(Investir au Cameroun) - Le 18 mai 2021, le Premier ministre (PM) camerounais, Joseph Dion Ngute, est allé à la rencontre des membres du Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam), à l’effet d’intéresser les chefs d’entreprises locaux au Plan présidentiel de reconstruction des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, dévastées par la crise socio-politique qui y sévit depuis fin 2016.
« Les contributions du secteur privé représentent près de 70% du volume des recettes fiscales de notre pays. En 2019, ces contributions couvraient déjà près de 40 % du budget de l’État. Ces quelques indicateurs montrent le poids de ce secteur dans la production de la richesse nationale. C’est aussi l’expression du rôle significatif que les entreprises privées peuvent jouer dans le processus de reconstruction des régions sinistrées de notre pays », a expliqué le PM.
Après la présentation détaillée de ce plan de reconstruction aux chefs d’entreprises regroupés au sein de la plus puissante organisation patronale du Cameroun, le chef du gouvernement est reparti de Douala, la capitale économique, avec des promesses concrètes, d’un montant global de 1,2 milliard de FCFA. Une enveloppe insignifiante par rapport aux besoins globaux de ce plan de reconstruction, qui s’élèvent à 89,7 milliards de FCFA, attendus aussi bien de l’État (qui a déjà mis à disposition 10% de l’enveloppe globale), que des privés et des bailleurs de fonds internationaux.
Dans le détail, le plus gros engagement a été pris par la SABC, le leader du marché brassicole local, qui a promis d’y injecter, dans une première phase, une enveloppe de 500 millions de FCFA. Selon Emmanuel de Tailly, le DG de la SABC, cette somme sera doublée, ce qui fera un engagement total d’un milliard de FCFA. Les meuniers du Cameroun, quant à eux, ont annoncé un engagement de 200 millions de FCFA. Ces engagements, ainsi que ceux qui pourraient suivre, devront être concrétisés dans trois à quatre mois au maximum, selon le vœu formulé par le président du Gicam, Célestin Tawamba.
L’exigence de transparence
Pour comprendre l’engagement plutôt tiède des opérateurs économiques vis-à-vis du plan présidentiel de reconstruction des régions anglophones du Cameroun, pour lequel l’État a choisi le PNUD comme agent d’exécution, par souci de transparence, il faut remonter à l’allocution prononcée au début de la rencontre par le président du Gicam. « En me demandant de signifier leur soutien aux initiatives gouvernementales, les chefs d’entreprises ne cachent pas leur perplexité et leur scepticisme. Perplexité parce que, ailleurs dans le monde, dans le contexte de la pandémie du Covid-19, ce n’est pas l’État qui a besoin d’un soutien du secteur privé, c’est le gouvernement qui apporte des aides en soutien aux entreprises. Scepticisme par rapport à l’utilisation des contributions qu’ils souhaitent faire, tant, par le passé, les appels de fonds n’ont pas toujours bénéficié de la nécessaire transparence dans leur gestion. Au surplus, et actualité oblige, les chefs d’entreprises sont dans la crainte de voir leurs contributions faire l’objet d’un usage inapproprié », a assené Célestin Tawamba, d’entrée de jeu.
Et le patron des patrons du Cameroun d’ajouter : « par ailleurs, d’aucuns ont manifesté une certaine frustration, voire même de l’amertume, en raison du sentiment qui est le leur, que le secteur privé ne trouve grâce aux yeux du gouvernement, que lorsque l’État a besoin de lui, mais rarement lorsqu’il s’agit de répondre à leurs préoccupations ».
Afin de renverser la vapeur, et ainsi doper l’intérêt des opérateurs locaux pour le plan présidentiel de reconstruction des régions anglophones du Cameroun, le président du Gicam exige des « garanties et des mesures complémentaires ». Il s’agit notamment de « la poursuite d’un dialogue national jusqu’à l’arrêt des hostilités ; la sécurisation physique des investissements ; la transparence dans la gestion des fonds issus de la contribution des entreprises ; la mise à disposition de garanties de l’État au profit du secteur financier, disposé à lever des prêts syndiqués à taux bonifiés au profit des entreprises dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ; la révision (du) décret de septembre 2019, portant reconnaissance du statut de zone économiquement sinistrée aux régions de l’Extrême-Nord, du Nord et du Sud-Ouest, avec pour objectifs complémentaires de faciliter la mobilisation des contributions, et d’écarter tout risque de litige fiscal dans les opérations de soutien ». « À cet égard, des propositions concrètes pourront être formulées par le patronat », a souligné le président du Gicam.
Brice R. Mbodiam
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