(Investir au Cameroun) - Au Cameroun, les patrons des entreprises opérant dans des secteurs d’activités exposés à la hausse vertigineuse (20 à 400% selon les cas) des prix du fret et des matières premières importées sont à nouveau aux abois. Dans un communiqué rendu public ce 9 novembre 2021 par le président du Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam), la plus puissante organisation patronale du pays, Célestin Tawamba annonce que si ces entreprises « ne sont plus en mesure de s’ajuster, elles envisageront purement et simplement l’arrêt des activités d’importation et de production au 1er janvier 2022 ».
Dès cet instant, poursuit le président du Gicam, « le risque de défaut d’approvisionnement des marchés deviendra réel, avec corollaire majeur un risque de crise alimentaire et des conséquences sociales inévitables, que personne ne souhaite ». Au terme de la concertation organisée ce 9 novembre 2021 sur « la flambée des prix à l’importation », le Gicam soutient que le patronat projette désormais cette éventualité en raison de l’absence de lueur d’espoir à l’horizon.
En effet, soutient le Gicam, malgré la multiplication, ces derniers mois, de discussions à ce sujet avec les autorités publiques, les entreprises déplorent « soit l’absence de mesures adéquates, soit une inefficacité de celles proposées dans certains secteurs d’activités, au vu de leur incapacité à mitiger de manière significative l’impact de la hausse des coûts » de production, que l’organisation patronale situe entre 15 et 50%, selon les secteurs d’activités. Cette réalité, de l’avis des patrons camerounais, fait peser « de graves menaces » sur la « rentabilité et la survie » des entreprises.
Pour preuve, dans le secteur des matériaux de construction, par exemple, Cimencam, la filiale locale de LafargeHolcim Maroc Afrique (LHMA), annonce une augmentation de 1300 FCFA du coût de production de son sac de ciment (du fait de la hausse des prix du clinker à l’international), augmentation qui ne peut être répercutée sur le prix de vente, en raison de la réticence des pouvoirs publics à cautionner la hausse des prix sur le marché. Le concurrent Dangote Cement, lui, a simplement mis sur le marché, depuis le 1er novembre 2021, un nouveau ciment (Dangote Falcon 32.5) dans lequel la quantité de clinker est réduite, par rapport au 42.5, son produit phare.
Réduction du taux de TVA
Dans la métallurgie, après un léger réajustement des prix de vente du fer à béton, qui a d’ailleurs été combattu par le gouvernement, les opérateurs revendiquent désormais une marge bénéficiaire « de survie » de seulement 1%, largement en dessous des 16% règlementairement autorisés. Les importateurs de poissons, eux, jouent au chat et la souris avec les contrôleurs du ministère du Commerce dans les marchés. Selon de nombreuses ménagères, ces commerçants affichent ostentoirement les prix homologués pour détourner l’attention des agents de ce département ministériel, mais pratiquent des prix revalorisés à la caisse.
Afin d’atténuer la pression que les la flambée des prix des matières premières et du fret à l’international exerce sur les entreprises locales, les opérateurs économiques camerounais croient savoir que deux possibilités s’offrent aux pouvoirs publics : l’acceptation d’une revalorisation des prix de vente sur le marché, ou alors l’activation du levier fiscal, qui pourrait consister en la réduction du taux de TVA (taxe sur la valeur ajoutée) applicable aux produits exposés à cette inflation importée. Autant de suggestions sur lesquelles les autorités publiques restent jusqu’ici atones.
Au cours de sa rencontre avec le patronat du 1er octobre 2021 au siège du Gicam, à Douala, le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, a annoncé l’éventualité de mesures d’accompagnement des entreprises au cours du premier trimestre 2022. Mais, cet horizon s’apparente à une éternité pour les entreprises, qui confessent que mêmes « les mesures de cost-killing mises en place ont montré leurs limites », face à « la dérive inflationniste » « sans précédent » observée sur le marché mondial, de surcroît dans un contexte de persistance de la pandémie du coronavirus, dont l’impact négatif sur les entreprises est notoire.
Brice R. Mbodiam
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