(Investir au Cameroun) - Au cours de l’« IFC Private Sector Day », organisé ce 17 janvier 2024 à Douala Célestin Tawamba, co-président du Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam), organisation patronale née de la fusion entre le Gicam et Ecam, a fustigé les conditions des financements octroyés par la Société financière internationale (SFI) aux entreprises. La SFI ou IFC (International Finance Corporation en anglais) est l’institution de la Banque mondiale en charge du financement du secteur privé dans les pays en voie de développement.
« Les conditions de financement de la SFI sont justes intenables. Les autres partenaires au développement s’appuient sur la SFI. Nous sommes dans une Afrique qui se développe, qui se construit, qui a des contraintes et dont le modèle économique est complètement différent du modèle européen. Comment pouvez-vous penser qu’il est possible d’adopter les méthodes appliquées dans les modèles développés, dans des pays où l’économie est fortement informelle, avec des start-up. Ça ne marche pas. Ces conditions ne sont pas possibles », a-t-il regretté. D’après lui, les procédures pour l’obtention de ces financements sont longues, avec des coûts « extrêmement importants ». Par ailleurs, le mode de financement à travers « l’appui des banques commerciales n’est pas favorable au financement des PME ce d’autant plus que les banques octroient difficilement des financements aux PME », renchérit un autre chef d’entreprise évoluant dans le secteur agricole.
À en croire le patronat camerounais, les chefs d’entreprise dans leur grande majorité ne sont pas d’accord avec ce mode de financement dans un contexte où les opérateurs économiques peinent à trouver des financements pour développer leurs projets. Raison pour laquelle, il est important aujourd’hui que la SFI « change radicalement les conditions de financements ». « Il faut accompagner les entreprises dans leurs contextes. Nous ne pouvons pas être dans un pays en voie de développement et chercher le financement d’une économie informelle avec des méthodes qui sont appliquées dans un pays développé. Il faut donc adapter les conditions de financements et à ce moment, les financements de la SFI seront efficaces », poursuit Célestin Tawamba.
Surtout que comme l’a souligné le ministre en charge des PME, la cartographie du tissu économique est majoritairement dominée par les petites unités de production que sont les PME, les coopératives et les entreprises artisanales (360 000 PME, 618 000 artisans répertoriés et 17 000 coopératives et GIC enregistrés). « Dans un tel contexte, il est utile que les politiques, les dispositifs, les mécanismes, qui sont formulés par les partenaires au développement, tiennent compte de ces acteurs. Et là, je rejoins entièrement ce qu’a dit le président Tawamba. Il faut que les outils de financement, les mécanismes de financement, soient adaptés aux cibles », soutient Achille Bassilekin III.
SFI promet de s’adapter
La SFI et des acteurs du secteur bancaire reconnaissent que le co-président du principal mouvement patronal camerounais a raison. Cependant, le directeur général de Société Générale Capital Securities en Afrique centrale pense que la SFI, comme toutes les autres institutions financières, ne peut pas à elle seule répondre aux problèmes structurels qu’il y a dans l’économie. « L’économie camerounaise a des problèmes structurels qu’il faut régler en termes de planification de projets, de vision, d’infrastructures… Il y a tout un écosystème à créer et un seul acteur ne peut pas tout régler. Et aussi, il est très rare que des lignes de garanties pour des start-ups soient données aux banques. Parce que le business de la banque a une analyse du profil risque très soutenu », explique Jean Jacques Moukoko Elame.
Tout de même, SFI promet de faire des efforts. « Traditionnellement, aucune institution financière internationale de développement n’est capable de financer les PME directement. Ça ne fait pas partie de la façon dont nous pouvons travailler. Sur ce, le monde a changé. De ce fait, il faut qu’on s’adapte. Et je pense que le président a tout à fait raison. Et nous avons aujourd’hui la possibilité d’utiliser les nouvelles technologies pour accéder à des entreprises, non seulement les PME, mais, également, des entreprises du secteur informel auxquelles nous n’avions pas accès auparavant », indique le vice-président de la SFI pour l’Afrique, Sergio Pimenta.
En effet, la SFI compte d’après son vice-président accroitre ses investissements au Cameroun au cours des prochaines années en accompagnant davantage les acteurs du secteur privé. D’où la rencontre de ce 17 janvier avec les opérateurs économiques camerounais à Douala. À ce jour, SFI dispose d’un portefeuille de 242 millions USD (près de 146 milliards de FCFA à la valeur actuelle du dollar) d’engagements au Cameroun, apprend-on. Ces investissements soutiennent les infrastructures numériques, les chaînes de valeur agricoles, et l’accès au financement pour les petites et moyennes entreprises.
Sandrine Gaingne
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