(Investir au Cameroun) - Depuis l’approbation, le 26 mars 2023, du rachat des actifs de Guinness Cameroun SA (GCSA) par le groupe Castel, le brasseur français, à travers sa filiale Société anonyme des boissons du Cameroun (SABC), affirme avoir réalisé, à date, des investissements d’un montant total de plus de 45 milliards de FCFA. Cette enveloppe correspond à plus de 20% du budget du programme d’investissements de 200 milliards de FCFA sur 5 ans, annoncé par le repreneur au moment de la transaction, à l’effet d’accompagner cette opération de cession des actifs entre le Français Castel et le Britannique Diageo, la maison-mère de Guinness.
« Le diagnostic post-acquisition a permis d’orienter les priorités d’investissements. Ainsi, plus de 45 milliards ont déjà été investis dans l’outil de production et l’optimisation du système d’information », soutient-on à la SABC. En dehors des travaux informatiques ayant conduit à « l’optimisation de l’organisation du système d’information », à l’effet « d’harmoniser les deux systèmes » jusqu’ici utilisés par la SABC et Guinness Cameroun, le gros des investissements a été consacré à la remise en état de l’outil de production de Guinness, « pour rétablir la capacité nominale et la qualité », puis à l’extension de la production des produits Guinness dans d’autres usines de la SABC, apprend-on.
Concrètement, détaille une source interne à l’entreprise, « afin de répondre au besoin du marché et de garantir la disponibilité constante des produits Guinness, d’importants travaux sont en cours dans les usines de Boissons du Cameroun de Yaoundé, Bafoussam et Garoua. À Yaoundé, une nouvelle ligne d’embouteillage d’une capacité de 35 000 bouteilles par heure a été implantée, et est opérationnelle depuis mi-janvier 2024. De même, nous avons procédé à la mise à niveau de l’atelier fabrication de l’usine de Yaoundé. Autant à Bafoussam qu’à Garoua, l’implantation d’une ligne d’embouteillage de 35 000 bouteilles par heure est un enjeu majeur, et les constructions des bâtiments pour accueillir les nouvelles capacités ont déjà démarré et sont en cours ».
Dans le cadre de la remise en état de l’outil de production de l’usine Guinness de Douala, les investissements ont principalement porté, apprend-on, sur les achats de pièces de rechange, la réalisation des opérations majeures de maintenance sur plusieurs équipements, le renouvellement du matériel présentant un état critique, la réfection des infrastructures, le réaménagement d’un espace de stockage de 5000 m²… Par ailleurs, « en prévision de l’augmentation de la demande en bouteilles et casiers de Guinness, le four n° 1 de la Socaver (Société camerounaise de verrerie, autre filiale du groupe Castel au Cameroun, NDLR) a été réhabilité après plusieurs années à l’arrêt. Coût des travaux : 4 milliards de FCFA », révèle notre source.
Un rachat d’actifs contesté
Cependant, une Épée de Damoclès continue de pendre sur le deal de 300 milliards de FCFA conclu en juillet 2022 entre Castel et Diageo. En effet, malgré la validation de cette transaction fin mars 2023 par les autorités de la concurrence du Cameroun et de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, RCA et Guinée équatoriale), celle-ci fait l’objet de contestation devant la Cour commune de justice de la Cemac, basée à Ndjamena (Tchad), dans le cadre d’un recours introduit par l’Union camerounaise de brasserie (UCB).
De sources proches du dossier, la première audience de l’affaire a eu lieu le 25 janvier 2024 à Ndjamena, et le verdict est attendu le 28 mars 2024. Dans le détail, l’entreprise brassicole fondée par le défunt milliardaire Kadji Defosso dénonce ce qu’elle considère à la fois comme un manque de transparence et un non-respect des règles en matière de concurrence, dans le processus de validation du deal entre Castel et Diageo par le Conseil communautaire de la concurrence (CCC) de la Cemac. Aussi, UCB souhaite-t-elle obtenir de l’instance judiciaire communautaire, une annulation du rachat des actifs de la filiale camerounaise de Diageo par le groupe Castel.
Un recours contre lequel le groupe français peut opposer l’article 17 de loi sur la concurrence. Cette disposition prévoit qu’une fusion ou une acquisition qui porterait atteinte à la concurrence peut être admise dans ce cas où les gains économiques de cette acquisition sur l’économie nationale dépassent les effets préjudiciables à la concurrence sur le marché. Dans ce sens, les investissements projetés et déjà réalisés au Cameroun sont un argument important. Il en est de même du fait que la transaction a permis à l’État du Cameroun d’engranger plus de 51 milliards de FCFA d’impôts, soit 14,5 milliards de FCFA de droits d’enregistrement du contrat de cession payés par Castel ; 36,3 milliards de FCFA de l’impôt sur la plus-value et 37,4 millions de droits d’enregistrement liés notamment au transfert d’actions GCSA détenues par les actionnaires minoritaires, payés par Diageo.
En plus, il faut ajouter l’impact de la cession sur l’économie locale. À ce jour, la SABC estime, par exemple, que les achats auprès des fournisseurs locaux ont déjà progressé de 3%. « L’élargissement du portefeuille des fournisseurs locaux (étiquettes, capsules…) est en cours, ainsi que la prise en compte des différentes exigences post-acquisition. Ce qui contribue au développement de l’entreprenariat local », soutient une source interne. « La relance de la filière Sorgho matérialisée par une réelle intensification des approvisionnements et la valorisation des producteurs locaux engendrent un regain de confiance auprès des acteurs de cette filière agricole », ajoute-t-elle.
Brice R. Mbodiam
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