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Yaoundé - 26 avril 2024 -
Agro-industrie

Hope Sona Ebai : «La stratégie vise à faire en sorte que le Cameroun soit visible sur le marché mondial de l’anacarde dans 5 ans»

Hope Sona Ebai : «La stratégie vise à faire en sorte que le Cameroun soit visible sur le marché mondial de l’anacarde dans 5 ans»

(Investir au Cameroun) - Agroéconomiste bien connu dans la filière cacao en Afrique, le promoteur du cabinet Globalru-Urban Consultants Inc, basé au Ghana, Hope Sona Ebai (photo)est parmi les experts ayant travaillé sur l’élaboration de la stratégie nationale de développement de la chaîne de valeurs de la filière anacarde au Cameroun. Il livre ici les opportunités que recèle cette culture pour l’économie camerounaise.  

Quel état des lieux dressez-vous de la filière anacarde au Cameroun, au terme de l’élaboration du plan stratégique national de développement de la chaîne de valeurs de cette filière ?

La filière anacarde au Cameroun est à sa naissance. Il y a des anacardiers qui ont été plantés dans le pays dans les années 1975, mais c’est une filière qu’il faut entièrement mettre en place, de la production jusqu’à la transformation, en passant par la production de semences améliorées et leur distribution.

Il existe une plantation de plus de 100 hectares dans la localité de Sanguéré, dans la région du Nord, qui date des années 70. Qu’est ce qui peut expliquer que cette culture n’ait pas décollé depuis autant d’années au Cameroun ? 

A cette époque, l’anacardier était planté juste pour des besoins de reboisement des forêts. Ce n’était pas une culture agricole. Je connais très bien ce projet de Sanguéré, parce qu’il a été implémenté juste au moment où je retournais au Cameroun après mes études à l’étranger. C’est le Fonader (Fonds national de développement rural) qui avait financé ce projet. Donc, l’anacarde, même si les populations consommaient sa pomme, n’était pas connu comme un produit agricole. Mais aujourd’hui, à cause des Nigériens qui ont besoin de la noix de cajou, des exportateurs qui ont envahi les zones de production, on constate que c’est une filière porteuse.

L’anacardier, qui produit l’anacarde communément appelée noix de cajou, pousse dans des zones agroécologiques bien précises. Quels sont les principaux bassins de production identifiés au Cameroun ? 

Les bassins identifiés sont pour l’essentiel situés dans l’Extrême-Nord, viennent ensuite l’Adamaoua et le Nord du Cameroun, la région de l’Est et une partie de la région du Centre, notamment dans le département du Mbam, dont le climat est sec. Bref, l’anacardier est une culture des zones chaudes, plus la pluviométrie est abondante, moins les rendements sont bons.

Au Cameroun, il y a des personnes qui veulent se lancer dans cette culture, mais sont confrontées à l’indisponibilité ou alors l’insuffisance des plants. Que prévoit la stratégie nationale de développement de la chaîne de valeurs de la filière anacarde à ce sujet ?

Il faut penser à la production de plants d’anacardiers à grande échelle. Avec les petites pépinières derrière la maison, on ne peut pas développer une véritable filière. Il faut passer à la production des plants à l’échelle industrielle. Par exemple, pour obtenir 10 000 tonnes de noix de cajou par an, il faut avoir 11 millions de plants. Il nous faut donc développer des plants à hauts rendements, parce qu’il y a aussi des pertes qu’il faut prendre en compte. Sur le cacao, par exemple, le taux de mortalité des plants atteint 35% pour des plants traditionnels.

L’Institut de recherches agricoles pour le développement (IRAD) implémente actuellement un programme visant à produire 10 millions de plants d’anacardiers d’ici à 2021. Est-ce que ces plants sont génétiquement efficaces ? 

Je ne peux malheureusement pas me prononcer sur l’aspect génétique de ces plants, parce que ne connaissant pas leur origine. De mon point de vue, l’IRAD doit d’abord génétiquement caractériser ce matériel végétal, puis sélectionner le matériel qui est utilisable dans toutes les zones agroécologiques propices à la culture de l’anacarde au Cameroun. Cela prendra un peu de temps. C’est la raison pour laquelle ceux qui ont besoin de plants doivent être un peu patients. Même si on importe des plants de l’Afrique de l’Ouest, il faut préalablement une étude d’adaptation à nos micro climats du Cameroun.

Les plants qui sont actuellement distribués ne garantissent pas forcément des rendements optimums. C’est juste pour intéresser les producteurs à cette culture, pour les fidéliser à la filière, le temps de mener des actions pour pouvoir obtenir des rendements plus intéressants. 

En Côte d’Ivoire, l’anacarde a été baptisé «l’or gris», à cause de ses vertus en matière de développement économique des zones rurales. Quels peuvent être les atouts économiques d’une telle filière au Cameroun ?

Pour moi, l’anacarde est une spéculation agricole qui offre d’autres possibilités d’engranger des ressources dans les zones rurales. Dans les zones cotonnières de la partie septentrionale, par exemple, cette culture offre la possibilité d’avoir une autre source de revenus, en dehors du coton. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire est bien en avance dans ce domaine, mais ce pays a commencé comme nous le faisons en ce moment. 

Mais, au bout de 5 à 7 ans, ils ont constaté que certains plants n’étaient pas de bonnes variétés. C’est la raison pour laquelle nous devons faire attention et doter la recherche de moyens nécessaires pour que nous puissions prendre un bon départ.

En Afrique de l’Ouest, la culture de l’anacarde est bien ancrée dans les mœurs et permet aux producteurs d’engranger des revenus importants, mais on constate que dans cette partie du continent la transformation est quelque peu délaissée. Que préconise la stratégie de développement de la filière au Cameroun, sur ce volet ?

Dans cette stratégie nationale, toute la filière est prise en compte, de la production à la transformation. De ce point de vue, il y a une grande exposition du matériel de transformation en Côte d’Ivoire au cours de ce mois de novembre 2018. Les acteurs de la filière au Cameroun vont y participer, pour voir et apprécier ce qui est disponible et peut le mieux convenir à leurs aspirations en matière de transformation de l’anacarde. 

Comme dans la filière cacao, on risque de se retrouver dans la situation où des petits producteurs sont exclus de la transformation, parce que ne possédant pas les moyens pour acquérir les équipements, qui généralement sont plus à la portée de grands industriels…  

Aujourd’hui dans la filière cacao, on a déjà de petits équipements qui peuvent tenir dans une chambre. Cela est également possible dans la filière anacarde. Avec les évolutions technologiques, on a de plus en plus d’équipements de transformation adaptés aux besoins des petits producteurs.

En matière de développement de l’agro-industrie en Afrique, l’un des principaux obstacles c’est la difficulté à accéder aux financements. Sur ce volet, que prévoit la stratégie nationale sur laquelle vous avez travaillé ? 

La stratégie a effectivement exploré cette question. Nous avons discuté sur comment monter des projets bancables et attirer les financements dans cette filière, notamment les ressources bancaires, étatiques et même des investissements étrangers.

Selon vous, à quel horizon le Cameroun pourrait-il devenir un pays de l’anacarde, si la stratégie nationale de développement de la chaîne de valeurs de cette filière est effectivement mise en œuvre ? 

La stratégie sur laquelle nous avons travaillé, vise à faire en sorte que le Cameroun soit visible sur le marché mondial de l’anacarde dans cinq ans, c’est à dire en 2023. Je dis bien visible, pas plus pour l’instant.

Entretien avec Brice R. Mbodiam

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