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Yaoundé - 14 mai 2024 -
Gestion publique

Reine Essobmadje : « Le digital est un levier pour drainer plus de financements vers la femme entrepreneure camerounaise »

Reine Essobmadje : « Le digital est un levier pour drainer plus de financements vers la femme entrepreneure camerounaise »

(Investir au Cameroun) - La PDG du cabinet de conseil Evolving Consulting est la co-fondatrice de Coalition digitale, une association qui promeut l’usage des nouvelles technologies et de la digitalisation dans tous les secteurs économiques pour un développement durable et inclusif. Dans cet entretien, celle qui est par ailleurs vice-présidente du Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) revient sur la toute première édition du Festival des jeunes femmes entrepreneures que cette association a organisé le 24 novembre dernier à Yaoundé. Elle esquisse aussi des pistes de solutions pour un meilleur accès des femmes entrepreneures camerounaises au financement.

IC : Dans quel but avez-vous organisé le Festival des jeunes femmes entrepreneures, la toute première du genre au Cameroun ?

Reine Mbang Essobmadje : Le Festival des femmes entrepreneures, c’est d’abord un moment de célébration. Célébration des pionnières qui nous inspirent par leur abnégation, leur résilience, leur endurance dans des environnements parfois hostiles. Célébration de celles qui, en regardant ces mamans, se lèvent et osent. Célébration, finalement, de ce que nous représentons : un écosystème fort, vibrant dans ce pays. Ce que nous voulons à travers ce festival, c’est célébrer, mais aussi contribuer plus et mieux à l’économie du Cameroun, à son développement et à son émergence.

 IC : Des initiatives privées et publiques qui promeuvent l’entrepreneuriat féminin existent déjà au Cameroun. Quelle plus-value apporte votre festival ?

RME : Le festival a deux particularités. La première est de s’appuyer sur une coalition forte pour le financement des femmes entrepreneures. C’est pourquoi nous avons fait cette « Déclaration de Yaoundé ». Il s’agit d’un texte fondateur qui permet aux institutions privées, aux structures publiques, aux bailleurs de fonds, aux femmes entrepreneures ainsi qu’aux associations d’entrepreneurs de se retrouver sur une problématique structurante qui est le financement de la femme entrepreneure et de dire : on va travailler ensemble pour donner accès à la femme entrepreneure aux mêmes informations et aux mêmes instruments de financement, où qu’elle soit géographiquement sur l’étendue du territoire. Pour faire cela, il faut de l’innovation et le digital est le seul levier qu’on peut utiliser aujourd’hui si on veut toucher les femmes.

Par cette déclaration, nous posons les fondations. Ensuite, on va travailler ensemble à monter des programmes spécifiques. L’autre particularité, c’est qu’on veut aussi sensibiliser les institutions publiques et les partenaires au développement sur le fait que les réponses pour booster l’entrepreneuriat féminin ne peuvent venir que par la bonne compréhension des problématiques des entrepreneures. Et pour cela, il faut les écouter. C’est pour cela qu’il faut pouvoir partager, recueillir leurs avis (c’est ce que fait notre association) et enfin, voir comment construire des instruments spécifiques ou adapter des instruments qui existent aux problématiques et au contexte des femmes entrepreneures au Cameroun.

Des associations de femmes existent et il faut déjà travailler avec ces associations qui encadrent déjà les femmes, leur donner des outils, les capacités pour qu’elles renforcent encore mieux les capacités des dames. Nous pensons que nous sommes simplement un catalyseur. Nous devons donc catalyser cet écosystème-là entre les pouvoirs publics, les partenaires au développement, les bailleurs de fonds, les associations de femmes avec le digital comme lien pour drainer plus de financements vers la femme entrepreneure camerounaise.

IC : Selon une analyse de la Banque mondiale, tous les entrepreneurs du continent sont confrontés à divers obstacles pour lancer, exploiter et développer leurs entreprises, mais les femmes davantage, notamment en ce qui constitue l’accès aux financements. Pourquoi selon vous, et comment peut-on y remédier ?

RME : Le chef d’entreprise est un patron et les patrons, en général, sont des hommes. Donc, c’est dans la culture, dans l’imaginaire de tous. Il faut pouvoir casser cette façon de penser, mais cela va prendre des générations. En attendant, il faut des instruments spécifiques qui redirigent une bonne partie des fonds investis vers les femmes. Il faut expliquer à la femme entrepreneure comment un patron se présente pour demander de l’argent. C’est pourquoi il faut soigner son image. Vous pouvez avoir un bon produit, vous êtes entrepreneure agricole, mais vous ne savez pas vous vendre. Je suis membre de jury de plusieurs prix. Je vois de brillants entrepreneurs, mais qui n’arrivent pas à se vendre. Ingénieur de formation, la plupart des gens me demandent comment je fais pour communiquer. On apprend à communiquer parce que si on ne communique pas, les gens ne comprennent pas ce qu’on leur dit. Donc, en aidant ces femmes entrepreneures à communiquer et à mieux se vendre, on les aide aussi à mieux convaincre les bailleurs de fonds.

IC : On présente l’éducation financière comme essentielle pour garantir l’accès aux financements. Or, des études empiriques ont révélé que dans la plupart des pays en Afrique subsaharienne, le niveau d’éducation financière des femmes entrepreneures est très faible et seules quelques-unes comprennent les concepts financiers de base. Que fait votre association pour améliorer leurs compétences afin d’augmenter leurs chances d’obtenir des crédits ?

RME : Dans le cadre du parcours de l’entrepreneur, les ateliers organisés lors du Festival des femmes entrepreneures ont abordé différentes thématiques, aussi bien l’éthique que la gestion des capitaux, l’ouverture de l’actionnariat pour permettre aux femmes de comprendre que tout l’argent ne doit pas forcément venir d’elles. Les femmes étant très risque averse (ayant une très grande aversion au risque, NDLR), on a tendance à faire en fait de la croissance interne alors que les hommes s’endettent, prennent des gros capitaux pour monter de gros projets. Évidemment, de gros capitaux rapportent beaucoup plus. Donc, en essayant de casser cette image et d’expliquer aux femmes que dans certains cas il faut pouvoir ouvrir son actionnariat, on va leur permettre aussi d’identifier les bons actionnaires ou les bons instruments. Il y a différentes problématiques, mais on a besoin de les accompagner dans le parcours à chaque problématique pour les aider à finalement naviguer de façon fluide dans cette aventure magnifique qu’est l’entrepreneuriat.

IC : Pensez-vous qu’en allégeant les entraves spécifiques auxquelles les femmes entrepreneures camerounaises sont confrontées, cela permettrait non seulement de créer un environnement économique propice, mais aussi d’augmenter les bénéfices du développement du secteur privé ?

RME : En ayant accès à des capitaux forts, nous allons bâtir des entreprises fortes et ces entreprises vont contribuer à un Cameroun qui a un développement inclusif et durable. Ce développement inclusif et durable s’inscrit en droite ligne des Objectifs de développement durable (ODD), notamment les objectifs 5, 8 et 9 qui parlent de l’égalité homme-femme, de la contribution économique et de l’utilisation de tous les moyens innovants pour donner l’accès à des capitaux. Ce que nous souhaitons, c’est que lorsqu’il y a un financement, qu’on puisse mettre en place une coalition puissante pour que la femme camerounaise qui est dans le Sud, dans le Nord, à l’Est, à l’Ouest ou même celle qui est dans le Centre ait accès aux mêmes informations, aux mêmes opportunités et aux mêmes instruments financiers.

Entretien avec Patricia Ngo Ngouem

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