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Yaoundé - 28 avril 2024 -
Gestion publique

Ciment, pain, poulets : le Cameroun en croisade pour la baisse des prix, suite à la chute des coûts de production

Ciment, pain, poulets : le Cameroun en croisade pour la baisse des prix, suite à la chute des coûts de production

(Investir au Cameroun) - Le ministre camerounais du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, veut voir les prix de certains produits de grande consommation baisser sur le marché local. C’est ce que révèlent des correspondances séparées adressées entre le 17 et le 19 octobre 2023 aux syndicats des boulangers, à l’Association des producteurs du ciment, et à l’Interprofession avicole du Cameroun (Ipavic). En ce qui concerne les aviculteurs, la correspondance du ministre Mbarga Atangana s’apparente même à une sommation, face à la propension de ces opérateurs à entretenir la hausse des prix observée dans les marchés jusqu’ici, alors que leurs coûts de production sont en baisse, après la flambée d’après le Covid-19 et le déclenchement de la guerre en Ukraine.

« Au regard de l’évolution récente de certains coûts de facteurs, parmi les plus importants de votre secteur d’activité, j’ai l’honneur d’en appeler à votre engagement moral et citoyen, pour une prise en compte des intérêts et droits légitimes des consommateurs, à travers la baisse, due à hauteur, du prix du poulet et des œufs de table dans nos marchés. Je relève en effet, pour m’en féliciter, que le prix du maïs est passé de 310 FCFA à 200 FCFA. Parallèlement, le son de blé, qui s’échangeait sur les marchés à 150 000 FCFA, se vend depuis trois semaines à 70 000 FCFA, soit une baisse de 53%. Par-dessus-tout, les poussins sont abondants et disponibles, avec des prix stabilisés. Au-delà des considérations d’ordre éthique, le bon sens commande que la baisse de ces coûts de facteurs essentiels soit répercutée au niveau du consommateur », écrit le membre du gouvernement. Ce dernier enjoint de ce fait le président de l’Ipavic, de prendre « les mesures qui s’imposent et qui doivent être matérialisées par un recul significatif des prix du poulet et des œufs sur l’ensemble des marchés de la République ».

Pour rappel, depuis le mois d’août 2023, selon des témoignages des ménagères relayés par Investir au Cameroun, le prix du poulet de 2 Kg atteint 4 000 à 4 500 FCFA dans les marchés de Douala, la capitale économique, contre 3 000 FCFA avant le mois d’août 2023. Dans le même temps, la volaille de 1,5 kg, qui coûtait 2 500 FCFA, est désormais vendue à 3 500 FCFA et plus. La situation est encore plus critique à Yaoundé, où pour se procurer un poulet de 1,5kg, il faut débourser entre 4 000 et 4 500 FCFA, contre 5 000 voire 6 000 FCFA pour la volaille de 2 à 2,5 Kg.

Des opérations de contrôle des prix en vue

Dans les quincailleries, le prix du ciment est également maintenu à la hausse par les commerçants (5 500 FCFA contre 4 600 à 5 000 FCFA par le passé), alors que suite à la baisse des coûts de production, les cimentiers en activité dans le pays affirment avoir revu à la baisse les prix de cession de ces produits. « Je voudrais relever qu’au cas où cette baisse des prix serait effective, elle n’est malheureusement pas ressentie par les consommateurs, qui sont sensés en être les bénéficiaires. En insistant sur l’impératif de reflux des prix à la consommation sur le marché national, qui relève pour large part de votre responsabilité sociétale, et qui se trouve parfaitement justifié par la conjoncture internationale moins tendue, j’ai l’honneur de vous inviter à bien vouloir me communiquer en urgence les nouveaux prix de vos produits, afin de me permettre de m’assurer qu’ils sont dûment répercutés par le circuit de distribution au niveau du consommateur final… », écrit le ministre du Commerce au président de l’Association des producteurs de ciment.

Ce qui laisse penser à de prochaines descentes sur le terrain des contrôleurs des prix de ce département ministériel, à l’effet de s’assurer que ces prix sont bien répercutés sur « le consommateur final, en proie à une inflation galopante depuis trois années consécutives, et qui a le droit de bénéficier, à son tour, de la détente des cours mondiaux », souligne le ministre. Le membre du gouvernement se tourne ainsi vers les producteurs de ciment dans la mesure où, selon les usages réglementaires au Cameroun, il leur revient, dans le cadre de l’obligation de dépôts des barèmes permettant au gouvernement d’avoir un regard sur les prix des produits sensibles et de grande consommation, d’indiquer le prix public conseillé, qui intègre généralement les marges des différents intermédiaires. C’est ce prix que les commerçants sont tenus non seulement d’afficher, mais aussi d’inscrire sur les factures lors des ventes. Toutes choses qui permettent de contrôler l’effectivité de leur application. Cependant, pour des desseins de spéculation, les commerçants affichent souvent les prix conseillés, pratiquent des prix différents et évitent de ce fait de délivrer les factures aux acheteurs, pour éviter les représailles des contrôleurs.

Retour d’ascenseur attendu des boulangers

Cette technique de fraude n’existe visiblement pas dans les boulangeries (elles réduisent plutôt le poids de la baguette, Ndlr), que le ministre du Commerce souhaite également voir baisser le prix du pain, en raison de la baisse du prix du kilogramme de la farine de blé décidée par les meuniers, suite à la réduction de leurs propres coûts de production. « A l’issue d’une concertation récente que j’ai tenue avec l’industrie meunière, les acteurs de cette filière m’ont informé qu’en rapport avec l’évolution des cours du blé sur le marché international, ils avaient procédé à une baisse automatique des prix sortie-usine de la farine de blé de l’ordre de 4 000 à 4 500 FCFA », écrit le membre du gouvernement aux syndicats des boulangers. Aussi, Luc Magloire Mbarga Atangana leur prescrit-il d’observer « la même discipline, en procédant, à l’identique, à la baisse concomitante des prix du pain et des produits panifiés, au bénéfice des consommateurs ».

A la vérité, le gouvernement camerounais demande aux boulangers un retour d’ascenseur. En effet, depuis les tensions inflationnistes nées dès la période post-Covid, et qui ont été aggravées par le déclenchement de la guerre en Ukraine, les meuniers et les boulangers sont parmi les rares opérateurs à avoir bénéficié d’une décision gouvernementale d’augmentation des prix des produits aux consommateurs. Alors même que cette hausse des prix était freinée des quatre fers dans d’autres filières, pour protéger le pouvoir d’achat des consommateurs, selon le gouvernement.

C’est ainsi qu’au terme d’une concertation avec le ministre du Commerce, le 16 mars 2023, soit près d’un mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, premier fournisseur de blé au Cameroun, les meuniers avaient pu obtenir du gouvernement une majoration de 5 000 FCFA sur le prix du sac de farine de blé de 50 Kg. Dans le même temps, la baguette de pain de 200 grammes, qui coûtait officiellement 125 FCFA jusqu’ici, a été portée à 150 FCFA, rejoignant le prix que les boulangers pratiquaient déjà de manière frauduleuse depuis plusieurs semaines, après avoir de surcroît fait maigrir la baguette de plusieurs grammes.

Brice R. Mbodiam

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