(Investir au Cameroun) - Le projet de loi de finances proposé par le gouvernement camerounais pour l’exercice 2022, que les parlementaires sont appelés à examiner au cours de la session budgétaire ouverte le 11 novembre 2021, devrait proposer un durcissement des conditions d’exportation des bois en grume produits sur le territoire camerounais. En effet, selon une présentation de l’avant-projet de loi fait le 8 novembre 2021 par le ministre des Finances, Louis Paul Motazé, devant l’ensemble du gouvernement conduit par le Premier ministre, il est prévu dans ce texte « le relèvement du taux du droit de sortie applicable aux bois exportés sous forme de grumes (billes de bois) de 35% à 50%, afin d’encourager la transformation locale du bois et limiter la déforestation ».
En d’autres termes, au cas où cette disposition est validée, pour exporter les billes de bois produites au Cameroun à compter du mois de janvier 2022, les exploitants forestiers en activité dans le pays devront payer, au titre des droits de douane, 15% de plus que par le passé. En revanche, selon le projet gouvernemental, les acteurs de la filière bois, désireux de s’équiper aux fins de doper ou de se lancer dans la transformation locale, bénéficieront de « l’exonération totale des droits et taxes de douane à l’importation d’équipements, matériels et outils, non disponibles localement ».
En clair, à travers les deux mesures énoncées ci-dessus, le gouvernement camerounais balise ainsi le chemin vers l’interdiction pure et simple de l’exportation des bois en grume, initialement prévue sur l’ensemble de la zone Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, RCA et Guinée équatoriale) en 2022, avant le report en 2023. De sources officielles, les pays de la Cemac entendent profiter de cette « période transitoire » allant de janvier à décembre 2022, afin de procéder aux études préalables de maturation des projets d’investissements dans la transformation du bois, retenus dans le cadre de la première phase du processus d’interdiction des exportations des bois en grume dans cet espace communautaire.
Transactions dissimulées
De ce point de vue, en attendant la maturation des projets communautaires, le Cameroun semble s’inscrire dans une logique d’anticipation, en envisageant de mettre en place dans la loi de finances 2022, des mesures incitatives visant à encourager les exploitants forestiers ou tout autre opérateur économique à transformer un peu plus le bois sur le territoire national. Cette mesure, qui devrait prochainement être validée par les députés, contribuera à développer une véritable industrie locale du bois, avec son corollaire qu’est la création de nouveaux emplois et davantage de valeur ajoutée locale.
Mieux, une telle mesure pourrait réduire le manque à gagner enregistré par le pays du fait des transactions financières dissimulées par certains exploitants forestiers. En effet, l’on se souvient que dans un rapport intitulé « bois volé, temples souillés : les conséquences néfastes du commerce du bois entre le Cameroun et le Vietnam sur les populations et les forêts camerounaises », deux ONG révèlent que les exploitants forestiers vietnamiens en activité au Cameroun ont réussi à expédier des grumes (c’est le gros des exportations du bois camerounais vers le Vietnam, selon le rapport) pour une valeur de plus de 170 milliards de FCFA, sans la moindre traçabilité. Cette dissimulation des transactions commerciales a le bonheur de réduire le chiffre d’affaires de ces entreprises, et par conséquent les impôts à payer à l’administration fiscale camerounaise.
Pour rappel, selon l’Institut national de la statistique (INS), les bois en grume ont procuré au Cameroun 4% de ses recettes d’exportation au cours du premier semestre 2021. Ce produit se classe ainsi dans le top six des principaux pourvoyeurs des recettes aux pays au cours de la période sous revue, loin derrière des huiles brutes de pétrole (39%) ; le cacao brut en fèves (13%) ; le gaz naturel liquéfié (9%) ; les bois sciés (7%) et le coton brut (7%).
Brice R. Mbodiam
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