logoIC
Yaoundé - 06 mai 2024 -
Travaux publics

Autoroute Kribi-Lolabé : les premiers mois d’exploitation révèlent une surévaluation des charges à 408 milliards de FCFA

Autoroute Kribi-Lolabé : les premiers mois d’exploitation révèlent une surévaluation des charges à 408 milliards de FCFA

(Investir au Cameroun) - Après seulement 10 mois d’exploitation de l’autoroute Kribi-Lolabé (38,5 km), qui relie le port en eau profonde au centre urbain, le Cameroun souhaite déjà réviser le contrat de partenariat public-privé (PPP) qui le lie à l’entreprise China Highway Engineering Company (CHEC) pour une durée de 30 ans, a-t-on appris à l’issue d’une réunion dévaluation de ce PPP, tenue le 7 juin 2023 à Kribi, la cité balnéaire de la région du Sud. Selon le communiqué publié à l’issue de cette réunion présidée par le ministre des Travaux publics, Emmanuel Nganou Djoumessi, il est notamment question de procéder à un « redimensionnement des charges, afin qu’elles tiennent compte du trafic réel ».

En effet, selon l’accord conclu le 30 décembre 2020, l’État du Cameroun doit verser un peu plus de 408,6 milliards de FCFA à l’entreprise chinoise pendant la durée du contrat. Cette somme, qui doit être payée par tranches (appelée loyers), couvre quatre types de charges, précise la direction générale des études techniques (DGET) du ministère des Travaux publics (Mintp)  : 66,6 milliards pour « l’amortissement de l’investissement du partenaire dans la réalisation des travaux » ; 109,4 milliards pour « les charges d’exploitation et de maintenance courante (EMC) » ; 166,6 milliards pour « les charges du gros entretien et renouvellement (GER) », et 66 milliards pour « les charges du personnel administratif non affecté à l’exploitation ou à la maintenance, la formation continue du personnel, les frais de suivi du CARPA (Conseil d’appui à la réalisation des contrats de partenariat), de commissaire aux comptes, les honoraires de conseil, les frais d’actions sociales, les licences de logiciels, le coût des garanties bancaires, les assurances, le support du siège du partenaire privé, les locations ».

« Les charges d’EMC regroupent les prestations des services de collecte de péage, de transport de fonds, de gestion de trafic (patrouille, intervention sur événement…) et les services d’entretien de l’autoroute et des équipements d’exploitation (péage, panneaux, véhicules d’intervention…). Et les charges de GER comprennent l’entretien périodique, le renforcement, la réhabilitation et le renouvellement de la structure de chaussée », explique le Mintp. D’un total de 276 milliards de FCFA, leur évaluation a été faite sur la base d’une hypothèse de trafic. Sauf que l’analyse des données des 10 premiers mois d’exploitation de l’infrastructure montre que ces prévisions sont 4 à 5 fois supérieures au trafic réel. D’où la volonté de révision du contrat exprimée par Emmanuel Nganou Djoumessi.

Difficultés de paiement

Concrètement, selon le modèle financier, les recettes du péage devraient supporter les charges d’EMG. « Afin de prendre en compte la compétitivité du port de Kribi et l’acceptation sociale du projet, l’État a fixé des tarifs de péage en dessous de ceux initialement prévus lors de la négociation du contrat PPP », soutiennent les services d’Emmanuel Nganou Djoumessi. Ce qui a créé un gap. Sauf que, précise le Mintp, du 29 juillet (date de mise en service de l’infrastructure routière) au 31 mai 2023, la différence entre les charges d’EMG et les recettes du péage est de 3,5 milliards de FCFA, soit près de 10 fois le gap dû à la modification des tarifs. Cette situation traduit le décalage existant entre les prévisions de trafic sur lesquelles se base Kribi Highway Management (KHM), société créée par la CHEC pour l’exploitation de l’autoroute, pour calculer les loyers et le trafic effectif qui génère les recettes du péage.

Des loyers que l’État peine d’ailleurs à payer en ce moment, selon le président du Carpa, Dieudonné Bondoma Yokono. Cette situation pourrait d’ailleurs se compliquer. En effet, selon le rapport sur les coûts des risques budgétaires générés par les projets exécutés en PPP, publié en avril 2023 par le ministère des Finances, le contrat actuel prévoit que l’État verse 16,4 milliards de FCFA de loyers chaque année à CHEC, au moins jusqu’en 2025 avant de voir l’enveloppe éventuellement changée. La renégociation envisagée du contrat « permettrait donc d’alléger le Trésor public, relativement à cette problématique des loyers à payer », indique Dieudonné Bondoma Yokono.  

Dans cette perspective, il ne serait pas superflu d’examiner l’ensemble des charges adossées au PPP signé entre le Mintp et l’entreprise chinoise. Pour permettre à CHEC d’amortir un investissement de 38,6 milliards de FCFA, l’État s’est par exemple engagé à payer au constructeur chinois 66,6 milliards de FCFA, soit un rendement brut de 72%. Ce qui est loin au-dessus des rendements de 20% (10% pour les frais généraux de management et 10% pour le bénéfice) souvent concédés par l’État du Cameroun. Même si l’on ajoute 10% de frais financiers, on reste loin en deçà du rendement obtenu par CHEC.

Aboudi Ottou

Lire aussi :

30-05-2023-Autoroute Kribi-Lolabé : les tarifs élevés du péage sont un obstacle à l’attractivité du port, selon les entreprises

28-10-2022-Autoroute Kribi-Lolabe : le chinois KHM face aux premières difficultés d’exploitation

projet-de-chemin-de-fer-cameroun-tchad-l-etude-de-faisabilite-achevee-le-choix-du-trace-en-suspens
D’après les informations transmises par la cellule de communication du ministère des Transports, l’étude de faisabilité du projet de construction d’un...
la-beac-essuie-un-nouveau-revers-sur-une-emission-de-bons-visant-a-reduire-la-liquidite-bancaire
L’émission des bons de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), effectuée le 29 avril 2024, a été déclarée infructueuse faute de...
l-union-europeenne-octroie-475-000-euros-pour-un-projet-d-inclusion-sociale-dans-la-ville-de-dschang
Avec plus de 300 000 habitants, la ville de Dschang compte parmi les localités qui offrent une grande hospitalité aux déplacés internes ayant fui les...
a-douala-l-electricite-retablie-au-centre-administratif-et-d-affaires-mais-les-risques-d-incident-demeurent-eleves
La ligne de transport d’électricité entre Logbaba et Koumassi (90 kV), qui avait été endommagée par un incendie dans la nuit du 1er au 2 mai...

A la Une du magazine


Investir au Cameroun n121:Mai 2022

Les marges de progression du secteur télécom camerounais


Pourquoi les entreprises camerounaises cachent autant leurs comptes ?


Business in Cameroon n110: April 2022

Covid-19, war in Europe: Some Cameroonian firms will suffer


Albert Zeufack: “Today, the most important market is in Asia

  1. Plus lus 7 jours
  2. partagés 1 mois
  3. lus 1 mois
next
prev