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Yaoundé - 27 avril 2024 -
Gestion publique

Vins et spiritueux : BVS Cameroun se prépare à fermer boutique en catimini, après une accumulation des pertes

Vins et spiritueux : BVS Cameroun se prépare à fermer boutique en catimini, après une accumulation des pertes

(Investir au Cameroun) - La société Boissons, Vins et Spiritueux (BVS), lancée en 2017 à Douala par le Français Guillaume Sarra, ancien directeur général adjoint de la Société anonyme des boissons du Cameroun (SABC), vit ses dernières heures. « Les fêtes de fin d’année 2022 ont été l’occasion pour l’entreprise de commencer à vider ses stocks. Les machines sont également progressivement vendues à plusieurs sociétés », souffle une source proche du fournisseur de la gamme de vins français Castel, des jus de fruits du portugais Sumol Compal et des spiritueux de la gamme Pernod Ricard.

En effet, apprend-on, en plus de cet important déstockage des produits, BVS a initié depuis quelques mois des discussions avec plusieurs entreprises de la place, en vue de la vente de tous ses actifs. De sources autorisées, la SABC, le leader du marché brassicole, s’est d’ores et déjà positionnée pour le rachat du terrain abritant l’unité de conditionnement et les aires de stockage de BVS à Douala, la capitale économique du Cameroun. Le rachat dudit terrain, qui a d’abord appartenu à la SABC avant d’être cédé à BVS pour le lancement de ses activités, devrait être conclu au cours d’un conseil d’administration du mastodonte agro-industriel du Cameroun, prévu le 13 avril 2023.

Comme autre indicateur de cette fermeture prochaine de BVS, le tout puissant directeur général des deux filiales dédiées à la production et la distribution depuis fin 2019 (après avoir dirigé uniquement BVS distribution à partir du 1er octobre 2018), en la personne de l’Ivoirien Stéphane Soumahoro (photo), a depuis le 20 février 2023 discrètement pris ses quartiers à la Cameroon Oil Transportation Company (Cotco), en qualité de secrétaire général. L’arrivée du désormais ex-DG de BVS production et de BVS distribution dans cette entreprise pétrolière, chargée de la gestion du pipeline Tchad-Cameroun, a été officialisée par une annonce au personnel signée le 27 février 2023 par le directeur général de Cotco, Roger Schaefer.

Production locale

La vente des actifs de BVS devrait mettre un terme à une aventure entrepreneuriale débutée en 2017, grâce à un investissement de 12 milliards de FCFA soutenu par l’État du Cameroun, à travers la loi d’avril 2013 (révisée en 2017, NDLR) portant incitations à l’investissement privé. « Grâce à la loi fixant les incitations à l’investissement privé au Cameroun, nous avons choisi d’investir au Cameroun au lieu de l’Angola ou de la Côte d’Ivoire, ciblés au départ pour un investissement de 13 milliards de FCFA », avait confié Guillaume Sarra, magnifiant ainsi les avantages de cette loi, qui accorde des exonérations fiscalo-douanières allant de 5 à 10 ans aux opérateurs économiques porteurs de projets d’investissements.

La fermeture programmée de BVS devrait priver les amateurs de vins et spiritueux d’un fournisseur aux produits réputés de bonne qualité, dans un environnement gangrené par la contrefaçon de ces produits. Cette cessation d’activités projetée devrait surtout mettre un terme à une vision, qui aurait pu aboutir au développement d’une véritable industrie du vin et des spiritueux au Cameroun. En effet, dans son plan de développement, BVS ambitionnait, à long terme, de produire localement du vin, en relançant la culture de la vigne (arbre produisant le raisin) dans le pays. Selon le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), les premiers vignobles (plantation de vigne) du Cameroun remontent à la période avant les indépendances (1960), avec des plantations identifiées dans les localités telles que Babadjou (Ouest), Nanga Eboko, Ntui (Centre) et Mutengene (Sud-Ouest).

« Par ailleurs, un des projets qui nous tient particulièrement à cœur est de récolter localement des fruits comme les ananas, les mangues… et de les transformer en jus de fruits et en concentrés et/ou extraits que nous pourrons vendre à des producteurs locaux de boissons gazeuses ou à l’export », projetait le promoteur de BVS. Guillaume Sarra avait également révélé des démarches visant à acquérir une distillerie locale, qui devait permettre la transformation de la mélasse de sucre ainsi que du maïs ou du blé en alcool pur.

Un rêve brisé

Six ans après le démarrage des activités de BVS, le rêve s’est transformé en cauchemar. « Depuis le début de l’aventure, l’entreprise n’a pratiquement pas enregistré de bénéfice. Le chiffre d’affaires sur le segment production atteignait à peine 4 milliards de FCFA par an, contre rarement 10 milliards de FCFA pour le segment distribution, alors que les charges fixes cumulées étaient largement supérieures. Par exemple, entre 2017 et 2021, l’entreprise a enregistré une perte cumulée de 15 milliards de FCFA », révèle une source interne à BVS. La situation est telle que l’entreprise a même dû être recapitalisée en 2019 à hauteur de 3 milliards de FCFA. 

Des errements à la fois managériaux et stratégiques sont mis à l’index, pour expliquer cette déconvenue. « Sur le négoce, c’est clairement la mauvaise gestion qui est à l’origine des problèmes de l’entreprise. Ici, quatre points sont à souligner : un niveau de vie de l’entreprise nettement au-dessus de la rentabilité (salaires, véhicules, etc.), parce que le promoteur a visiblement voulu immédiatement mettre en place un standing que la SABC, d’où il venait, a mis en place en 40 ans ; un manque d’agressivité commerciale ; les pratiques anticoncurrentielles des autres opérateurs du secteur, face à un promoteur plutôt soucieux du respect de l’éthique en matière de fiscalité et le mauvais casting des dirigeants », croit savoir notre source.

Et ce dernier de poursuivre : « en matière de production, l’usine était surdimensionnée par rapport aux ventes. Même “Mimbo” (vin low cost conditionné dans les briquettes par l’entreprise, NDLR) a été stocké pendant longtemps. L’inconvénient d’une usine surdimensionnée est que tu as beaucoup de charges fixes que les revenus ne peuvent équilibrer. En plus, le service de la dette de l’entreprise, constitué des intérêts sur les prêts bancaires ayant induit l’investissement, ainsi que les charges de structure (salaires, impôts, logistique, énergie, etc.) étaient beaucoup plus importantes que les marges. Un bon dirigeant aurait pu restructurer tout cela. Mais, ç’a n’a pas été le cas ».

Brice R. Mbodiam

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