(Investir au Cameroun) - Eneo, le concessionnaire de la distribution de l’énergie électrique au Cameroun, a été mis en demeure le 13 avril par l’Agence de régulation du secteur de l’électricité (Arsel) pour de « nombreux manquements ».
« Suite aux descentes conjointes Arsel/Eneo, aux fins de vérification contradictoire des installations électriques de certains clients de votre société ayant saisi l’Arsel en contestation des factures de régularisation qui leur avaient été adressées, de nombreux manquements et dérives ont été observés », écrit Jean Pascal Nkou, DG de l’Arsel, à son homologue d’Eneo.
M. Nkou accuse Eneo de : non-respect du règlement du service de distribution publique d’électricité, lequel définit les actes constitutifs de fraude ; mise en œuvre des opérations de lutte contre les pertes non techniques par les personnes non autorisées et défaut de recours aux huissiers de justice, experts techniques, officiers de police judiciaire ou agents assermentés d’Eneo ; défaut d’utilisation des compteurs témoins selon les dispositions de l’article 13 alinéa 3 du règlement susvisé relatif aux instruments et moyens de contrôle en cas de soupçon de vol d’énergie ou d’anomalie affectant l’appareil de comptage.
En plus, le régulateur reproche à l’électricien d’avoir suspendu la fourniture d’énergie électrique auprès des clients soupçonnés de fraude, en dépit de la saisine de la Commission de conciliation de l’Arsel aux fins de contestation. Et ceci en violation de l’article 9.2.4 du règlement du service de distribution publique d’électricité. Celui-ci dispose que : « tout différend relatif à la régularisation pourra être soumis à l’Arsel conformément aux dispositions du présent règlement. Dans ce cas, Aes Sonel (Eneo) ne pourra interrompre la fourniture de l’énergie électrique, tant que la procédure de conciliation auprès de l’Arsel prévue à l’article 18 du présent ne sera pas parvenue à son terme ».
Jean Pascal Nkou ajoute : « il a été également observé que certains clients de votre société, alimentés par les points de livraison régulièrement connectée aux appareils de comptage fixés hors de leurs domiciles ou bureaux, continuent d’être taxés de fraudeurs avec pour conséquence l’imputation d’une pénalité, en violation de l’article 13 du même règlement qui qualifie de fraude : tous actes ayant pour objet ou pour effet de prendre de l’énergie électrique en dehors des quantités mesurées par le compteur, de fausser les indications du compteur, de même que toute rupture de scellement ou de plombage constituent des fraudes ».
Le DG de l’Arsel rappelle que le motif de « ligne parallèle » ayant été supprimé de la nomenclature des anomalies et irrégularités, à l’issue des concertations relatives à l’encadrement des opérations de lutte contre les pertes non techniques, tenues à Douala du 20 au 26 septembre 2020, il a été demandé à maintes reprises à Eneo d’annuler les factures des clients concernés ayant saisi l’Arsel, mais ses correspondances n’ont pas reçu d’effet escompté.
Non-respect des engagements
De plus, le DG de l’Arsel accuse celui d’Eneo de n’avoir pas respecté ses engagements au terme de la réunion de concertation tenue en visioconférence le 24 février 2021, relative à la problématique des pertes non techniques. L’électricien s’était alors engagé à adresser à ses collaborateurs trois formes de notes d’informations devant encadrer davantage les opérations y afférentes.
La première est relative à l’effectivité de l’annulation des factures, au terme des descentes de vérifications contradictoires Arsel/Eneo, lorsque les fraudes prétendues se sont révélées fausses. La deuxième concerne la normalisation des lignes parallèles qui ne constituent pas des fraudes et l’annulation subséquente des factures y relatives. Enfin, la troisième note rappelle l’interdiction de suspendre la fourniture de l’énergie électrique suite à une requête en contestation introduite par le client à l’Arsel ou à Eneo, sauf cas de danger manifeste sur les personnes et les biens qui présenteraient les installations électriques du mis en cause.
« En application des dispositions de l’article 97 de la loi N° 2011/022 du 14 décembre 2011 réagissant le secteur de l’électricité, je vous mets en demeure d’exécuter, sous huitaine, les directives spécifiées ci-dessus, et de me faire tenir copies des notes d’informations y relatives, sans préjudice des sanctions pécuniaires et administratives pouvant jusqu’à la suspension des opérations de lutte contre les pertes non techniques », conclut Jean Pascal Nkou.
« Barons » de la fraude
La réponse d’Eneo à cette mise en demeure reste attendue. Mais cette sanction du régulateur intervient dans un contexte où, en février 2021, Éric Mansuy, le DG d’Eneo a déclaré que « 200 barons de la fraude sur le réseau électrique ont été mis aux arrêts » en 2020.
« Un baron est un acteur qui entretient, de manière illégale, un réseau électrique pouvant alimenter jusqu’à une centaine de ménages », a expliqué M. Mansuy. Et d’ajouter que 80 employés de l’entreprise ont été licenciés pour complicité avec lesdits barons qui alimentaient ainsi frauduleusement en énergie électrique près de 20 000 ménages.
Avec ces « fraudeurs » mis hors circuit, Eneo espère avoir assaini son réseau de distribution constitué actuellement de 11 452 km de lignes 5,5 à 33 kilovolts et 11 158 km de lignes de 220 à 380 kilovolts. Selon Eneo, la fraude sur le réseau électrique au Cameroun plombe davantage l’équilibre financier de l’ensemble du secteur. Officiellement, à cause de la fraude, le secteur de l’électricité perd environ 60 milliards de FCFA chaque année.
Sylvain Andzongo