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Yaoundé - 19 avril 2024 -
Industrie

Emmanuel Rigaux : « nous sommes redevenus leader sur le marché camerounais [du ciment] depuis le début de l’année 2019

Emmanuel Rigaux : « nous sommes redevenus leader sur le marché camerounais [du ciment] depuis le début de l’année 2019

(Investir au Cameroun) - De passage au Cameroun pour l’inauguration d’une nouvelle cimenterie, le 2 avril 2019, l’administrateur directeur général de LafargeHolcim Maroc Afrique s’est entretenu avec Investir au Cameroun. Evocation des ambitions de ce consortium franco-maroco-suisse dans un pays dans lequel Cimencam, sa filiale locale, a été en situation de monopole pendant 48 ans. Avant de se faire ravir la vedette par Dangote, après l’ouverture du marché.

Investir au Cameroun : Quel bilan sommaire pouvez-vous faire des activités de Lafarge Holcim Maroc Afrique sur le continent africain en 2018 ?

Emmanuel Rigaux : Nous avons connu une année 2018 difficile sur beaucoup de marchés, parce que beaucoup d’économies faisaient face à des plans d’ajustement structurel. Tout cela a eu un impact sur le secteur de la construction. En plus de cela, les économies des pays d’Afrique centrale ont été impactées par la baisse des cours du pétrole. Mais, ce que nous observons depuis le début de l’année 2019, c’est un rebond très prononcé, qui nous permet d’être très optimiste sur les deux années qui viennent. 

IC : Au Cameroun, par exemple, une rude concurrence s’est installée, mais les prix du ciment n’ont pas beaucoup baissé. Est-ce qu’il y aurait eu une attente entre producteurs pour maintenir les prix à un certain niveau, comme certains tendent à le penser ?

ER : D’abord, le fait qu’il y ait concurrence est quelque chose de normal, et qui existe maintenant partout en Afrique, en Europe, bref sur tous les marchés. Ensuite, comme vous pouvez l’imaginer, nous n’avons pas le droit et ne souhaitons pas nous entendre avec nos concurrents. Nous nous battons avec eux de manière loyale. D’ailleurs, vous pouvez le voir au Cameroun. Le fait que les différents producteurs sont engagés dans une lutte est assez visible. Ce qui est nouveau, c’est qu’alors que Cimencam (filiale locale de Lafarge Holcim Maroc Afrique, Ndlr) avait perdu du terrain au cours des dernières années, nous sommes désormais en pleine reconquête. Cela vaut pour les autres pays d’Afrique francophone dans lesquels nous sommes présents. L’ouverture d’une nouvelle usine à côté de la capitale politique du Cameroun (début avril 2019, Ndlr) est un témoignage de cette volonté de reconquête et d’expansion vers d’autres marchés dans les différentes sous-régions.

IC : Concrètement, que va apporter la nouvelle usine de Nomayos (dans la banlieue de la capitale, Ndlr) au groupe Lafarge Holcim Maroc Afrique au Cameroun ?

ER : Cette usine apporte beaucoup par sa position géographique, puisqu’elle est située à proximité d’un important centre économique. En plus, elle va nous permettre de produire de nouveaux types de ciments. Elle est dotée d’une technologie très moderne et de dernier cri. Nous y avons mis les moyens, afin d’avoir l’une des usines les plus modernes du groupe. Nous allons profiter des possibilités que nous offre cette usine, pour avoir des ciments extrêmement résistants. Les premières productions du mois de mars 2019 ont donné de très bons résultats. 

IC : Avec la conjoncture actuelle dans le pays, est-ce que le Camerounais moyen peut s’attendre à une baisse des prix du ciment dans les jours à venir ?

ER : Si on prend l’exemple d’un client qui produit des parpaings, le prix facial du sac de ciment est important. Mais, ce qui est encore plus important pour lui c’est le nombre de parpaings qu’il peut produire avec son sac de ciment, d’une part, et la qualité de la production, d’autre part. Aujourd’hui, le marché de la construction au Cameroun se transforme et devient de plus en plus sophistiqué. On sort progressivement d’une économie de la construction dans laquelle l’on avait des standards artisanaux, à un secteur qui devient de plus en plus industrialisé et de plus en plus exigeant en matière de qualité.

Donc, l’équation économique pour notre client n’est pas seulement le prix du sac. Maintenant, nous voyons le prix potentiellement baisser. Si vous faite une comparaison des prix actuels par rapport au taux d’inflation, vous verrez que les prix baissent. Ceci dans un contexte dans lequel les coûts de nos facteurs augmentent sans cesse. Par exemple, le clinker qui est un élément clé dans la production du ciment augmente, ainsi que nos coûts portuaires. C’est un défi pour nous, mais ce que nous voulons c’est créer de la valeur pour nos clients.

IC : Le prix du ciment est homologué au Cameroun et vous soutenez que vos coûts de facteurs augmentent sans cesse. Est-ce que vous envisagez, par exemple, de suggérer une hausse des prix du ciment au gouvernement, ou alors vous êtes encore dans vos marges ?

ER : Nous n’en sommes pas encore là. Nous avons une situation assez particulière au Cameroun, parce que l’Etat est actionnaire de Cimencam à travers la Société nationale d’investissements (SNI). Donc, nous nous considérons vraiment comme une entreprise camerounaise. Nous sommes le seul acteur de notre industrie à pouvoir le dire. Nous avons des capitaux camerounais et payons des dividendes à l’Etat. De ce fait, nous avons un volet sociétal très particulier. Nous ne sommes pas du tout dans une situation de confrontation avec le gouvernement.

Nous sommes parfaitement conscients de l’impact du prix sur le consommateur. C’est un élément important dans le panier de la ménagère. Mais, nous n’avons pas pour le moment de discussions particulières à propos d’une augmentation du prix du sac. Ce sur quoi nous travaillons d’arrache-pied, c’est la réduction de notre base des coûts qui est très importante. Par exemple, dans une usine comme celle de Nomayos, 50% des coûts provient des sous matières comme le clinker importé et les différents minéraux rentrant dans la fabrication du ciment.

IC : Dans ce contexte, vous imaginez-vous en train de vous lancer dans l’exploitation du gisement de calcaire mis en évidence depuis des années dans la localité de Mintom ?

ER : Nous avons déjà une usine de production de clinker au Cameroun, qui est à Figuil. De ce point de vue, nous sommes le seul producteur de clinker. Mais, cette usine n’a malheureusement pas la capacité d’approvisionner suffisamment les stations de broyage de Douala-Bonabéri et de Yaoundé. Mais, sur le très long terme, nous allons vers une situation où le clinker sera produit localement. C’est la raison pour laquelle nous sommes très optimistes sur l’avenir de Cimencam. Nous sommes le seul cimentier à avoir de grandes réserves de calcaire et à avoir une position de producteur de clinker. 

IC : Vous parlez de l’usine de Figuil, dans la partie septentrionale du Cameroun. Quels sont vos investissements récents dans cette usine et qu’est-ce qui est prévu pour les mois et années à venir ?

ER : Figuil c’est vraiment l’avenir de Cimencam. Nous travaillons actuellement sur différents projets. Nous sommes déjà en train de réaliser une première augmentation des capacités à Figuil, à hauteur d’un quart de la capacité actuelle. Maintenant que l’usine de Nomayos est faite, nous nous occuperons de Figuil. Chaque chose en son temps. 

IC : Vous avez indiqué que le premier trimestre 2019 chez Cimencam a été extraordinaire par rapport à depuis longtemps. Est-ce qu’on peut avoir des détails chiffrés ?

ER : Non ! Simplement parce qu’on réserve la revue des comptes au Conseil d’administration. Il ne serait pas correct de notre part de vous donner des chiffres avant de les avoir partagés avec les administrateurs. Ce que nous pouvons vous dire c’est que le dynamisme commercial est de retour. Nous atteignons des moyennes quotidiennes que Cimencam n’avait plus atteint depuis très longtemps.

IC : Avec l’usine de Nomayos, votre capacité de production au Cameroun passe à 2,1 millions de tonnes. A proximité de Nomayos, votre concurrent, Dangote, envisage de dupliquer son usine de Douala pour porter sa capacité globale à 3 millions de tonnes. Quelles sont vos projections en termes de capacités de production dans vos différentes usines au Cameroun ?

ER : D’abord, nous vous invitons à faire la différence entre les annonces et les réalisations. Attendez de voir avant de nous comparer à la future capacité de notre principal concurrent. Ce qui est important, c’est qu’aujourd’hui sur le marché du Cameroun nous sommes redevenus leader en termes de production et de couverture du marché. Nous sommes leader parce que nous lançons des types de ciments qui n’existent pas chez nos concurrents. C’est le cas du ciment blanc que nous produisons à Nomayos. Nous voulons devenir un acteur plus complet.

IC : Vous avez investi plus de 41 millions d’euros à Nomayos, combien à Figuil pour augmenter les capacités et combien comptez-vous investir de manière globale au Cameroun ?

ER : Nous travaillons encore sur les études. Donc, il est prématuré d’en parler. Une des questions fondamentales sur Figuil c’est la question énergétique. Selon que nous réussirons à réaliser notre propre power plant, le montant de l’investissement va beaucoup varier. Mais, nous avons plusieurs scénarios.

IC : Quelles sont vos parts de marché sur le marché camerounais de nos jours, et quelles sont vos objectifs sur le court, moyen et long terme ?

ER : Le droit de la concurrence ne nous permet pas de dire quelles sont nos parts de marché. Tout ce que nous pouvons dire c’est que d’après nos estimations, nous sommes redevenus leader sur le marché camerounais depuis le début de l’année 2019, en termes de parts de marché.

Entretien avec Brice R. Mbodiam 

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