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Yaoundé - 27 avril 2024 -
Energie

Pipeline : dans un bras de fer avec N’Djamena, la SNH réclame le rachat de 20% des actions du Tchad dans Cotco

Pipeline : dans un bras de fer avec N’Djamena, la SNH réclame le rachat de 20% des actions du Tchad dans Cotco

(Investir au Cameroun) - La Société nationale des hydrocarbures (SNH), le bras séculier de l’État du Cameroun dans l’exploration et l’exploitation pétro-gazière, remet en cause la régularité de l’Assemblée générale de la Cameroon Oil Transportation Company (Cotco), l’entreprise en charge de la gestion de la portion camerounaise du pipeline Tchad-Cameroun, tenue le 24 mai 2023 à Paris. En effet, selon un communiqué publié le 2 juin 2023 par le ministre tchadien des Hydrocarbures, dont le pays détient désormais 53,7% des actions de Cotco, suite à l’approbation par les autorités de la concurrence de la Cemac du rachat des actifs de Petronas par la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT), cette Assemblée générale a même débouché sur la révocation, « avec effet immédiat », des administrateurs de Savannah Energy. Il s’agit d’une junior pétrolière britannique que le Tchad tente désormais d’expulser de l’actionnariat de Cotco, en raison du conflit qui oppose les deux parties autour du rachat des actifs d’Exxon Mobil sur le pétrole tchadien et l’oléoduc.

« Vous voudrez bien noter que la SNH (actionnaire de Cotco pour le compte de l’État du Cameroun, NDLR) n’a participé à aucune Assemblée générale de Cotco le 24 mai 2023 à Paris, et n’a reçu de convocation signée du président du Conseil d’administration de Cotco, avec comme point inscrit à l’ordre du jour la révocation des administrateurs de SMIL (Savannah Energy, NDLR) dans Cotco. Dans ces conditions, au cas où une telle Assemblée générale se serait tenue, les résolutions en découlant apparaissent irrégulières, car contraires aux règles statutaires de Cotco, sur la convocation et la tenue des Assemblées générales », peut-on lire dans une lettre confidentielle adressée le 2 juin 2023 au ministre tchadien des Hydrocarbures par l’administrateur directeur général de la SNH, Adolphe Moudiki (photo).

S’appuyant sur la décision de la Commission de la Cemac approuvant le rachat des actifs pétroliers de Petronas au Tchad par la SHT, le patron de la SNH rappelle ensuite les engagements pris devant les autorités de la communauté par le Tchad, pour obtenir leur approbation du deal avec l’entreprise malaisienne. « (…) Je note que la République du Tchad a notamment pris les engagements suivants, pour obtenir l’accord de la Cemac : le maintien au Conseil d’administration de la représentation des actionnaires de Cotco ; la limitation à quatre du nombre d’actionnaires tchadiens dans le Conseil d’administration de Cotco ; la désignation par les actionnaires minoritaires des autres administrateurs ; ne pas inscrire à l’ordre du jour des Assemblées générales ordinaires des projets de résolutions qui portent, entre autres, sur la nomination des dirigeants de Cotco, autres que les administrateurs tchadiens ; la rétrocession à la SNH d’une partie des actions de Cotco. La SNH veut croire, à ce stade, que le Tchad entend matérialiser les engagements susvisés », écrit Adolphe Moudiki. Une façon de dire au Tchad que les résolutions de son Assemblée générale ne sont pas conformes à ses engagements.

Rétrocession de 20% d’actions

Ce dernier saisit ensuite l’opportunité de ce rappel des engagements, pour formuler une demande de rétrocession au Cameroun de 20% des 53,77% des actifs détenus actuellement par le Tchad dans le capital social de Cotco. Selon les calculs du patron de la SNH, qui dit agir conformément au mandat à lui confié par le président de la République, Paul Biya, cette demande est en droite ligne de la participation initiale du Tchad (5%) et du Cameroun (8,5%) dans le projet de construction du pipeline Tchad-Cameroun (plus de 90% de cet oléoduc se trouve sur le territoire camerounais, NDLR). Un tel scénario, selon les détails révélés par Adolphe Moudiki, devrait permettre à la SNH de détenir 35,17% des parts de Cotco, contre 33,77% pour la République du Tchad et en principe 31,06% pour Savannah Energy.    

En attendant la réponse à cette requête camerounaise, Adolphe Moudiki sollicite de la partie tchadienne, de « veiller à laisser Cotco fonctionner de manière sereine, afin d’éviter qu’une éventuelle crise dans l’actionnariat affecte gravement le fonctionnement de cette société stratégique » pour le Tchad et le Cameroun. En effet, depuis le 24 mai 2023, le climat social s’est détérioré à Cotco. Ce jour-là, au cours d’un Conseil d’administration tenu à Paris, Savannah Energy a procédé à la nomination de Nicolas de Blanpré au poste de directeur général de Cotco. Le nouveau promu n’est autre que l’ancien DG de la filiale tchadienne de Savannah Energy, expulsé de N’Djamena en décembre 2022 suite au conflit avec le Tchad au sujet de l’achat des actifs d’Exxon Mobil dans le pays. Le contentieux porté devant la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris, après la nationalisation desdits actifs par le Tchad, reste pendant.

Dans le communiqué rendu public le 2 juin 2023, le ministère tchadien des Hydrocarbures rejette subtilement cette nomination. « En leur qualité d’actionnaires majoritaires de Cotco SA, la République du Tchad et la SHT (Société des hydrocarbures du Tchad) prennent les mesures nécessaires, en consultation avec les autorités camerounaises, afin qu’un nouveau directeur général soit nommé dans les meilleurs délais par le Conseil d’administration de Cotco SA », écrit le membre du gouvernement tchadien.

Saisine des tribunaux 

Ce dernier indique par ailleurs que suite à la révocation des administrateurs de Savannah Energy de Cotco, au cours de l’Assemblée générale du 24 mai 2023 contestée par la SNH, « la République du Tchad a porté cette information à l’attention des banques teneuses de comptes de Cotco SA dans la zone Cemac, ainsi que la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), en leur demandant de ne pas donner suite aux instructions de mouvements de fonds, en particulier vers l’étranger, reçues de la part des dirigeants révoqués. Ces restrictions ne concernent pas le paiement des salaires des employés camerounais et tchadiens de Cotco SA, ainsi que des impôts, taxes et contributions sociales dus aux administrations du Cameroun et du Tchad ».

 À ces restrictions imposées par le Tchad, vient s’ajouter une crise interne, née de la contestation de la nomination à titre intérimaire de M. Stéphane Soumahoro au poste de DG de Cotco, en attendant que le titulaire du poste se conforme à la réglementation en matière d’emploi des étrangers au Cameroun. « Monsieur Soumahoro Khalif Allah Ahmed Stéphane (…) n’est pas et ne peut être le directeur général, même par intérim de Cotco, parce que Monsieur Nicolas de Aubin de Blanpre a été désigné le 24 mai 2023 administrateur et directeur général de Cotco par le Conseil d’administration, sous réserve de la validation de cette promotion par l’Assemblée générale, et le ministère chargé de l’Emploi (en vertu de la réglementation sur les travailleurs étrangers, NDLR) », écrit un collectif d’avocat dans un communiqué signé le 2 juin 2023, et qui a saisi les juridictions nationales pour annuler les actes pris par le DG intérimaire de Cotco.

De sources internes à l’entreprise, sont principalement visés les actes de licenciements de quatre directeurs de l’entreprise, signés entre le 24 et le 29 mai 2023 par le DG par intérim. « Supposons même qu’il soit intérimaire. À ce titre, peut-il faire plus que gérer les affaires courantes ? Peut-il licencier des cadres nommés par le Conseil d’administration ? », interroge Me Michel Voukeng, l’un des avocats du collectif susmentionné.

Brice R. Mbodiam

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