(Investir au Cameroun) - En pole position pour la construction du tronçon routier Ntui-Mankim (96,7 km), l’entreprise chinoise Sinohydro divise actuellement la Commission d’arbitrage du ministère des Marchés publics (Minmap). Elle a été sollicitée par le ministère des Travaux publics (Mintp) pour statuer en dernier recours sur deux avis défavorables de la Commission centrale de contrôle des marchés routiers (CCCM-TR), également logé au Minmap, et que conteste le Mintp.
En effet, nos sources renseignent que le ministre des Marchés publics, Ibrahim Talba Malla, a dû suspendre, le 8 janvier dernier, les travaux de la Commission d’arbitrage. Raison : Une passe d’armes houleuse a éclaté entre les membres de ladite commission. Alors que certains demandaient de tenir compte des avis défavorables de la CCCM-TR, d’autres ont remis en cause l’élimination de l’entreprise chinoise.
Pour disqualifier l’entreprise chinoise, la CCCM-TR explique que sa proposition financière est hors enveloppe sur le lot 2B « Ndjolè-Mankim ». Alors que le budget prévisionnel, toutes taxes confondues (TTC), prescrit par le dossier d’appel d’offres (DAO), est de 24,26 milliards de FCFA, Sinohydro a plutôt fait une offre financière TTC de 28,29 milliards de FCFA, soit un dépassement du budget prévisionnel de plus de 4,5 milliards de FCFA.
Sur le lot 2A « Ntui-Ndjolè », il est reproché à l’entreprise chinoise de n’avoir pas respecté les dispositions du DAO. Le prestataire chinois a présenté un environnementaliste qui n’a jamais participé à un projet d’une telle envergure. En plus, il n’a pas l’expérience requise par le DAO. Ce qui, pour la CCCM-TR, est un critère éliminatoire.
« Si le Cameroun vient à sélectionner Sinohydro malgré toutes les irrégularités ayant entaché le processus, le principal bailleur de fonds [Banque africaine de développement] pourrait se retirer du projet et les autres entreprises en lice pourraient porter plainte au Cameroun », commente un membre de la Commission.
Passe d’armes
Mais, le ministre des Travaux publics, Emmanuel Nganou Djoumessi, n’est pas de cet avis. Pour que l’affaire soit rendue au niveau Commission d’arbitrage du Minmap, il a saisi le CCCM-TR, le 11 décembre dernier, au sujet de la reprise des travaux d’aménagement de la section Ntui-Mankim.
« J’accuse réception de votre lettre susvisée par laquelle, vous avez bien voulu me notifier l’avis défavorable de votre Commission, concernant la proposition d’attribution des travaux du projet repris en objet aux motifs suivants que : “1.1. Les candidats n’ont pas été traités de manière équitable, violant ainsi les dispositions de l’article 2 du Code des marchés publics” ; “1.2. L’évaluation des offres ne s’est pas faite dans le respect des prescriptions du DAO” », écrit le Mintp.
Et le membre du gouvernement de conclure : « Ces observations non spécifiques (elles n’adressent pas des points de manquement précis, imputables à la sous-commission d’analyse des offres), qui sont supposées résulter du rapport de l’expert, Yos Guillaume, du 11 novembre 2020, m’amènent à vous communiquer les éclairages suivants : le rapport de l’expert de la CCCM-TR aboutit à la même proposition que celle qui vous a été transmise ; il y a manifestement une contradiction entre les conclusions de votre Commission et le rapport de l’expert […] compte tenu de ce qui précède et en application des dispositions de l’article 179 du Code des marchés, je vous fais tenir, en retour le rapport d’analyse des offres, pour un nouvel examen diligent ».
À cause des points de vue irréconciliables entre le ministre des Travaux publics et la CCCM-TR, la Commission d’arbitrage a donc été saisie pour trancher. Et en vertu de l’article 19 du Code de passation des marchés publics du Cameroun, après désaccords, il revient désormais au ministre des Marchés publics de « gérer l’attribution du marché par des mécanismes préservant l’équité, la transparence ».
En attendant le dénouement de cette affaire, il est à rappeler que c’est depuis 2016 que Sinohydro est en pole position pour construire ce tronçon routier qui relie le Centre au septentrion du Cameroun. Ce qui maintient dans l’enclavement ces deux régions qui sont de grands bassins de production agricole et d’élevage.
Sylvain Andzongo