(Investir au Cameroun) - Après la Cosumaf, la Beac vient d’officialiser son adhésion au Réseau de la banque et de la finance durable (Sustainable Banking and Finance Network, SBFN) de la Société financière internationale (SFI). Grâce à cette adhésion, la banque centrale veut stimuler, au sein de la Cemac, la recherche de financements durables orientés vers des projets en phase avec des problématiques environnementales, sociales, de gouvernance et climatiques. En marge d’un forum sur la finance durable organisé le 9 mai dernier à Douala, la directrice du département environnement, social, gouvernance (ESG) et genre à la SFI éclaire sur ce que la finance durable peut apporter aux pays de la Cemac ainsi que sur les contours de ce mécanisme particulier de financement. 

Investir au Cameroun : Pourquoi est-ce important pour les pays de la zone Cemac d’adopter la finance durable ?

Mary Porter Peschka : Pour répondre simplement, je dirai que c’est une réponse à la crise climatique. La finance durable permet, par exemple, d’avoir un cadre règlementaire pour l’émission d’obligations vertes. Celles-ci peuvent être utilisées pour financer le développement d’un barrage hydroélectrique qui viendrait réduire l’émission de gaz à effets de serre dans la région. Donc la finance durable est là pour s’assurer que lorsqu’on fait des levées de fonds, autant au niveau des États que des entreprises privées, que ces fonds soient utilisés pour faire avancer l’agenda au niveau environnemental. Nous sommes tous concernés par les défis climatiques.

IC : Les financements dont vous parlez s’obtiendront-ils à des taux abordables compte tenu de leur objectif environnemental ?

MPP : La finance durable n’a pas vraiment d’incidence sur les taux, elle est beaucoup plus orientée vers l’utilité du financement consentis. Les taux sont définis en fonction des marchés financiers et des banques centrales. On a vu certaines obligations vertes émises à travers plusieurs pays où la demande était tellement forte qu’elle a permis à l’entreprise de négocier un taux d’intérêt plus favorable. Donc c’est toujours les dynamiques d’offres et de demande et la conjoncture macroéconomique qui vient dicter les taux.

IC : La Beac a officialisé le 9 mai son adhésion au Réseau de la banque et de la finance durable (Sustainable Banking and Finance Network, SBFN). Qu’est-ce que cette adhésion apporte concrètement à la Cemac en général et la Beac en particulier ?

MPP : Déjà nous avons pu tenir le 8 mai 2023, une formation en vue d’édifier les instances de la sous-région sur : Comment développer des feuilles de route sur le financement durable ? Quelles sont les considérations à prendre en compte dans l’élaboration d’une feuille de route ? Qui devrait prendre l’initiative pour lancer les consultations ? Comment identifier les parties prenantes ? Quels sont les enjeux à considérer dans le développement d’une feuille de route ? Et bien d’autres aspects. Donc déjà je peux vous dire que la collaboration qu’on a avec la Beac à la SBFN et la SFI est déjà en train de porter ses fruits dans le sens où on a déjà démarré une réflexion. De façon plus large, dans le futur, la SBFN permettra la mise en place d’une plate-forme d’échange où différents pays et institutions peuvent venir partager leurs expériences pour nourrir la réflexion que la Beac et l’ensemble de la région veulent avoir au sujet de la finance durable.

IC : Comment la SFI soutient-elle les membres du réseau ?

MPP : En développant des outils et en étant présent pour leur offrir notre expertise. Comme pour les événements qui se sont tenus ces derniers jours, nous étions sept à huit collègues de la SFI qui ont participé, soit en animant des ateliers de formation, soit en modérant les échanges. Nous sommes là pour offrir des connaissances techniques et un support technique pour aider les membres du réseau.

IC : Quelles sont les interventions de la SFI pour soutenir le développement économique en zone Cemac ?

MPP : Notre stratégie pour la région Cemac vise à créer des opportunités pour améliorer l'infrastructure numérique, soutenir les chaînes de valeur nationales, en particulier dans le secteur agricole, améliorer l'accès des PME au financement et répondre aux besoins en infrastructures d'une population de plus en plus urbaine.

L'une de nos principales priorités est le développement d'infrastructures propres et durables et la finance inclusive. Voici quelques exemples de projets de la SFI dans la région de la CEMAC :

- Le projet hydroélectrique de Nachtigal sur le fleuve Sanaga, ici au Cameroun. Ce projet constituera une source majeure d'énergie propre pour le pays et représente aujourd'hui le plus grand investissement de la SFI dans le secteur de l'électricité en Afrique.  Ce projet a nécessité un financement de 1,3 milliard de dollars.

- Un financement de plus de 175 millions d'euros en 2021 en collaboration avec le gouvernement du Gabon et d'autres investisseurs pour la centrale hydroélectrique de Kinguele Aval de 35 MW afin d'apporter à Libreville une capacité de production d'énergie propre et à faible coût.

- Un partenariat avec BOCOM Petroleum en 2022 pour étendre l'accès au gaz de pétrole liquéfié (GPL) au Cameroun, impliquant 50 millions d'euros, aidant à remplacer l'utilisation du kérosène, du charbon de bois, du bois de chauffage et de la sciure de bois qui alimentent la déforestation et affectent la qualité de l'air dans les ménages.

- Et un partenariat de conseil avec Activa Assurances en 2019 pour renforcer la couverture d'assurance pour les femmes, y compris les femmes entrepreneurs.

- Nous avons également conclu un partenariat avec la Société camerounaise d'équipement (SCE) afin d'aider les PME camerounaises à accéder plus facilement au financement et de soutenir l'activité économique et la création d'emplois dans le pays.

Propos recueillis par Cédrick Jiongo 

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