(Investir au Cameroun) - Depuis 2017, le groupe de travail mis sur pied par Louis Paul Motaze, ministre de l’Économie d’alors, pour faire des propositions au gouvernement en vue de la promotion de la substitution de la farine blé par celle des féculents locaux a rendu ses conclusions, selon le président de la Coalition pour la production nationale au Cameroun, Louis Marie Kakdeu, qui dit avoir participé à leur élaboration comme chef de mission pour le septentrion.
« Les rapports sont disponibles. Il y a même eu un projet de structuration des producteurs locaux. Il y a certains blocages qu’il faut lever, mais tout est prêt au plan technique », a-t-il indiqué dans une interview publiée ce 17 février dans les colonnes du quotidien public Cameroon tribune (CT).
Approché par Investir au Cameroun, Louis Marie Kakdeu précise que ces blocages viennent principalement du lobby des importateurs qui craint une perte des parts de marché. « Il s’agit en fait des meuniers membres du Groupement des industries meunières du Cameroun (GIMC). Selon nos informations, c’est eux qui ont bloqué le processus aux Minepat alors que notre groupe de travail n’avait que deux mois de mandat devant permettre au ministre de prendre la décision », précise le président de la Coalition pour la production nationale au Cameroun avant d’ajouter : « le deuxième blocage est l’affection du ministre Motaze aux Finances. Son successeur n’a plus traité le dossier avec le même intérêt ».
Inquiétudes
La perspective de substitution de la farine de blé par celle des féculents locaux inquiète en effet GIMC dont les industries ont été installées pour écraser le blé et pas une autre céréale. « Donc, si nous devons faire la farine à base de tubercule de manioc, igname, patate ou autre, ces industries devront être révisées ou transformées pour être adaptées à la nouvelle donne », indique le secrétaire du GIMC, Alfred Momo Ebongue, dans CT du 17 février.
L’autre source d’inquiétude, à en croire Alfred Momo Ebongue, c’est la disponibilité des tubercules en vue d’éviter la rupture de la chaine d’approvisionnement. Cette question préoccupe aussi certains boulangers. « Pour le blé, le besoin annuel est de 600 000 à 800 000 tonnes. Or avec la farine de manioc, il faudrait multiplier ces chiffres par dix au moins », soutient le responsable production de la boulangerie Calafatas à Yaoundé. Pour Christophe Essouga, la farine de blé reste plus compétitive même avec un sac de 50 kg à 25 000 FCFA. Car ce dernier évalue le sac de 20 kg de farine artisanale de manioc à 45 000 FCFA.
Mais, selon d’autres experts, en passant à une production industrielle, ce prix devrait être fortement réduit. D’ailleurs, fait remarque le président de la Coalition pour la production nationale au Cameroun, le pays pourra faire des économies de 18 milliards de FCFA en devises dans le secteur meunier en substituant la farine de blé aux farines de féculent locales. Cette option aurait également des avantages nutritifs. Selon Louis Marie Kakdeu, l’incorporation de la farine de patate, de manioc, ou de plantain permettrait d’enrichir la farine de blé et de lutter contre la malnutrition qui frappe jusqu’à 36% d’enfants au Cameroun.
En 2020, le Cameroun a importé 860 000 tonnes de blé, révèle l’étude sur le positionnement stratégique de la filière fabrication des produits à base de céréales, rendue publique le 25 août 2021 à Douala par le Bureau de mise à niveau des entreprises (BMN) camerounaises. Ces importations ont coûté environ 150 milliards de FCFA.
Sylvain Andzongo
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