(Investir au Cameroun) - Entre 2021 et 2022, les effectifs de la Cameroon Development Corporation (CDC), l’agro-industriel public qui exploite les plantations de bananes, de palmiers à huile et d’hévéa dans les régions du Littoral et du Sud-Ouest du Cameroun, ont été réduits de 34,7%. Selon la Commission technique de réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR), qui révèle ce chiffre dans son rapport 2022 sur la situation des entreprises et établissements publics, cette proportion relative correspond, en valeur absolue, à 5 518 personnels ayant quitté l’entreprise au cours de la période sous revue.
L’organisme spécialisé du ministère des Finances précise que cette « baisse importante et continue » des effectifs du 2e employeur au Cameroun après la fonction publique (avec environ 22 000 emplois il y a encore quelques années) remonte à l’année 2018, et est imputable à « la crise sécuritaire ». En effet, depuis le déclenchement de la crise dite anglophone, qui secoue depuis fin 2016 les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, les installations et les employés de la CDC sont la cible des militants séparatistes, qui réclament l’indépendance des deux régions anglophones du pays.
C’est ainsi que des unités d’ensachage de cette entreprise ont été incendiées, des plantations transformées en camps de base des militants séparatistes, des employés grièvement blessés, voire assassinés. Cette insécurité, qui a provoqué un arrêt des activités de l’entreprise mi-2018, avant la reprise près de 2 ans plus tard, a d’abord occasionné de nombreux cas de désertion des employés. Ensuite, ces désertions sont progressivement amplifiées par l’accumulation des arriérés de salaires, en raison des difficultés financières que vit la CDC du fait de la crise dite anglophone.
« Les difficultés d’exploitation rencontrées par la CDC ne permettent pas d’honorer ses engagements financiers. (…) L’on note ainsi une augmentation globale de son endettement. (…) Pour la dette sociale, son augmentation est liée à l’évolution des arriérés de salaires au 31 décembre 2022 de 17,78%, malgré l’appui de l’État, ainsi qu’à l’accumulation des impayés de cotisations sociales en augmentation de 15%. Au 30 juin 2023, les arriérés de salaires se situent à 35,7 milliards de FCFA, et la dette sociale vis-à-vis de la CNPS (le fonds de pension public, NDLR) à 26,7 milliards de FCFA », révèle le rapport 2022 de la CTR sur la situation des entreprises et établissements publics.
Avec une masse salariale mensuelle estimée à 2 milliards de FCFA, selon le chiffre révélé lors d’un conseil d’administration tenu le 27 décembre 2018 à Bota-Limbé, dans la région du Sud-Ouest, ce volume d’arriérés de salaires correspond à environ 17 mois d’impayés. Le nombre de mois d’arriérés devrait même être plus élevé. Puisque, selon l’annexe du budget 2024 consacrée aux concours financiers de l’État aux entreprises et établissements publics, les charges du personnel étaient évaluées à 16,09 milliards de FCFA en 2022, soit 1,34 milliard par mois.
Avec des pertes cumulées de 38,7 milliards de FCFA entre 2019 et 2021, selon les données de la CTR, la CDC est de loin l’entreprise camerounaise qui paye le plus lourd tribut des revendications séparatistes en cours dans les régions camerounaises du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Brice R. Mbodiam
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