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Yaoundé - 01 mai 2024 -
Gestion publique

Redevance publicitaire : la mairie de Yaoundé réclame 4 milliards de FCFA aux entreprises, qui contestent

Redevance publicitaire : la mairie de Yaoundé réclame 4 milliards de FCFA aux entreprises, qui contestent

(Investir au Cameroun) - Près de 4 milliards de FCFA, c’est le montant que la mairie de Yaoundé, également appelée Communauté urbaine de Yaoundé (CUY), réclame depuis 2020 aux entreprises (PME et multinationales) pour le produit de l’exploitation des emplacements publicitaires. Ces entreprises sont accusées de pratiquer de l’affichage non autorisé, donc non payé à la CUY, l’autorité compétente pour autoriser l’affichage publicitaire.

« Pour afficher dans la ville de Yaoundé, il est essentiel de se rapprocher d’une régie publicitaire accréditée par la CUY et possédant un agrément du ministère de la Communication (Mincom). La ville ne peut pas accréditer une régie publicitaire qui n’a pas cet agrément. Ces régies sont donc en charge de vendre ces espaces publicitaires pour le compte de la ville de Yaoundé. On se trouve dans l’illégalité tant que l’on n’a pas suivi le processus et la procédure établis par la CUY. », explique Junior Daniel Mbilongo, directeur du cabinet Label Sarlu, l’agence de suivi de la publicité pour le compte de la mairie de Yaoundé.

Le régisseur est un « intermédiateur » qui agit entre la mairie, qui lui concède l’espace d’affichage, et l’annonceur, à qui il sous-loue cet espace, explique Kisito Ngankak, directeur du développement des médias et de la publicité au Mincom. « L’affichage sauvage se produit lorsque vous procédez à une implantation sans autorisation. Les mairies sont responsables de l’autorisation d’implantation des panneaux, car elles gèrent le territoire urbain. Si un panneau est affiché sans respecter ces conditions, on peut comprendre qu’il soit considéré comme frauduleux. Au niveau du Mincom, notre mission consiste à autoriser les individus à devenir des afficheurs en délivrant des agréments. Cependant, même avec un agrément, il faut que la mairie concède un espace pour permettre l’implantation », laissait-il dans une interview publiée le 2 avril dernier par le quotidien public Cameroon Tribune.

Junior Daniel Mbilongo, directeur de l’agence de suivi de la publicité pour la Communauté urbaine de Yaoundé (CUY), souligne que bien que toutes les entreprises souhaitent utiliser la publicité pour attirer plus de clientèle, très peu s'acquittent des frais requis que les annonceurs doivent payer pour diffuser leurs messages dans le périmètre urbain. « Actuellement, plus de 80% des impayés proviennent des multinationales qui refusent même de payer. Cependant, il est obligatoire pour toutes les entreprises, même les plus grandes, de régler ce qu’elles doivent à l'administration de la ville avant de poser une publicité, même pour un simple autocollant », précise-t-il, en pointant particulièrement du doigt les entreprises brassicoles.

Selon lui, la Communauté urbaine de Yaoundé perd des « centaines de millions » de FCFA chaque année à cause de l’affichage publicitaire frauduleux, un problème que la municipalité tente de résoudre depuis une dizaine d’années. « Nous sommes passés de 100 millions de FCFA d’émission d’ordre de recettes à pratiquement 800 millions en 10 ans. Cela montre que l’augmentation a été significative. Cependant, aujourd’hui, nous faisons face à une sorte de rébellion quasi organisée que nous souhaitons résoudre et éliminer », déplore-t-il, avant d’ajouter : « Et cela va se faire ». À la CUY, on précise que le paiement de ces droits sur l’affichage est réglementé par la loi du 29 décembre 2006 qui régit la publicité au Cameroun. Elle dispose que tout affichage publicitaire doit donner lieu au paiement de taxes et de redevances sur l’achat d’espaces publicitaires (article 20) et doit être fait sur autorisation (article 21).

Redevance jugée non conforme à la loi

Cependant, les entreprises contestent le recouvrement de cette redevance par les collectivités territoriales décentralisées (CTD), la considérant comme infondée. Le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, a d'ailleurs déclaré que la redevance publicitaire exigée aux entreprises par les CTD est illégale. « Conformément aux dispositions de l’article C3 du Code général des impôts (CGI), une collectivité territoriale ne peut percevoir un impôt, une taxe ou une redevance que si elle est créée par une loi, votée par l’organe délibérant et approuvée par l’autorité compétente. En conséquent, la législation actuelle n’ayant pas prévu une redevance publicitaire applicable sur les opérations publicitaires des entreprises, et dont le recouvrement serait effectué par les CTD, la collecte de ladite redevance par ces dernières s’avère non conforme », a-t-il précisé dans un courrier envoyé le 17 novembre 2022 à son collègue de la Décentralisation et du Développement local (Minddevel), Georges Elanga Obam.

Louis Paul Motaze a toutefois précisé que les collectivités territoriales décentralisées restent compétentes pour le recouvrement des recettes liées aux espaces qu’elles aménagent sur le domaine public relevant de leur compétence pour l’implantation de supports publicitaires. Le 10 octobre 2023, le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, qui est également président du Conseil national de la publicité, a enjoint aux régisseurs partenaires des CDT, dans un communiqué, de cesser d’exiger des annonceurs le paiement de la redevance publicitaire.

Mais à la CUY, l’on affirme que la municipalité est dans son droit de percevoir les revenus issus de l’exploitation de son domaine public, tel que prévu dans la loi du 24 décembre 2019 portant Code général des CDT. « La CDT a le droit de générer des revenus, autres que des impôts, de son domaine (territoire). Les revenus du domaine ne sont pas soumis aux règles applicables aux prélèvements fiscaux. La fixation des taux y relatifs est de la compétence des conseils municipaux (article 167 du Code général des CTD) », argue Luc Messi Atangana, le maire de la ville.

« Quelle que soit la désignation donnée à ces droits : redevance tout court dans la loi régissant la publicité au Cameroun, redevance publicitaire par les régisseurs de publicité, redevance sur l’espace d’affichage publicitaire par les services de la Direction générale des impôts, ou droit de concession des emplacements publicitaires par les CTD, il s’agit d’une seule et même réalité : toute personne qui diffuse la publicité à travers un support doit obtenir l’autorisation de l’autorité compétente et en payer le prix ou la contrepartie. En d’autres termes : pas d’autorisation, pas de paiement, pas de diffusion de la publicité », a-t-il écrit dans une correspondance datée du 12 juillet 2022 adressée à Guinness Cameroon, une filiale du groupe britannique Diageo récemment intégrée à la SABC, contrôlée par le groupe français Castel. Elle avait pour objet : le « paiement de la redevance sur ses supports BTL dans la ville de Yaoundé et la contestation des ordres de recettes correspondants »

Le 11 avril dernier, la Communauté urbaine de Yaoundé a lancé une campagne de démantèlement de l’affichage frauduleux à Yaoundé. L’opération, qui court jusqu’au 26 avril prochain, vise l’enlèvement des affiches publicitaires non autorisées le long des voiries, les dispositifs publicitaires non autorisés sur les bâtiments et les panneaux publicitaires défectueux ou non autorisés, précise le maire de la ville. Luc Messi Atangana affirme que cette opération intervient après « une longue période » de sensibilisation dans les médias et par affichage. Cette initiative vise non seulement à assainir le secteur de la publicité, mais aussi à renforcer l'autorité de la CUY en assurant le recouvrement des redevances publicitaires dues.

Patricia Ngo Ngouem

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