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Yaoundé - 29 avril 2024 -
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Simplot Kwenda : « Il faut urgemment réévaluer les capacités techniques de la DSX »

Simplot Kwenda : « Il faut urgemment réévaluer les capacités techniques de la DSX »

(Investir au Cameroun) - Expert des questions bancaires et financières, le directeur général du Cabinet Money Links, Simpot Kwenda, juge les dernières sanctions de la CMF et estime que pour que la DSX prenne son envol, les autorités publiques doivent intervenir avec détermination.

 

Investir au Cameroun : La DSX a été sanctionnée d’une amende de 500 000 FCFA pour avoir fourni un service d’investissement sans être prestataire de services d’investissement, et épinglée pour avoir, de manière irrégulière et disproportionnée, émis une facturation des montants respectifs de 700 millions de francs CFA et 735,9 millions, soit un total de 1,4 milliard FCFA représentant de prétendues commissions de centralisation, d’admission et de cotation de titre ECMR. Quelle appréciation faites-vous de ces sanctions ?

Simplot Kwenda : L’appréciation que j’en fais est simple : il faut urgemment réévaluer et renforcer les capacités institutionnelles et techniques du marché financier camerounais dans tous ses pôles de régulation et commerciaux. Il faut en outre rebâtir des consensus de place qui, en général, permettent l’émergence d’une communauté financière solidaire et confiante. Les consensus de place permettent aux acteurs de s’accorder sur ce qu’ils considèrent comme étant des bonnes pratiques professionnelles pour leur marché. Un accord de place a pu exister sur ce marché, dans le cadre des concertations que nous avions nous-mêmes engagées auprès des acteurs du marché naissant.

Dix ans après, le contexte a particulièrement évolué. Cet accord a certainement besoin d’être revisité, et surtout promu auprès de tous les acteurs. C’est à juste titre que son application ne peut plus s’entendre. Certes, sur la base des dispositions pertinentes de la Loi 99/015 qui énumère très limitativement les services d’investissement rentrant dans le monopole des PSI agréés, on peut à juste titre questionner la pertinence de la qualification donnée à l’activité de centralisation et de comptabilisation des souscriptions par l’entreprise ; pour autant, je ne peux comprendre qu’un tel cumul de facturations porte les coûts de financement sur notre marché à des seuils inacceptables.

 

IC : Ces sanctions n’affaiblissent-elles pas la DSX face à la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC), avec qui elle est en compétition dans la sous-région ?

SK : Absolument pas. Il faut éviter de tout lire sous le prisme de la compétition sous-régionale, qui n’existe d’ailleurs que dans les esprits peu exercés. Les pouvoirs publics savent où ils en sont et ce qui reste à faire pour parfaire l’intégration des places financières. L’intégration de l’industrie des valeurs mobilières en Afrique centrale est bien avancée sur ses maillons des bons et obligations de Trésor, de placement primaire des titres obligataires publics. Des passerelles sont progressivement créées entre les deux régulateurs qui permettent aux deux marchés d’articuler leurs actions. Beaucoup reste à faire. Le chantier doit irrémédiablement être poursuivi. En tout état de cause, le niveau d’enchevêtrement de nos économies rendrait suicidaire toute démarche contraire. Cela dit, il faut voir dans l’action du régulateur camerounais la manifestation d’une police de marché qui assure la veille sécuritaire ; ce qui a le mérite d’exister.

 

IC : Les sanctions prononcées à l’encontre de la DSX ne sont-elles pas de nature à créer un doute auprès des usagers de la DSX, et ainsi à décrédibiliser la bourse et freiner davantage les entreprises qui envisageaient d’être cotées à la DSX ?

SK : Les décisions de la CMF peuvent certes se discuter au niveau de certains motifs invoqués, mais son activité de contrôle des agissements des acteurs du marché financier, y compris ceux de la bourse, est un indicateur effectif de l’encadrement du marché financier. Ce qui ne peut qu’emporter l’adhésion des investisseurs et de tout autre utilisateur de la plateforme boursière. En effet, la décision de la CMF prend en compte les intérêts des émetteurs qui ne doivent pas pâtir de pratiques de facturation peu orthodoxes. L’activité de régulation ne doit toutefois pas qu’être punitive, elle doit être soutenue par une forte action d’éducation et de concertation. C’est le sens originel du mot « réguler », qui signifie « maintenir en équilibre en assurant un fonctionnement correct ».

 

IC : Peut-on dire que c’est à cause de ces dérives que le Ministère des finances a décidé cette année 2013 de choisir le marché financier de la BEAC et non celui de la DSX pour son emprunt obligataire ?

SK : J’ignore l’impact de ce précédent dans les choix de stratégie financière du ministre des Finances. D’ailleurs, une attitude de démission qui découlerait de dysfonctionnements d’un marché placé sous sa tutelle dénoterait d’une erreur inimaginable. L’incident constitue par lui-même une interpellation adressée à l’autorité monétaire, qui doit mettre tout en œuvre pour corriger les faiblesses des institutions de marché et impulser la relance tant attendue par le secteur privé. Il faut plutôt considérer que c’est pour coller à l’orthodoxie de la gestion de la dette que le ministère s’adresse au marché des effets publics de la BEAC pour lever des fonds courts, allant des échéances hebdomadaires (bons du Trésor) aux échéances ne dépassant pas deux années (obligation du Trésor), destinés à couvrir ses gaps de trésorerie. A l’évidence, si le besoin de ressources de financement des investissements longs se présentait, le ministre s’adresserait entre autres au marché financier camerounais, probablement après y avoir mis un peu plus d’ordre.

 

IC : Quelle est la différence entre le marché des titres publics de la BEAC et la DSX ?

SK : Ce sont deux marchés qui se complètent pour faire de notre système financier un vaste marché du commerce de titres de dettes, allant du jour le jour au long terme. L’Etat et les grands émetteurs privés peuvent ainsi trouver sur notre marché des capitaux des ressources pour le financement de leurs investissements longs, ainsi que les tensions de trésorerie, qui viendraient à se dégager dans leur fonctionnement. Les deux marchés diffèrent dans leurs modes opératoires et leurs systèmes de régulation. Alors que le marché boursier s’adresse à l’épargne populaire, le marché monétaire vise spécifiquement l’épargne des institutionnels. Sur le marché monétaire, les spécialistes en valeurs du Trésor interviennent pour compte propre. L’achat pour compte propre n’est pas une activité ordinaire pour l’intermédiaire boursier ; il doit être strictement encadré. Il faut donc à chaque fois apprécier l’activité d’une banque multicapacitaire en prenant en compte cette double posture.

 

IC : Quels sont les avantages et inconvénients de l’un et de l’autre s’il faut émettre un emprunt obligataire ?

SK : L’émission des titres de dettes sur le marché monétaire n’est admise qu’aux Etats. L’ouverture du marché des émissions de billets de trésorerie aux grands acteurs privés reste à venir. Pour l’Etat donc, la coexistence des deux marchés n’a que des avantages. Pour couvrir les décalages occasionnels qui apparaissent souvent dans la trésorerie publique entre les rythmes d’encaissement des recettes et de décaissement au titre des dépenses publiques, l’Etat s’adresse au marché monétaire, qui est structuré pour satisfaire ce type de besoins, et ce type de besoins seulement. Pour le financement des projets d’investissement public, le marché monétaire ne peut par principe être sollicité. C’est le domaine privilégié du marché financier qui mobilise l’épargne longue pour financer les emprunts à échéance longue.

 

IC : Avec seulement trois entreprises cotées, qu’est-ce qui empêche le marché financier de la DSX de décoller, selon vous ?

SK : Il y a des réglages à faire. Ils sont aussi nombreux que les insuffisances accumulées depuis une décennie, qui sont déjà criardes.

 

IC : Que faut-il faire d’après-vous pour que la DSX soit plus dynamique, compétitive et qu’elle attire davantage d’entreprises ?

SK : Le chantier est complexe, mais la solution existe. Il faut simplement que la volonté de voir les choses véritablement changer soit manifeste. Il faut se souvenir d’où l’on vient. Le marché est le fruit d’un fort engagement des pouvoirs publics ; ce qui nous a personnellement permis de conduire sans difficultés les travaux de sa création et de son démarrage. Si les autorités s’y investissent avec la même détermination, il n’y a pas de raison qu’une ère nouvelle ne se lève pas sur le marché boursier camerounais.

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