(Investir au Cameroun) - L’image est saisissante. Sur la quinzaine de responsables d’organisations paysannes du Département du Nyong-Ekellé, invités dans la ville d’Eséka par le Conseil interprofessionnel du cacao et du café (CICC), dans le cadre d’une réunion d’évaluation à mi-parcours de l’actuelle campagne cacaoyère dans le pays, à peine la moitié peut communiquer des chiffres de ventes. Pour les autres, aucune statistique n’est disponible. Même ceux qui avancent des chiffres précisent que leurs statistiques sont approximatives, du fait de la non maîtrise des circuits de commercialisation des fèves.
A l’origine de cette situation, s’accordent les producteurs, la vente frauduleuse des fèves de cacao, dont le corollaire est la non maîtrise des cargaisons réellement écoulées. En effet, selon les producteurs, au mépris des circulaires réglementant la commercialisation du cacao, des acheteurs fortunés (communément appelés «coxeurs»), «parfois protégés par les autorités administratives», débarquent dans les villages, souvent de nuit, et proposent aux producteurs à court de moyen financiers pour subvenir aux besoins urgents de leurs familles, de leur acheter leur cacao, parfois encore à l’état humide.
En plus de la mauvaise qualité du produit final, la première conséquence de cette pratique qualifiée de «peste de la filière cacao» par M. Baleba, le président départemental de l’Association nationale des producteurs de cacao et café du Cameroun (ANPCC) pour le Nyong-Ekellé, est la réduction considérable des coûts à l’achat, le producteur étant dépourvu de tout pouvoir de négociation face à l’acheteur, qui n’hésite pas alors de négocier les prix les plus bas.
Un phénomène grave aux yeux des producteurs, mais qui a fait sourire Omer Gatien Malédy, qui a vertement dénoncé la complicité des producteurs eux-mêmes dans la recrudescence de cette pratique. «Si vous refusez de vendre votre cacao à ces gens, et attendez le jour du marché pour le faire, ils ne viendront plus. Ils vont disparaître», a indiqué le secrétaire exécutif du CICC, avec force anecdotes sur des cas de contrées ayant déjà mis un terme à cette pratique, et dont les producteurs obtiennent désormais des prix très alléchants lors des ventes groupées.
En effet, selon M. Malédy, l’éradication de cette pratique passe surtout par une meilleure structuration des associations paysannes, qui organiseront alors des marchés périodiques au cours desquels les productions sont groupées et négociées à des meilleurs prix. «Avec des prix à l’achat intéressants, les organisations paysannes peuvent faire des petits prélèvements sur leurs bénéfices, qui permettront à leur membres, le moment venu, de subvenir à leurs besoins financiers urgents», a conseillé M. Malédy.
BRM
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