(Investir au Cameroun) - Entre avril et juin 2023, les banques et établissements financiers en activité au Cameroun ont accordé aux entreprises des crédits d’un montant total de 1 311,6 milliards de FCFA. Selon les données de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC), l’institut d’émission des six pays de la Cemac (Cameroun, Congo Gabon, Tchad, RCA et Guinée équatoriale), ce volume de crédits est en hausse de près de 424 milliards de FCFA (+47,7%) en glissement annuel. En effet, les entreprises n’avaient reçu que 887,9 milliards de FCFA de concours bancaires au 2è trimestre 2022, selon la BEAC.
Cette augmentation plutôt importante des crédits bancaires au bénéfice des entreprises démontre une certaine inefficacité de la politique monétaire restrictive mise en place par la banque centrale depuis 2022, à l’effet de combattre l’inflation dans la zone Cemac. Matérialisée par des relèvements répétés des taux directeurs de la banque centrale, la suspension des opérations d’injection de liquidité dans le système bancaire et l’accroissement des volumes de ponction de la liquidité dans les banques, cette stratégie visait à assécher les établissements de crédit pour restreindre les financements bancaires.
Mais, de l’aveu même de celui qui était encore gouverneur de la BEAC à cette époque, les banques avaient trouvé une parade pour échapper à ce durcissement de la politique monétaire. S’exprimant le 23 juin 2023 au sortir d’une session du comité de politique monétaire de la BEAC, Abbas Mahamat Tolli avait révélé que face à la politique monétaire restrictive, les banques s’étaient rabattues sur le marché secondaire des titres publics, où les transactions interbancaires via la pension livrée avaient alors explosé.
La pension livrée est un mécanisme qui permet aux banques de se prêter de l’argent entre elles, grâce à la mise en garantie des titres publics détenus par l’emprunteur. Cette transaction exige la signature d’une convention-cadre entre les parties. Celle-ci permet au prêteur de se voir automatiquement transférer la propriété des titres mis en garantie par l’emprunteur, une fois la date du remboursement de la créance échue. « On n’a même pas besoin d’aller devant un tribunal pour obtenir ce transfert de propriété », fait remarquer un cadre de la banque centrale.
Cette sécurité qu’offre la pension livrée permet ainsi aux banques d’échapper aux restrictions autour de la liquidité imposée par le pilotage de la politique monétaire, en se serrant les coudes entre elles. Ce qui leur permet de continuer à financer les agents économiques, contrairement aux visées de la politique monétaire restrictive mise en place par la banque centrale.
BRM