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Yaoundé - 27 avril 2024 -
Agro-industrie

Huiles raffinées : croisade contre le « vrac », produit dangereux pour la santé entretenu par les industries au Cameroun

Huiles raffinées : croisade contre le « vrac », produit dangereux pour la santé entretenu par les industries au Cameroun

(Investir au Cameroun) - Au sein du gouvernement camerounais, l’on envisage de lancer une énième croisade contre le « vrac », huile raffinée bon marché qui écume les étals des marchés au Cameroun. Et qui, selon aussi bien les acteurs de la filière que les pouvoirs publics, présente un risque pour les consommateurs. C’est du moins ce que laisse entendre la lettre adressée le 19 septembre 2023 aux promoteurs des industries de transformation de l’huile de palme, par le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana.

« Dans le contexte actuel de manipulation des aliments, synonyme de mise en danger de la vie des consommateurs, des instructions fermes ont été données par la haute hiérarchie, en vue du strict respect par tous les acteurs, des règles en matière de sécurité sanitaire des aliments, de manière globale, et des textes applicables à chaque filière, de manière spécifique ; au risque pour les contrevenants de s’exposer aux mesures répressives prévues par les lois et règlements en vigueur. Dans le cas spécifique de votre filière, se trouve particulièrement visée la question des huiles vrac, dont la commercialisation, parce que porteuse de risques graves pour la santé des consommateurs, est interdite. J’ai l’honneur d’appeler votre meilleure attention sur cette disposition et de vous inviter à bien vouloir vous y conformer, étant rappelé que les agents assermentés des différents départements ministériels et organismes intéressés seront incessamment déployés sur le terrain auxdites fins », écrit le ministre Mbarga Atangana aux raffineurs d’huile de palme.

Le fait pour ce membre du gouvernement de s’adresser aux promoteurs des industries n’est pas anodin. En effet, de sources internes à la filière huile de palme, le phénomène du « vrac » a été créé et est entretenu par certains raffineurs d’huile de palme eux-mêmes. Une pratique anti-concurrentielle, qui permet d’écouler rapidement les stocks dans des circuits informels, de réduire certains coûts de production et même de jongler avec le fisc. « L’huile en ‘’vrac’’ provient de deux sources. Vous avez d’abord de petites raffineries sous-équipées, qui ne peuvent pas raffiner l’huile de palme de façon optimale. Il en sort donc une huile minimalement raffinée souvent dans des conditions d’hygiène douteuses, et contenant encore des impuretés. Ce produit non traçable est généralement mis sur le marché dans des emballages (fûts, bidons, etc) de fortune, non étiquetés. Il n’est pas exclu que certains de ces emballages aient auparavant contenus des produits chimiques, avant d’être utilisés comme conditionnement pour l’huile en vrac. Ce qui constitue un risque grave pour le consommateur », explique, sous anonymat, un fin connaisseur de la filière huile de palme.

Une huile informelle

Et de poursuivre : « ensuite, vous avez l’huile en ‘’vrac’’ qui provient des grandes raffineries elles-mêmes. Il peut s’agir du surplus de production, lorsque les cuves de stockage des raffineries sont déjà pleines. Ce surplus est alors écoulé sous forme de ‘’vrac’’. Il peut aussi s’agir d’un choix délibéré de la raffinerie industrielle d’écouler une partie de sa production sous forme de ‘’vrac’’. En effet, avec ce produit, on élimine les coûts de l’emballage et de l’étiquetage, puis la TVA, puisque cette huile n’est généralement pas déclarée et est écoulée dans des circuits informels. Tout ceci fait de cette huile un produit très bon marché, qui permet non seulement de faire d’importantes économies sur les coûts de production, mais aussi d’écouler rapidement ses cargaisons pour avoir du cash. Toutes ces pratiques sont bien évidemment connues des pouvoirs publics, qui, depuis de nombreuses années, font montre de la fameuse tolérance administrative, au nom de la lutte contre la vie chère ».

En effet, il est impensable que les organismes spécialisés du gouvernement, dont les agents écument quotidiennement les marchés du pays, ne s’aperçoivent pas, depuis des années, de la présence sur les étals de l’huile raffinée « en vrac », objet de toutes sortes de manipulation en plein air, et très souvent exposée aux pratiques de frelatage par des commerçants avides de profit. Cette sorte de myopie des pouvoirs publics n’a d’égale que l’insouciance des consommateurs eux-mêmes, qui se ruent sur cette huile bon marché. C’est que, à la différence des huiles raffinées obéissant aux normes réglementaires, le « vrac » a la particularité d’être accessible à toutes les bourses. Avec 200, 300, 500, 1 000 ou 1 500 FCFA, il est possible d’avoir ce produit détaillé dans les marchés, dans toutes sortes de flacons et bouteilles d’eau minérale et de boissons hygiéniques. « Actuellement, le litre d’huile raffinée oscille entre 1 350 et 1 500 FCFA. Alors que 1,5 litre de ‘’vrac’’ coûte 1 300 FCFA », fait remarquer une ménagère de Yaoundé, qui semble ne pas se soucier de l’insécurité que charrie ce produit.

De l’avis de certains acteurs de la filière huile de palme, le « vrac » est également utilisé par certains industriels comme une arme pour le contrôle du marché. En effet, apprend-on, face à la multiplication des offres, qui a accru la concurrence, nombre de raffineurs misent sur le ‘’vrac’’ pour épuiser leurs stocks de matières premières. Ce qui leur permet de ne pas perdre, au profit des concurrents, les quotas d’huile de palme attribués mensuellement par le Comité de régulation de la filière des oléagineux. En effet, en raison de l’insuffisance de la production nationale d’huile de palme, face à l’accroissement des capacités installées des industriels, le gouvernement camerounais autorise non seulement des importations chaque année, mais aussi a institué la politique des quotas dans l’approvisionnement en matière première des unités de transformation. Cette pratique est de plus en plus décriée par certains opérateurs, qui y voient l’officialisation d’une sorte de concurrence déloyale entre les industriels.

Brice R. Mbodiam

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