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Yaoundé - 04 mai 2024 -
Agro-industrie

Jacquis Kemleu Tchabgou : «l’ASROC, c’est 320 milliards de FCfa d’investissements, 6000 emplois directs… » au Cameroun

Jacquis Kemleu Tchabgou : «l’ASROC, c’est 320 milliards de FCfa d’investissements, 6000 emplois directs… » au Cameroun

(Investir au Cameroun) - Tour d’horizon et enjeux autour de la filière des oléagineux au Cameroun avec le secrétaire général de son regroupement corporatiste. Cette interview est également à lire dans le magazine Investir au Cameroun de ce mois de septembre, qui vient de paraître.

Qu’entend-on par ASROC et qui sont les membres de cette organisation ?

Je commence par vous remercier pour l'intérêt que vous portez aux questions qui touchent le segment de la 2ème transformation de la filière des oléagineux en général, et en particulier l’Association des raffineurs des oléagineux du Cameroun (ASROC), qui est son bras séculier. L’ASROC qui est une association regroupant en son sein la fine fleur de l’industrie de raffinage, est constituée de sept (7) unités industrielles de raffinage de l’huile de palme brute, de coton, de soja et d’arachide.

Il s’agit de la Société camerounaise de raffinage MAYA et Cie (SCR MAYA & Cie) ; d’AZUR SA, anciennement dénommée Complexe chimique et industriel du Cameroun SA (CCIC SA) ; du Complexe cosmétique de l’Ouest SA (CCO SA) ; de la Société de développement du coton SA (SODECOTON SA) ; de la Société des palmeraies de la ferme suisse (SPFS), de la Société camerounaise de savonnerie/raffinerie du Cameroun (SCS/RAFCA) ; et de la Société agroalimentaire du groupe Youssa (SAAGRY).

Cette association a pour objet : la protection des intérêts économiques, commerciaux, matériels et moraux de ses membres dans le respect des lois et règlements en vigueur ainsi que dans l’intérêt général; la promotion et le développement des industries de raffinage des produits oléagineux ; et la réalisation de toutes études stratégiques susceptibles de développer les industries de raffinage des oléagineux et de les proposer au gouvernement de la République du Cameroun.

Statistiquement, quel est le poids de cette association dans le tissu économique camerounais (emplois, volume des investissements et de production, chiffre d’affaires, impôts et taxes versées à l’Etat, etc.) ?

L’ASROC est une association qui a investi plus de 320 milliards de francs Cfa, qui emploie près de 6 000 personnes de manière directe, contribue fortement à la création des emplois, au PIB et joue un rôle déterminant dans l’approvisionnent des marchés local et sous régional en huiles végétales raffinées, en margarine, en savon de ménage, ainsi que dans le développement de la filière des oléagineux.

l’ASROC, à elle seule, a une capacité de raffinage de 26 374 tonnes par mois et de production de savon de 20 095 tonnes par mois. Lorsque nous savons que la capacité globale de raffinage au niveau de la 1ère transformation est de 32 622 et celle de production du savon de 33 331, il est facile de se rendre compte que l’ASROC produit 80,84 % des 95 % des huiles végétales raffinées et  60, 28 % des 90 % des savons de ménage consommés, mis à la disposition des consommateurs par la filière des oléagineux. Cette association apporte à l’Etat des revenus de l’ordre de 126 milliards de francs Cfa.

Il est important de rappeler qu’au Cameroun, la consommation mensuelle d’huile végétale raffinée est de l’ordre de 15 000 tonnes et celle des savons de près de 18 000 tonnes.

Depuis bientôt 10 ans, vous n’avez de cesse de dénoncer la concurrence déloyale que vous livrent des importateurs sur le marché local. Comment cela se manifeste-t-il concrètement et pour quoi, selon-vous, cette situation perdure-t-elle malgré vos plaintes ?

La concurrence déloyale dont vous faites allusion se manifeste à travers la pratique des prix de cession de certaines huiles végétales raffinées importées en dessous du prix de référence pour la taxation des huiles végétales importées au Cameroun. Cette pratique des prix est liée à la mise sur le marché des huiles ne s’étant pas acquittée de droits de douane dus, des huiles non enrichies à la vitamine A,  des huiles périmées faisant l’objet de violation de textes réglementaires en vigueur dans le pays.

Il s’agit notamment de la décision du ministre des Finances du 27 mars 2009 fixant le prix de référence pour la taxation des huiles végétales importées au Cameroun à 1500 le kilogramme ; de la Norme NC 77 2002-03 Rev.1 (2011) relative aux huiles végétales portant un nom spécifique, enrichies à la vitamine A, rendue d’application obligatoire par l’Arrêté conjoint du 24 août 2011 ; de la Norme NC 04 : 2000-20 relative à l’étiquetage des denrées alimentaires préemballées au Cameroun.

L’inondation de l’espace commercial camerounais par ces huiles ne respectant pas la réglementation en vigueur et vendues à vil prix, est la conséquence de la mal gouvernance, ou mieux de la corruption qui gangrène certaines de nos administrations en charge des importations, de la production et de la commercialisation des huiles végétales raffinées. Cette corruption est le fait conjugué des opérateurs et fonctionnaires véreux agissant pour leur compte personnel et non pour l’intérêt général.

Quelle appréciation globale faites-vous de la qualité des huiles végétales commercialisées au Cameroun, d’une part, et quels en sont les incidences sur la santé des populations, d’autre part ?

Les huiles végétales commercialisées au Cameroun sont pour la majeure partie de bonne qualité. Les entreprises de l’ASROC qui produisent comme je l’ai dit tantôt 80,84 % des 95 % des huiles végétales raffinées consommées au Cameroun sont toutes inscrites dans la démarche qualité à laquelle veille l’Agence des normes et de la qualité (ANOR), bien que certaines d’entre elles soient certifiées ISO 9001 version 2008 et 2015.

Ces entreprises étaient d’ailleurs toutes présentes à la Semaine nationale de la qualité 2016 (SENAQ 2016) organisée par l’ANOR et qui vient de se déroulée à Douala. N’ont participé à la SENAQ 2016 que les entreprises certifiées système et/ou certifiées produits, ou inscrites dans la démarche qualité. Vous comprenez donc que c’est une frange des huiles végétales raffinées constituée pour l’essentiel des  huiles de soja de marque Jadida, Broli et Oilio, de tournesol de marques Girasole et Lesieur, qui sont non conformes et mettent en péril la santé des consommateurs en ce sens qu’elles sont susceptibles de procurer le cancer, le diabète et même la stérilité chez l’homme, pour ne parler que de l’huile de soja lorsqu’elle est utilisée à un usage autre que l’assaisonnement ou mieux lorsqu‘elle est utilisée pour frire et cuire les aliments. C’est ce que le promoteur de l’huile raffinée de soja de marque Jadida a voulu faire croire au consommateur à travers une publicité mensongère diffusée à travers les médias, mais heureusement arrêtée par une note du Directeur général de l’ANOR.

Pour l’ASROC donc, le diable sur le marché camerounais des huiles végétales est l’importateur. Pourtant, une certaine opinion accuse également les raffineurs locaux de ne pas être des exemples en matière de respect des normes et de la qualité des produits mis sur le marché…

J’ai toujours relevé que les producteurs locaux et les importateurs sont tous soumis au respect de la réglementation en vigueur. Et chaque fois que je m’appesanti sur la filière des oléagineux, j’aime bien parler des opérateurs économiques constitués pour l’essentiel des deux catégories susmentionnées.            

Je précise par la suite que je ne peux pas jurer sur la tête de tout le monde. Toutes les unités industrielles de l’ASROC, comme je vous l’ai dit, sont inscrites dans la démarche qualité. Je vous reprécise également qu’elles ont toute été présentes à la SENAQ 2016 à laquelle ne pouvaient prendre part que des entreprises certifiées système et/ou produit, ou inscrites dans la démarche qualité.

Vous avez récemment interpellé le mouvement consumériste sur le rôle que ses acteurs peuvent jouer en matière d’assainissement du marché et de protection des consommateurs. Ont-ils vraiment les moyens et surtout la crédibilité nécessaires pour accomplir cette tâche dans le contexte camerounais ?

Il est toujours bon de juger le maçon au pied du mur, surtout de lui rappeler chaque fois que cela est nécessaire quel est son rôle et de l’encourager à le jouer. C’est dans ce sens que nous avons jugé bon au niveau de l’ASROC, d’interpeller les associations des consommateurs sur les attentes qui sont fondées sur elle pour juguler le mal qui menace gravement la santé des consommateurs que nous sommes tous. En ce qui concerne les moyens, ils proviennent généralement de la capacité à se remuer les méninges et surtout à se mouvoir en vue de leur obtention. Relativement à la crédibilité des associations en cause, elle existe bien pour certaines d’entre elles comme nous l’avons observé au cours d’autres batailles relatives à la protection du consommateur.

Le 31 août 2016, le Programme d’évaluation de la conformité avant embarquement des marchandises importées en République du Cameroun (PECAE) entrera officiellement en vigueur. En quoi consiste-t-il?

Le PECAE, institué par un décret du 1er juillet 2015, est né de la volonté du gouvernement camerounais d’assurer une certaine sécurité au consommateur. Il a pour objectif la réduction de l’arrivée dans l’espace commercial camerounais des produits ne respectant pas la norme et la qualité, et devrait contribuer à l’assainissement du marché.

Il s’agit désormais pour tout importateur de produits entrant dans le champ d’une des 106 normes rendues d’application obligatoire, de faire évaluer sa marchandise au lieu d’embarquement par les entreprises SGS ou Intertek, qui ont été agréées par le gouvernement, à l’effet de délivrer ou non une attestation de conformité en vue de leur embarquement par le Conseil national des chargeurs du Cameroun (CNCC). Les produits ayant reçus une attestation de conformité et embarqués ne pourront faire l’objet d’une déclaration douanière et par la suite l’objet d’un bon à enlever que s’ils ont reçu de l’ANOR un certificat de conformité. Voilà de façon sommaire en quoi consiste le PECAE.

Selon vous, le PECAE est-il l’arme fatale pour définitivement assainir la filière des huiles végétales, en particulier, et l’espace commercial camerounais, en général ?

Le PECAE est un outil essentiel pour la protection de la santé du consommateur, de  notre espace économique et par voie de conséquence de notre économie nationale, en ce sens que ne pourrons faire l’objet d’une déclaration douanière suivie d’un bon à enlever, que des huiles végétales raffinées ayant préalablement fait l’objet d’une déclaration d’importation au niveau de la SGS ; par la suite l’objet d’une attestation de conformité délivrée par la SGS ou Intertek, suivant le lieu de provenance, et enfin l’objet d’un certificat de conformité délivré par l’ANOR.

Lorsque nous prenons en compte la mise en route prochaine de nouveaux scanner qui feront systématiquement connaitre ce qui se trouve dans les containers, nous osons croire que la tâche ne sera plus facile pour les importateurs véreux et que les opérations d’assainissement en cours seront plus efficaces.

En matière de production de l’huile de palme et ses dérivés, qui servent de matières premières aux membres de l’ASROC, le Cameroun fait face à un déficit qualifié de «structurel» (qui tourne officiellement autour de 100 000 tonnes par an). Qu’est-ce que cela signifie-t-il concrètement ?

Le déficit de la matière première qu’est l’huile de palme brute dont vous faites allusion, et qui est évalué au regard de la production et de la demande nationale, est né de l’insuffisance de la production nationale de cette matière première. Pour y remédier, le gouvernement, sur demande du président du Comité de régulation de la filière des oléagineux,  adressée au ministre des Finances via le ministre du Commerce, autorise l’importation d’une portion du déficit structurel au début de chaque campagne. Ceci, afin d’éviter l’inflation qui pourrait naitre de l’insuffisance de l’oléine de palme dans les marchés.

Le Cameroun dispose pourtant de vastes étendues de terres cultivables non exploitées. N’est-il pas envisageable de voir naître des joint-ventures entre raffineurs et producteurs d’huile de palme, afin de résorber définitivement ce déficit dans un contexte de demande croissante et d’opportunités existantes à l’exportation ?

Il faut que vous sachiez que les facteurs particuliers de production que sont la terre et les finances dans notre secteur d’activité ne sont pas disponibles et ne nous facilitent pas la tâche. Malgré cette difficulté, les raffineurs ont commencé à mettre sur pied des plantations pour réduire le déficit structurel tout comme leur très grande dépendance vis-à-vis des producteurs. Il n’en demeure pas moins qu’ils continuent à appuyer les producteurs villageois pour les besoins d’accroissement de leur production.

Quel regard l’opérateur de l’agro-alimentaire que vous êtes jette-t-il sur l’Accord de partenariat économique (APE) entre le Cameroun et l’Union européenne, qui est entré en vigueur le 4 août dernieer?

Les Accords de partenariat économiques qui sont des accords commerciaux visant le libre-échange entre les pays de l’Union européenne et ceux de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), constituent une opportunité en ce sens qu’ils participent à la mondialisation et donnent en réalité accès à un marché de plus de 500 millions d’habitants. A condition qu’on soit compétitif et qu’on puisse mettre à la disposition du consommateur des produits respectant les normes et qui sont de bonne qualité. La conquête de ces marchés peut se faire à travers le marketing, mais également et surtout à travers la promotion des produits de qualité émergents.

Ces accords peuvent également permettre l’amélioration de l’outil de production et donc la productivité et la compétitivité, la délocalisation de la production des biens et services. Ils peuvent également être créateurs d’emploi en termes de poste d’emploi et de financement de poste d’emploi par l’arrivée de nouveaux investisseurs.

Toutefois, la crainte véritable de ces accords, en ce qui concerne l’agro-alimentaire, se justifie par les subventions qui sont faites au secteur de l’agriculture par les Etats de l’Union européenne à leurs entreprises championnes. Ces subventions sont susceptibles de créer une concurrence déloyale pouvant s’avérer néfaste à notre tissu industriel encore assez fragile.

Interview réalisée par Brice R. Mbodiam

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