(Investir au Cameroun) - Dans une interview accordée ce 26 avril au quotidien Le Jour, le vice-président Afrique de Savannah Energy, Yacine Wafy (photo), réagit aux multiples polémiques qui ont été suscités au lendemain de l’accord de cession de 10% des parts que l’entreprise détient dans la Cameroon Oil Transportation Co (Cotco) à la Société nationale des hydrocarbures (SNH). Dans un communiqué signé le 20 avril, la présidence tchadienne avait rappelé son ambassadeur au Cameroun pour manifester son courroux face à la décision de son voisin de pactiser avec la « nébuleuse » Savannah Energy contre laquelle le pays bataille pour la reprise des actifs d’ExxonMobil.
« Cette accusation est sans fondement. Elle relève de la diffamation et est aux antipodes de ce que nous sommes et des valeurs qui sont les nôtres », a réagi Yacine Wafy. « Nous sommes cotés à la Bourse de Londres, avec tout ce que cela implique comme responsabilités, obligations règlementaires et normes… Notre entreprise est membre de l’ITIE avec laquelle nous collaborons en bonne intelligence. Nous avons levé sur les marchés financiers internationaux 1,8 milliard de dollars US de notre création à ce jour », a-t-il brandi comme gage de crédibilité.
Franck Biya
Par ailleurs, le communiqué de N’Djamena accusait « de nombreuses personnalités camerounaises et africaines » d’être liées à Savannah Energy. Une accusation que le vice-président Afrique de la junior pétrogazière rejette en bloc. « Aucune autorité camerounaise, de manière directe ou indirecte, n’est actionnaire de Savannah. Je vous invite à consulter nos registres », a-t-il affirmé.
Alors que la presse avait identifié Franck Emmanuel Biya, fils du président Paul Biya, comme celui qui, dans l’ombre, tire les ficelles pour le compte de Savannah Energy, Yacine Wafy s’est voulu péremptoire : « Savannah Energy, ses dirigeants, ses employés et ses conseils n’ont jamais eu de contact avec M. Franck Biya relativement à notre transaction avec la SNH. Jamais. Cette personnalité camerounaise n’a jamais été impliquée dans nos interactions avec les autorités tchadiennes et camerounaises ».
Par contre, il reconnaît que « deux délégations officielles de la République du Cameroun » se sont rendues à N’Djamena dans le cadre de cette affaire. Il s’agit de feu Ahmadou Ali ancien vice-Premier ministre et Paul Elung Che, ministre, secrétaire général adjoint de la présidence de la République. Les deux personnalités s’étaient respectivement rendues au Tchad négocier avec les autorités afin qu’elles acceptent de céder au Cameroun une partie des actifs alors aux mains d’ExxonMobil et Petronas. Sollicitations qui n’ont pas trouvé un écho favorable auprès des autorités tchadiennes.
Joseph Pagop Noupoué
S’agissant de Joseph Pagop Noupoué, le Camerounais dont la nomination, le 21 avril à la tête du conseil d’administration de Savannah avait contribué à enliser les soupçons de la présence camerounaise au sein de l’entreprise, Yacine Wafy tente de dissocier les deux événements. En effet, révèle-t-il, la branche camerounaise du cabinet Ernst & Young, dirigé par cet avocat de 54 ans, assiste, depuis 2014, Savannah Energy sur l’ensemble des problématiques juridiques.
« Cette assistance a été précieuse et décisive dans la négociation de nos contrats de partage de production avec le Niger et dans l’acquisition de Seven Energy au Nigéria en 2019 pour 737 millions de dollars », a confié le vice-président Afrique de Savannah Energy. Et « c’est d’ailleurs comme gage de reconnaissance de ce brillantissime track record et parce que Savannah est animée d’une véritable fibre africaine que notre conseil d’administration a proposé à monsieur Joseph Pagop Noupoué de le rejoindre comme administrateur indépendant en novembre 2022 et de devenir son président en juin prochain », justifie Yacine Wafy.
Néanmoins, pour intégrer l’instance décisionnelle de cette entreprise, Joseph Pagop Noupoue a dû souscrire à 6 095 726 nouvelles actions du capital à un prix de 1,6 million de livres sterling soit environ 1,187 milliard de FCFA, apprend-on. Cette acquisition lui permet de détenir 0,46 % du total des droits de vote de la société. Pour l’instant, on ignore comment cet argent a été mobilisé.
Condition suspensive
Dans son communiqué, la présidence tchadienne soulignait que l’accord entre la SNH et Savannah était en « contradiction avec les conventions et statuts de Cotco ». Il s’agit notamment de l’article 10 des statuts qui interdit aux opérateurs privés du consortium (ExxonMobil et Petronas) de vendre des actions à un des États.
Yacine Wafy répond que c’est pour cette raison que le transfert de 10% des actions de Savannah au profit de la SNH est soumis à une condition suspensive : la modification préalable des statuts de Cotco. « C’est-à-dire que le transfert des actions de Savannah à la SNH ne sera effectif qu’après la modification des statuts qui en l’état actuel l’interdisent (…) la signature historique pour la SNH et le Cameroun du 20 avril dernier était donc parfaitement légale ».
Cédrick Jiongo
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