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Yaoundé - 29 avril 2024 -
Energie

Électricité : Eneo réclame désormais plus de 234 milliards de FCFA à l’État, des tractations toujours en cours

Électricité : Eneo réclame désormais plus de 234 milliards de FCFA à l’État, des tractations toujours en cours

(Investir au Cameroun) - A fin septembre 2023, Eneo chiffre ses créances dues par le secteur public (État et autres entités publiques) à 234,5 milliards de FCFA, selon un document interne dont Investir au Cameroun a obtenu copie. À en croire la même source, cette dette a atteint ce montant malgré des paiements de 43,1 milliards de FCFA reçus de l’État depuis le début de l’année. Elle est répartie en trois grandes catégories de débiteurs : l’État central (131,7 milliards de FCFA), les entreprises publiques (55 milliards de FCFA) et les autres entités publiques (47,8 milliards de FCFA).  

Les sommes réclamées à l’État du Cameroun par le distributeur exclusif de l’électricité au Cameroun ont donc augmenté de 38,5 milliards de FCFA, depuis la lettre adressée le 14 avril au Premier ministre camerounais, Joseph Dion Ngute, par Actis, actionnaire majoritaire d’Eneo (51% des parts). Dans ce courrier signé par David Grylls, associé d’Actis, le fonds d’investissement britannique estimait la dette du secteur public vis-à-vis de sa filiale camerounaise à 186 milliards de FCFA.

Seulement, ce montant est tout de suite contesté par l’État du Cameroun, et des commissions sont mises en place pour arrêter d’un commun accord le montant de la dette du secteur public vis-à-vis d’Eneo. Mais, à en croire le communiqué publié à l’issue du conseil d’administration de l’électricien tenu le 7 décembre 2023 à Yaoundé, ce travail n’est toujours pas bouclé plusieurs mois après. « Le management a été encouragé à poursuivre le dialogue avec le régulateur (l’Agence de régulation du secteur de l’électricité, NDLR) pour résoudre les points en suspens, notamment la reconnaissance des investissements d’Eneo, la compensation tarifaire et l’éclairage public », y lit-on.  

Depuis toujours, la compensation tarifaire et la facturation de l’éclairage public font l’objet d’âpres négociations entre la filiale d’Actis et l’État et ses démembrements. Pour mieux comprendre, il faut savoir que la compensation tarifaire (subvention au consommateur supportée par l’État, représentant la différence entre le coût réel du kilowattheure et ce que paie effectivement le consommateur) dépend de plusieurs variables, comme le niveau d’investissement réalisé par Eneo, dont l’évaluation fait toujours l’objet de longues tractations avec le gouvernement. Par ailleurs, les villes du pays ne disposant pas d’un réseau d’éclairage public moderne, les consommations sont estimées à partir notamment du nombre de lampadaires recensés. Mais, les communes et Eneo peinent toujours à se mettre d’accord sur le nombre de lampadaires fonctionnels sur une période donnée. Ce qui demande souvent de conduire des contre-expertises.

Des fêtes de fin d’année dans les délestages

À fin septembre 2023, Eneo estime la compensation tarifaire à 75 milliards de FCFA et la facture de l’éclairage à 68,8 milliards de FCFA. Ce qui signifie que sur les 234,5 milliards de FCFA revendiqués par l’électricien à son actionnaire de référence (44% des parts), seuls 90,7 milliards sont déjà consolidés. L’incertitude continue de peser sur un montant de 143,8 milliards de FCFA, soit plus de 61,3% de la somme globale.  

Depuis plusieurs mois, les discussions entre Eneo et l’État sont en cours pour le règlement d’une partie de la dette publique due à l’électricien. Le sujet présenté comme une « situation d’urgence » a été au centre du conseil d’administration du 7 décembre dernier. « Les administrateurs ont été assurés du plan et entier soutien du gouvernement pour trouver des solutions rapides pour les paiements urgents du secteur », peut-on lire dans le communiqué signé du ministre Séraphin Magloire Fouda, président du conseil d’administration d’Eneo.

Mais, selon nos informations, rien de concret n’a été obtenu à ce jour sur cette question. On évoque la structuration d’une opération de monétisation d’une partie de la dette de l’État vis-à-vis d’Eneo, afin de permettre à la filiale du fonds d’investissement britannique de régler à son tour une partie de son ardoise vis-à-vis de ces fournisseurs. Estimant notamment qu’« aucun élément concret sur le montant et le calendrier de l’opération de monétisation n’est arrêté », le producteur indépendant d’électricité Globeleq, qui réclame jusqu’à 107,7 milliards de FCFA à Eneo, a arrêté, pour la 2e fois, depuis le 1er décembre 2023 ses centrales d’une capacité installée de 304 MW, provoquant des délestages dont la rotation dure plus de six heures.

Il faut dire que le financement de l’opération de monétisation est l’une des pommes de discorde qui bloque l’opération. La filiale d’Actis, qui supportait jusqu’ici ces charges, représentant entre 7 et 8% de la somme à mobiliser, refuse désormais de le faire. Et de son côté, l’État ne semble non plus disposé à les assumer. D’où le blocage, qui devrait maintenir la tension dans la fourniture du pays en électricité pendant les fêtes de fin d’année. Et de sources internes au secteur, la situation va aller en s’aggravant, à mesure qu’on progressera dans la saison sèche. Il faut notamment savoir qu’au plus fort de l’étiage, la centrale hydroélectrique de Memve’ele, qui a une capacité installée de 211 MW, produit souvent zéro wattheure à certains moments de la journée, faute d’un débit d’eau capable de faire tourner ses turbines.  

Aboudi Ottou  

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