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Yaoundé - 03 mai 2024 -
Gestion publique

Paul Biya valide un prêt de 9 milliards pour donner une bouffée d’oxygène à Alucam, en situation de faillite

Paul Biya valide un prêt de 9 milliards pour donner une bouffée d’oxygène à Alucam, en situation de faillite

(Investir au Cameroun) - En négociation entre l’État du Cameroun et la Société internationale islamique de financement du commerce du groupe de la Banque islamique de développement (BID) depuis 2021, le prêt de 15 millions de dollars (9,2 milliards de FCFA) devant permettre d’approvisionner en matière première (alumine) l’unique producteur d’aluminium de la zone Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, RCA et Guinée équatoriale) a été récemment validé par le chef de l’État, Paul Biya. En effet, dans sa note de conjoncture sur la dette publique au premier trimestre 2023, la Caisse autonome d’amortissement (CAA), le gestionnaire de la dette publique du Cameroun, révèle que le président de la République a signé depuis le 8 février 2023, le décret habilitant le ministre de l’Économie à contracter ce prêt pour le compte de l’État du Cameroun, unique actionnaire d’Alucam.

Évoquant les discussions autour de ce financement au cours de la session budgétaire de l’Assemblée nationale, en novembre 2021, le ministre de l’Industrie d’alors, feu Gabriel Dodo Ndoké, avait souligné l’importance de ce financement pour la restructuration d’Alucam. « À date, il reste à doter l’entreprise d’un fonds de roulement capable d’assurer l’approvisionnement régulier en matière première et la remise en état des cuves à l’arrêt. À ce titre, des négociations ont été engagées avec la Société internationale islamique de financement du commerce du groupe de la banque islamique… », avait expliqué le défunt ministre.

En effet, depuis 2014, Alucam et ses filiales Socatral (tôles) et Alubassa (ustensiles de cuisine) broient du noir, suite au retrait de son actionnariat de la firme canadienne Rio Tinto, qui détenait 46,7% des actifs du groupe. Le transfert en 2015 à l’État du Cameroun des actifs alors détenu par le groupe industriel canadien, sera suivi d’un appel à investisseur. Mais, à ce jour, soit 8 ans plus tard, aucun partenaire stratégique ne semble être intéressé par le mastodonte de l’aluminium au Cameroun.

Exportations en chute

Après une légère embellie enregistrée dans ses activités en 2017, avec un résultat net de 2,2 milliards de FCFA, l’élan de l’entreprise sera stoppé net en janvier 2018 par « une rupture brutale d’énergie qui a fragilisé l’ensemble des cuves », ralentissant le niveau des activités. Conséquence : le chiffre d’affaires d’Alucam est passé de 123,4 milliards de FCFA en 2017 à 99,2 milliards de FCFA en 2018. Le résultat net est ressorti avec un déficit de 10,8 milliards de FCFA la même année, reléguant d’ailleurs l’entreprise au rang des clients les plus insolvables de la société de production et de distribution de l’énergie électrique, Eneo.

Cette conjoncture va déteindre sur toutes les filiales de l’entreprise. Par exemple, en juillet 2020, au cours d’une concertation avec les acteurs de la métallurgie à Yaoundé, le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, a annoncé l’ouverture provisoire du marché camerounais pour combler le déficit en tôles, en raison de la baisse de production d’Alucam, qui impacte les activités du producteur de tôles Socatral. « En raison de l’incident à Alucam/Socatral, il y a un gap entre l’offre et la demande. Il s’agit d’ouvrir provisoirement les marchés », avait expliqué ce membre du gouvernement.

Dans la recherche de solutions pour le redressement du mastodonte de l’aluminium, l’État va officialiser le 4 décembre 2020, le projet d’absorption de Socatral par Alucam. Cette fusion-absorption entérinée au cours de l’année 2021 a induit le transfert des actifs (33,6 milliards de FCFA) et du passif (15,9 milliards de FCFA) de la Socatral à Alucam, ainsi qu’une augmentation du capital d’Alucam pour un montant de plus de 2 milliards de FCFA. Mais, cette opération n’aura pas réussi à sortir Alucam de la zone de turbulences. Pour preuve, selon les données de l’Institut national de la statistique (INS), les exportations d’aluminium du Cameroun vont chuter de 34,7% au premier semestre 2021, en dépit de la fusion-absorption sus-mentionnée.

Risque de dissolution de l’entreprise

Afin de sauver cette entreprise qui réunit tous les ingrédients de la faillite, l’État du Cameroun discute depuis 2022 avec un pool de trois banques européennes. Il s’agit du Fonds international pour la conservation de la nature tropicale (ITCF), du groupe financier franco-allemand BHF et de la Banque publique d’investissement (BPI). Il est question d’intéresser ces institutions financières à la reconstitution des fonds propres d’Alucam, qui sont passés de 5,9 milliards de FCFA en 2019 à -8,3 milliards de FCFA en 2020, en baisse de 240,8%. Selon la Commission technique de réhabilitation des entreprises publiques et parapubliques (CTR), ces fonds sont, depuis 2020, inférieurs à la moitié de son capital social chiffré à plus de 21 milliards de FCFA.

« Les performances financières d’Alucam, enregistrées au cours de l’exercice 2020, ont conduit la société dans une situation de faillite, nonobstant la fusion avec Socatral. Ainsi, en vue d’éviter la dissolution anticipée de ladite entreprise, une reconstitution des capitaux propres est nécessaire », souligne la CTR dans son rapport 2020. En effet, eu égard à la situation actuelle d’Alucam, et conformément à l’article 665 de l’acte uniforme Ohada relatif au droit des sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique, l’État du Cameroun avait jusqu’en 2022 pour recapitaliser Alucam à concurrence d’un montant au moins égale à la moitié du capital social, soit plus de 10 milliards de FCFA. Dépasser ce délai, ajoute l’article 667 du même texte, « tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société ».

Brice R. Mbodiam

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