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Yaoundé - 28 avril 2024 -
Finance

Beac : le Cameroun toujours à la peine sur le marché des titres, malgré des remboursements de 39 milliards en 72 heures

Beac : le Cameroun toujours à la peine sur le marché des titres, malgré des remboursements de 39 milliards en 72 heures

(Investir au Cameroun) - Le 24 avril 2023, le Trésor public camerounais est reparti sur le marché des titres publics de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), l’institut d’émission des six pays de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, RCA et Guinée équatoriale), pour tenter de mobiliser des financements d’un montant total de 45 milliards de FCFA. Concrètement, le Cameroun recherchait 20 milliards de FCFA par émission de bons du Trésor assimilables (BTA) à 26 semaines, et 25 milliards de FCFA par émission d’obligations du Trésor assimilables (OTA) à 6 ans de maturité. Cette dernière opération était rémunérée à un taux d’intérêt de 6,25%.

De sources internes au ministère des Finances (Minfi), au sortir de ces deux opérations de levées de fonds, le pays n’a pu mobiliser que 23 milliards de FCFA, soit un peu plus de 50% de l’enveloppe recherchée. Concrètement, sur une offre de 17 milliards de FCFA venue des investisseurs intéressés par les BTA à 26 semaines du Cameroun, le pays n’a finalement retenu que 16 milliards de FCFA, fidèle qu’il est à sa politique de prudence sur les coûts. L’opération sur les OTA, elle, n’a permis que de mobiliser 7 milliards de FCFA sur les 25 milliards de FCFA recherchés, malgré une offre de 19 milliards de FCFA venue des investisseurs. « Les taux d’intérêt proposés étaient très élevés », souffle notre source au Minfi.

Solvabilité

Cette énième contreperformance du Cameroun sur le marché des titres publics de la Beac, depuis le début de l’année 2023, survient alors que le pays a effectué sur le même marché deux remboursements d’un montant total de 39 milliards de FCFA en 72 heures. En effet, selon le rapport hebdomadaire des opérations du marché publié par la banque centrale, le 17 avril 2023, le Cameroun a remboursé 35 milliards de FCFA aux investisseurs qui avaient souscrit à une émission d’OTA à 3 ans de maturité effectuée en avril 2020. Deux jours plus tard, le Cameroun remboursait à nouveau 4 milliards de FCFA aux investisseurs ayant souscrit à une émission de BTA 26 semaines plus tôt.

Mais, en dépit de ces gages de solvabilité et de crédibilité de la signature du pays, le Cameroun a enregistré une contreperformance le 18 avril 2023, au sortir d’une émission de BTA à 26 semaines. Selon les données de la Beac, alors que le pays recherchait 15 milliards de FCFA dans le cadre de cette opération sur les titres de court terme, seulement 3 milliards de FCFA ont pu être mobilisés. Ce qui correspond à seulement 20% de l’enveloppe recherchée. « À travers cette opération, nous espérions capter à nouveau le remboursement effectué un peu plus tôt. Mais, les investisseurs n’étaient pas chauds », commente une source proche de cette opération.

Durcissement de la politique monétaire

De fait, depuis plusieurs mois maintenant, les investisseurs du marché des titres publics de la Beac ont durci leurs conditions d’emprunt, en sollicitant des rendements beaucoup plus élevés que par le passé. Une politique dont le Cameroun fait les frais, en raison de sa politique de prudence sur les taux d’intérêt servis sur le marché monétaire. « Le Cameroun est aujourd’hui le seul pays au sud du Sahara, qui s’endette encore à des taux d’intérêt de moins de 3% pour les titres de courte maturité (BTA) et de moins de 7% pour les maturités longues (OTA) », se réjouissait souvent le directeur général du Trésor au ministère des Finances, Sylvester Moh.

Mais depuis quelque temps, la donne a complètement changé. En janvier 2023, par exemple, le coût moyen des BTA émis par le Cameroun a atteint 4,39%, contre 2,94% à la même période en 2021. Ce qui correspond à une hausse de 145 points de base. À l’observation, cette exigence des rémunérations plus élevées par les investisseurs peut être corrélée au resserrement de la politique monétaire par la banque centrale.

En effet, depuis le 21 février 2023, la Beac a suspendu ses opérations d’injection hebdomadaire de liquidités et accentue plutôt les ponctions (deux fois par semaine) dans les coffres-forts des banques. Il est à noter que ce sont ces établissements de crédit qui opèrent comme Spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) sur le marché des titres publics. Dans la même lancée, le Comité de politique monétaire de la Beac a, le 27 mars 2023, décidé de relever pour la 4e fois depuis décembre 2021, ses taux directeurs pour juguler l’inflation projetée à 6,4% en 2023. Ces décisions visent à réduire la liquidité bancaire en la rendant plus coûteuse pour les agents économiques, parmi lesquels les États.

Faible implication des acteurs non bancaires

L’autre explication du durcissement des conditions de financement sur le marché des titres publics de la Beac est la trop forte concentration par les banques commerciales des titres publics émis par les États. En fait, les banques ont la capacité d’intervenir directement sur le marché primaire pour acheter ces titres. Mais, selon leurs cahiers de charges, elles ont l’obligation de céder au moins 30% de leur portefeuille sur le marché secondaire, celui auquel ont accès les acteurs non bancaires.

Mais, sur ce marché, les banques se cèdent entre elles les titres et impliquent très peu les acteurs non bancaires. Ce qui commence à peser sur leur capacité d’intervention. À fin janvier 2023, par exemple, ces établissements de crédit concentraient 77,7% de l’encours des dettes des États sur le marché des titres de la Beac, contre 2,2% pour les personnes physiques et 15,3% pour les investisseurs institutionnels (fonds de pension, assurances…).

Brice R. Mbodiam

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