport de mission.
Toutes ces pratiques, notamment le dépassement du nombre de jours de mission réglementaire par agent de l’État et par an, ou encore la perception de 100% des frais de mission avant même le départ en mission, pourraient bien camoufler des missions fictives. D’où les justificatifs requis par les auditeurs du Consupe, dont la mission pourrait cependant s’avérer ardue, au regard de l’étendue de la période de contrôle. En effet, dans les couloirs du ministère des Finances, certains se demandent déjà comment certains agents publics pourraient produire des justificatifs d’une mission effectuée il y a 12 ans.
Pour rappel, la ligne 94 intitulée « Interventions en investissements », gérée par le ministère de l’Économie, et le chapitre budgétaire « Dépenses communes de fonctionnement » du ministère des Finances, communément appelée ligne 65, alimentent bien de soupçons au sein de l’opinion. Notamment en raison de l’opacité qui règne autour de leur gestion, et du volume des fonds alloués à ces deux chapitres budgétaires. Tenez ! Selon la loi de règlement 2020, qui est le bilan de l’exécution de la loi de finances, alors qu’elle bénéficiait d’une allocation initiale de 272,8 milliards de FCFA, la ligne 65 a clôturé l’exercice budgétaire 2020 avec une dotation « révisée » de 570 milliards de FCFA, qui, plus est, a été consommée à 99,7% en fin d’exercice.
Brice R. Mbodiam