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Yaoundé - 03 mai 2024 -
Gestion publique

Paul Biya instruit la mise en œuvre en 2024 du marquage fiscal des bières, redouté depuis des années par les brasseurs

Paul Biya instruit la mise en œuvre en 2024 du marquage fiscal des bières, redouté depuis des années par les brasseurs

(Investir au Cameroun) - Dans sa circulaire relative à la préparation du budget de l’État du Cameroun pour le compte de l’exercice 2024, le chef de l’État, Paul Biya, prescrit au gouvernement « la mise en place effective du dispositif de marquage des bières », dans le cadre du « contrôle et de la lutte contre la fraude » dans le pays. Le président de la République instruit ainsi l’opérationnalisation d’une réforme envisagée par le gouvernement depuis plusieurs années, mais dont la mise en œuvre est freinée, en raison des réserves émises par les sociétés brassicoles. Ces opérateurs économiques ont d’ailleurs introduit « un recours à rebours » auprès du gouvernement depuis l’année 2019, pour solliciter l’abandon de cette réforme.

En effet, apprend-on de sources proches du dossier, le marquage des bières, qui devrait plus tard s’étendre aux cigarettes et autres médicaments listés parmi les produits les plus exposés à la contrebande, consiste à apposer une vignette sur chaque bouteille. Un peu comme c’est déjà le cas au Cameroun depuis le 1er juin 2012, avec les vins et les spiritueux.

L’objectif poursuivi par cette réforme, selon le gouvernement, est de doper les recettes fiscales, en assurant la traçabilité et le contrôle de production des produits les plus touchés par le commerce illicite. Dans le même temps, apprend-on, le marquage permettra de mettre à la disposition des industriels des solutions leur permettant de protéger et d’authentifier leur production. Vu sous cet angle, c’est donc du gagnant-gagnant.

Nouvelle hausse des prix de la bière

Pourtant, malgré ces points positifs mis en avant par l’État, les sociétés brassicoles ne sont pas du tout sereines. « Les sociétés brassicoles camerounaises, conscientes des enjeux de sécurité alimentaire et de santé publique, se sont fixé des standards de qualité et de contrôle en matière de sécurité alimentaire, qui les ont obligées depuis quelques années, à acquérir un dispositif automatisé de contrôle et de traçabilité relevant de la technologie de pointe », explique un cadre d’une entreprise brassicole.

De l’avis de notre source, l’instauration d’un marquage fiscal sur les bières effectué par un prestataire recruté par l’État revient, pour les brasseurs, à « abandonner le dispositif de marquage et de traçabilité sur lequel chacune des sociétés brassicoles a investi des moyens colossaux il y a quelques années ».

Par ailleurs, apprend-on, le marquage impose également de « modifier la disposition des lignes de production acquises, afin d’intégrer les spécifications de l’appareillage du prestataire, supporter les pertes inhérentes aux phases d’installation et de test, ou encore supporter les coûts d’adaptation et de formation du personnel à l’usage et à la maîtrise de ces nouvelles technologies ». Tout ceci, selon les sociétés brassicoles, engendrera des surcoûts pouvant déboucher sur une nouvelle augmentation des prix de la bière au Cameroun.

Un prestataire redouté

À côté des réserves d’ordre technique ainsi émises par les brasseurs, l’identité du prestataire annoncé par l’État pour implémenter le marquage fiscal des bières au Cameroun inquiète également. En effet, pour réaliser cette réforme, le gouvernement camerounais aurait discrètement recruté la société suisse Sicpa, qui a déjà bénéficié ou bénéficie encore de contrats du même type au Kenya et au Maroc. Dans ces deux pays africains, soutiennent les brasseurs dont les propos sont corroborés par certains médias, le contrat attribué à Sicpa pour le marquage des liqueurs, tabacs, eaux et boissons sucrées a suscité des polémiques.

En 2016, par exemple, l’homme politique kenyan Raila Odinga, ancien ministre des Finances et plusieurs fois candidat à l’élection présidentielle, avait ouvertement dénoncé l’obtention dans « des conditions douteuses » du contrat par l’entreprise suisse. Cette société avait par ailleurs été accusée par l’homme politique d’encaisser illicitement des taxes. Des accusations rejetées en bloc par l’entreprise suisse.

Au Maroc, ce sont les prix pratiqués par Sicpa qui avaient été mis à l’index par les brasseurs, fabricants de cigarettes et autres limonadiers. En effet, apprend-on, avant le renouvellement en 2014 de son contrat signé depuis 2010, Sicpa cédait par exemple une vignette sur les cigarettes 15 fois plus chère au Maroc qu’au Canada ou en Turquie. De plus, le fisc marocain avait imposé aux producteurs des secteurs concernés par ce marquage une redevance annuelle jugée exorbitante, pour rémunérer le prestataire.

« Ces contraintes opérationnelles pourront être jugulées si tout le monde y met de la volonté », estime le fiscaliste Alain Symphorien Ndzana Biloa. Pour lui, les sociétés brassicoles devraient aussi intégrer le fait que cette solution protège leur marché en luttant contre des « produits de la fraude, de la contrebande et de la contrefaçon, vendus à des prix défiant toute concurrence ». Pour lui, seuls les contribuables véreux devraient redouter cette vignette qui permettra à l’administration fiscale d’avoir la maîtrise des quantités produites ou importées par chaque opérateur.

Brice R. Mbodiam

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