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Yaoundé - 03 mai 2024 -
Agriculture

Cacao : face à la rareté des fèves, Atlantic Cocoa monte les enchères avec un prix d’achat record de 2 015 FCFA le kg

Cacao : face à la rareté des fèves, Atlantic Cocoa monte les enchères avec un prix d’achat record de 2 015 FCFA le kg

(Investir au Cameroun) - Le 8 novembre 2023 a eu lieu dans la ville de Batschenga, bassin de production de cacao de la région du Centre du Cameroun, une opération inédite de vente groupée de fèves. En effet, au cours de cette opération supervisée par le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, la cargaison de fèves mise en vente par les producteurs a été achetée au prix record de 2 015 FCFA le kilogramme, établissant ainsi un record dans la filière cacaoyère locale et même mondiale.

« La vente groupée a permis aux producteurs de Batschenga de mobiliser une impressionnante quantité de 152 tonnes de cacao de qualité. Trois acheteurs ont rivalisé pour remporter ces récoltes prometteuses. La mise à prix était fixée à 1 960 FCFA. Mais, après les débats animés et des propositions compétitives, la société Atlantic Cocoa Corporation (ACC) a remporté, atteignant le prix exceptionnel de 2 015 FCFA par kg, dépassant ainsi le prix précédent de 1 850 FCFA le kg obtenu à Djoum (région du Sud) il y a moins d’un mois », se réjouit le ministre Mbarga Atangana.

À travers une telle rémunération des producteurs, ACC, usine (capacité de transformation de 48 000 tonnes extensible à 68 000 tonnes) lancée par le milliardaire ivoirien Koné Dossongui dans la zone industrialo-portuaire de Kribi, région du Sud du Cameroun, participe au combat que mènent les pays producteurs et leurs partenaires commerciaux pour l’amélioration des revenus des producteurs de fèves. En effet, selon l’Organisation internationale du cacao (ICCO), l’instance faîtière du cacao mondial, sur un chiffre d’affaires annuel de l’industrie chocolatière 100 milliards de dollars US, seulement 2 milliards de dollars (2%) reviennent aux producteurs de cacao. Les chocolatiers se taillent 35% du chiffre d’affaires, tandis que le reste revient aux industries de broyage et aux transporteurs.

Des usines sans fèves

Cependant, au-delà de l’euphorie qu’elle suscite au sein de la filière cacaoyère camerounaise, l’enchaînement des records autour des prix servis aux producteurs cache une réalité bien plus préoccupante. Il s’agit des difficultés qu’éprouvent les nouvelles unités de transformation industrielle à s’approvisionner en fèves de cacao, en raison des achats massifs effectués par les exportateurs généralement affilés aux grands négociants internationaux.

Cette rareté des fèves dans certaines unités de transformation industrielle récemment installées au Cameroun est telle que l’une d’entre elles, révèle une source autorisée, a dû, au cours de la dernière campagne cacaoyère, introduire auprès du gouvernement une autorisation d’importation de fèves d’un autre pays pour faire tourner son usine. Une autre, soutient la même source, a été contrainte de mettre une partie de son personnel en congé technique en pleine saison cacaoyère, faute de fèves à broyer.

De sources internes au ministère des Finances, ce sont ces plaintes récurrentes des transformateurs de cacao en rapport avec leurs difficultés d’approvisionnement en fèves, qui ont, par exemple, conduit à l’instauration, dans la loi de finances 2023, d’une taxe sur les exportations de fèves brutes. Et à peine instaurée, cette mesure de sauvegarde de la transformation locale semble produire ses premiers résultats.

Une politique des quotas

En effet, selon les données de l’Office national du cacao et du café (ONCC), les exportations de fèves du Cameroun au cours de la campagne 2022-2023 sont ressorties à 186 754 tonnes, contre un chiffre actualisé de 228 920 tonnes (217 107 tonnes annoncées lors du lancement de la campagne 2022-2023 le 18 août 2022, NDLR) au cours de la saison précédente. Ce qui correspond à une diminution de 42 166 tonnes en valeur absolue, soit 18,4% en valeur relative. Ce recul des exportations de fèves, souligne l’ONCC, survient dans un contexte de mise en « application de loi de finances 2023, qui institue un droit de sortie de 10% de la valeur FOB, équivalent redevance à environ 150 FCFA par kilogramme exporté ».

Un cadre de la douane consulté par Investir au Cameroun fait le même lien de cause à effet, entre l’instauration d’une taxe à l’exportation de fèves et l’explosion, au cours de la dernière campagne, des exportations frauduleuses du cacao camerounais vers le Nigeria. Selon les estimations du gouvernement, les expéditions clandestines de fèves vers ce pays voisin, depuis le bassin de production de la région anglophone du Sud-Ouest du Cameroun, ont atteint plus de 60 000 tonnes au cours de la saison 2022-2023.

Cependant, cette baisse des exportations (finalement atténuée par les expéditions frauduleuses vers le Nigeria), que les officiels mettent sur le compte de l’instauration de la taxe à l’export des fèves brutes, n’a eu qu’une incidence résiduelle sur la transformation industrielle. En effet, selon le données officielles, les broyeurs locaux (industries et unités artisanales) ont transformé 89 204 tonnes de fèves au cours de la campagne 2022-2023, contre 86 850 tonnes en 2021-2022. Ce qui révèle une hausse de 2 354 tonnes correspondant à 2,7% en valeur relative.

Force est de constater que les volumes de fèves ainsi transformées sont encore largement en dessous des 300 000 tonnes projetées dans le cadre du plan de relance des filières cacao-café. Pour atteindre cet objectif, soutient-on au sein de la filière, il faut non seulement gagner la bataille de la hausse de la production (objectif de 600 000 tonnes dans le plan de relance), mais aussi garantir l’approvisionnement des usines face à la razzia des exportateurs. Cet équilibre, de l’avis de certains acteurs de la filière cacao, pourrait passer par l’instauration d’une politique des quotas (entre exportateurs et transformateurs) dans les achats de fèves au fil des campagnes.  

Brice R. Mbodiam

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