(Investir au Cameroun) - Le ministre des Mines par intérim, Fuh Calistus Gentry (photo), devrait présider le 22 décembre 2023 sur « le site du projet d’exploitation du fer de Mbalam », la cérémonie de « lancement des travaux de construction de la mine » de ce gisement de fer de niveau mondial, écartelé entre le Cameroun et le Congo. Le « projet de programme » de cette mission du ministre Calistus Gentry, signé le 19 décembre 2023 par ses propres soins, n’indique ni la localité qui va abriter cette cérémonie, ni une éventuelle participation des autorités congolaises. Tout au plus, il est prévu, après le « lancement des travaux de construction de la mine », des « échanges avec les autorités locales » à Ntam, ville camerounaise frontalière au Congo, dans la région de l’Est.
Mais, par-dessus tout, la principale curiosité de cette cérémonie prévue par le ministre camerounais des Mines réside dans le fait que depuis le 17 août 2022, date de l’attribution du permis d’exploitation du gisement de fer de Mbalam à la société Cameroon Mining Company Sarl (CMC), aucune information n’a filtré jusqu’ici, ni sur le financement, ni sur les partenaires financiers de ce gigantesque projet minier. Tout au plus, l’on sait à travers des annonces faites par AustSino, partenaire de Bestway Finance (véhicule d’investissement basé à Singapour et ayant la même maison-mère que CMC) sur le projet minier de Mbalam, qu’un aéropage d’entreprises chinoises a rejoint ledit projet.
Il s’agit notamment de China Railway 20 Bureau Group Corporation (CR20G), China Machinery Engineering Corporation (CMEC), China Civil Engineering Construction Corporation (CCECC) et China National Chemical Engineering Heavy-Mechanized Corporation Ltd (CNCEHMC), ou encore CCC Mining Group Limited. L’on peut remarquer qu’il s’agit pour la plupart d’entreprises de constructions et d’infrastructures, ou alors de sociétés minières. Aucun partenaire financier n’apparaît sur cette liste. A moins que pour la construction de la mine de Mbalam, la société Cameroon Mining Corporation ne soit exclusivement portée, au plan financier, que par sa maison-mère Coconut Logic Holdings Pte Ltd (qui contrôle également Bestway Finance), véhicule d’investissement également basé à Singapour.
Opacité
Cette situation en rajoute aux zones d’ombres qui entourent la conduite du projet de fer de Mbalam depuis le constat de l’incapacité de l’Australien Sundance Ressources, premier développeur dudit projet, à le conduire jusqu’à terme. En effet, ils sont nombreux les observateurs de la scène minière camerounaise qui continuent de s’interroger sur le fait qu’une entreprise (CMC) créée le 16 mars 2022, ait pu successivement signer une convention minière avec l’Etat du Cameroun deux semaines plus tard (31 mars), puis obtenir un permis d’exploitation à peine cinq mois après sa création. Le tout sur un gisement de fer d’envergure mondiale.
A ces zones d’ombres, il faut ajouter le manque de transparence ayant entouré l’attribution de cette concession, comme celles de toutes les autres en cours dans le pays. En effet, à l’instar de tous les autres titres miniers actifs au Cameroun, le permis d’exploitation de CMC n’a toujours pas été rendu public jusqu’ici, en violation de l’article 144 du Code minier de 2016 (un tout nouveau vient d’être promulgué par le chef de l’Etat, NDLR). Cet article dispose que « les actes qui consacrent l’attribution, la prolongation, le renouvellement, le transfert, l’amodiation, le retrait ou la renonciation à un permis d’exploitation doivent faire l’objet d’une publication au Journal Officiel et dans les journaux d’annonces légales ».
Pour rappel, le gisement de fer de Mbalam, qui s’étend jusqu’à Nabeba au Congo, est considéré comme une réserve de niveau mondial. Sundance Resources Ltd, le premier développeur du projet, prévoyait un déploiement en deux phases. Il tablait, dans la première phase, sur une production annuelle de 40 millions de tonnes de minerai à enfournement direct, sur une période de 12 ans. Et dans la deuxième de prolonger l’exploitation du gisement de plus de 15 ans, en produisant un concentré d’itabirite hématite à haute teneur. Mais, pour en arriver là, des investissements globaux de plus de 5 000 milliards de FCFA sont nécessaires. Aussi bien pour la construction de la mine, d’une ligne de chemin de fer de 510 Km en direction du port de Kribi, et d’un terminal minéralier au sein de la même plateforme portuaire.
Brice R. Mbodiam
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